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Valeur poétique de l'Art Poétique de Boileau

Publié le 28/04/2011

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I. — Pourquoi Boileau ne parle pas de l'opéra, du poème didactique, de la fable. — Il ne parle pas des diverses sortes de vers. II. — Erreurs sur l'histoire de la versification française, sur l'histoire du théâtre ; silence sur l'épopée du moyen âge. III. — L'ordre de la composition ; les digressions ou épisodes. Variété des développements ; les vers-formules. — Monotonie du style didactique ; exemple de faiblesse d'expression. Cependant hardiesses dans le style ou la versification. — Le ton d'honnête homme.

I On a reproché à Boileau des omissions ; mais on peut surtout lui imputer des erreurs. Voyons les unes et les autres. Il est des genres poétiques qu'on s'étonne, dit-on, de ne pas voir mentionnés. Ainsi, il ne parle pas de l'Opéra, dont Quinault donna les modèles les plus parfaits. Mais il faut se souvenir que le privilège de l'Académie royale de musique ne fut accordé à Lulli qu'en 1672, que Quinault, connu auparavant par ses comédies et ses tragédies, dénigrées par Boileau, composa Cadmus en 1673, Alceste en 1674 et tous ses autres poèmes postérieurement à l'Art Poétique; au moment où celui-ci paraissait, le genre n'avait vraiment pas encore des titres de noblesse suffisants pour figurer à côté de la tragédie.

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« Une lacune plus certaine touche les diverses sortes de vers qu'on emploie en poésie.

Les règles formulées au chant Iparaissent ne concerner que l'alexandrin ; nulle part Boileau ne dit qu'il existe des vers de diverses longueurs, qu'ilfaut observer l'alternance des rimes masculines et féminines, qu'il y a des combinaisons régulières de vers qu'onappelle strophes.

S'il fait allusion aux rondeaux et aux ballades que Marot aurait fait fleurir, il ne dit pas quelle estleur ordonnance.

Il y a donc sur ce point défaut de précision technique. II Plus graves sont les erreurs que l'on trouve surtout dans les passages où Boileau s'est hasardé à faire de l'histoirelittéraire. Au chant I il retrace une histoire de la versification française. Les principes de la versification française se sont lentement fixés à travers les siècles ; ils n'ont atteint toute leurrigueur qu'avec Malherbe.

Boileau n'ignore pas tout à fait cette évolution ; il a lu Marot où il pouvait trouver degrandes libertés ; Régnier lui présente encore des licences que Malherbe dans le même temps condamne.

Mais quandil prétend suivre l'histoire de notre versification (v.

113-130), les précisions qu'il croit utile de formuler sont toutesdes erreurs.

Dans notre plus ancienne poésie, il est faux de dire que Le caprice tout seul faisait toutes les lois. Rien n'est plus réglé que le décasyllabe des chansons de geste ou que les strophes des genres lyriques.

Villon,opposé à nos vieux romanciers (une note de Boileau montre qu'il songeait au Roman de la Rose), est loué d'avoirdébrouillé leur art confus.

Or Villon n'a rien débrouillé, quelque génie poétique qu'il ait eu ; il a gardé les formes fixesen honneur depuis longtemps, ballades et rondeaux, dont Marot, bien loin de les faire fleurir, ne vit que le déclin.Celui-ci n'a ni tourné de triolets, ni rimé de mascarades ; cette poésie de cour, venue d'Italie, se rencontreseulement chez Ronsard.

Pour ce qui est du rôle attribué au chef de la Pléiade, on sait à quelles discussions il adonné lieu.

Notons seulement que dans un développement consacré à la versification, pour apprécier sur cettequestion le rôle de Ronsard, Boileau se borne à écrire ce vers singulièrement vague : Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode. Le reste constate le succès, puis la chute du poète, faits qui ne peuvent être contestés ; mais cette disgrâce,appréciée en termes très durs (grotesque, pédantesque, orgueilleux), est attribuée à sa langue : sa muse enfrançais parlait grec et latin.

Plus tard Boileau déclarera que « ce n'est point la vieillesse des mots et desexpressions dans Ronsard qui a décrié Ronsard : c'est qu'on s'est aperçu tout d'un coup que les beautés qu'on ycroyait voir n'étaient point des beautés ».

Sans doute le point de vue n'est pas le même ; toutefois Boileau n'a pasrépété son accusation.

Il l'a soutenue cependant par des exemples que rapporte Brossette.

Deux exemples d'ailleursne suffisent pas pour justifier la formule excessive du vers.

De plus, s'il est bien vrai que Ronsard emploie le termearistotélicien d'entéléchie dans un sonnet à Cassandre, il suffit de lire les vers du Tombeau de Marguerite de Franceet de François Ier pour constater justement que Ronsard ne parle pas grec en français : Ah ! que je suis marri que la muse françoise Ne peut dire ces mots, comme fait la grégeoise, Ocymore, dyspotme,oligochronien : Certes je le dirais du sang valésien. Que la poésie de Ronsard soit savante, encombrée de mythologie, on n'y contredit pas, mais sa langue reste pure. Si dans une histoire de la poésie, on retient les noms de Desportes et de Bertaut pour établir le passage de Ronsardà Malherbe, on ne voit guère quels progrès leur doit l'art de la versification. Bien plus juste et précis est le jugement consacré à Malherbe.

Boileau ne cherche plus à sortir de son sujet, àapprécier l'inspiration de celui dont il dira « que la nature ne l'avait pas fait grand poète ».

Mais il marque la sévéritédes règles qu'il enseigna, seules capables de donner aux vers « une juste cadence ».

Les faits sont exacts, l'élogen'est pas outré, sauf un mot : Malherbe ne fut pas « le premier en France » à écrire de bons vers, d'un rythmeharmonieux ou régulier.

Si Boileau n'avait pas été aveuglé par ses préventions, Ronsard, et même Desportes ouBertaut eussent pu lui en faire entendre.

Enfin s'il est vrai que la leçon de Malherbe ne fut pas sans écho, il estexagéré de prétendre que « tout reconnut ses lois » ; Boileau lui-même le sait bien, puisque ailleurs il opposeThéophile à Malherbe et Racan, et qu'il n'a pas cru inutile de reprendre pour son compte une lutte inspirée deprincipes semblables. Au chant III, nous trouvons une autre digression de nature historique, où Boileau suit les progrès techniques de latragédie chez les Grecs et en France.

Les erreurs n'y sont guère moins nombreuses ; ce serait entamer un trop longsujet que de rectifier toutes les assertions relatives à Thespis, Eschyle et Sophocle.

Mais il est permis de regretterque sur le théâtre au moyen âge, sur les mystères, Boileau se montre si mal renseigné.

Il eût été préférable pour luide ne rien dire ; dès le XVIe siècle on commençait à être peu instruit des représentations des mystères, interditesen 1548 (ce que n'ignore pas Boileau) ; fort peu de ces vastes compositions avaient été imprimées et Pasquier, sicurieux du passé, qui connaît le nom d'Arnoul Greban, ne sait pas qu'il a écrit un mystère de la Passion.

Ainsi Boileaune rapporte que des traditions vagues et déformées.

Mais la naissance de la tragédie classique n'est pas rapportée. »

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