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VICTOR HUGO: LA SAISON DES SEMAILLES, LE SOIR.

Publié le 15/05/2012

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hugo

Saison des semailles. Le soir

C'est le moment crépusculaire.  J'admire, assis sous un portail,  Ce reste de jour dont s'éclaire  La dernière heure du travail. Dans les terres, de nuit baignées,  Je contemple, ému, les haillons  D'un vieillard qui jette à poignées  La moisson future aux sillons. Sa haute silhouette noire  Domine les profonds labours.  On sent à quel point il doit croire  A la fuite utile des jours. Il marche dans la plaine immense,  Va, vient, lance la graine au loin,  Rouvre sa main, et recommence,  Et je médite, obscur témoin, Pendant que, déployant ses voiles,  L'ombre, où se mêle une rumeur,  Semble élargir jusqu'aux étoiles  Le geste auguste du semeur.

Ce poème a été publié dans Les Chansons des Rues et des Bois, en 1865 : il avait été composé plus de vingt ans auparavant. En 1852, dans Napoléon le Petit, Hugo reprit le même symbole, en l'appliquant à l'orateur, semeur d'idées. Mais la page de prose où la comparaison est faite et expliquée dès le début est loin de valoir le poème, dont elle semble une paraphrase, à la fois passionnée et fantaisiste.

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« I.

Composition.

La point de départ est, comme toujours chez Hugo, une sensation vraie, qui se transforme d'elle-même en symbole.

Il n'y a pas deux parti%, comme dans les poèmes symboliques de Vigny ou de Leconte de Lisle : l'image et sa traduction plus ou moins artificielle, en tout cas toujours voulue par le poète.

Ici, c'est la vision réelle et forte qui s'imprègne d'idée et d'émo­ tion.

Aucun besoin d'explication.

Aux derniers vers, la sensa­ tion s'agrandit démesurément et donne le sens spirituel du tableau, qui s'impose au lecteur comme il s'est imposé àl'artiste 1 • Dans la page de prose, au contraire, Hugo part de l'idée elle­ même:< Une fois monté sur cette tribune, l'homme n'est plus un homme; c'est cet ouçrier mystérieux qu'on çoit le soir, au crépuscule, marchant à grands pas dans les sillons et lançant dpns l'espace~ aCJec un geste d'empire, les germes, les semences, la moisson future, la richesse tk l'été prochain, le pain, la pie.

• Il.

Le tableau.

Il est magnifique de clair-obscur et rappelle les eaux-fortes de Rembrandt.

Comme lui, il peint avec des ombres et du noir : un peu de jour dans la première strophe, puis une accumula­ tion de teintes sombres destinées à faire ressortir le personnage et la scène centrale : Sa haute silhouette noire Domine les profonds labour~.

Enfin les derniers vers s'illuminent d'une clarté sombre et surnaturelle.

Littéralement Hugo, comme le grand peintre flamand., • fait de la lumière avec des ténèbres 1 • • Les gestes du semeur sont décrits avec un rare bonheur, par le rythme, autant que pin les mots.

H ug11 reprend quelques-unes de ses expressions dans sa des­ cription en prose.

Celle-ci ne contient plus aucun effet de clair-obscur.

Belle encore, elle est beaucoup moins émouvante, bien qu'il fassE> partager son émotion à la nature entière : la fantaisie nuit au sentiment.

• Il Pa, il çient, il reçient; sa main s'ouçre et se Pide, et s'emplit et se vith encore; la plaine sombre 1.

On trouvera le même travail d'imagination et les même• procéd6s de composition dans Le Mendiant des Contemplations (Cf.

Chevaillicr et Audiat, Les T~xte1 jrançai.8, XJx• siècle, p.

1176).. »

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