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Victor HUGO : Saison des semailles. Le soir

Publié le 17/01/2022

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Victor HUGO : Saison des semailles. Le soir
C'est le moment crépusculaire. 
J'admire, assis sous un portail, 
Ce reste de jour dont s'éclaire 
La dernière heure du travail.
Dans les terres, de nuit baignées, 
Je contemple, ému, les haillons 
D'un vieillard qui jette à poignées 
La moisson future aux sillons.
Sa haute silhouette noire 
Domine les profonds labours. 
On sent à quel point il doit croire 
A la fuite utile des jours.
Il marche dans la plaine immense, 
Va, vient, lance la graine au loin, 
Rouvre sa main, et recommence, 
Et je médite, obscur témoin,
Pendant que, déployant ses voiles, 
L'ombre, où se mêle une rumeur, 
Semble élargir jusqu'aux étoiles 
Le geste auguste du semeur.

Ce poème est extrait du recueil Chanson des Rues et des Bois paru à Paris en octobre 1865, mais reprenant de nombreux textes composés vers 1859.

En préface de ce recueil, Victor Hugo évoque ce moment de la vie où l'on est mis « en présence de deux âges dans le mémé homme, de l'âge qui commence et de l'âge qui achève « L'ouvrage, reflet de cet état d'esprit, mêlera donc les texte joyeux ou nostalgiques évoquant des souvenirs d'adolescence. avec des méditations plus graves sur la vie et la condition humaine.

Dans cette même préface, Victor Hugo avertit : « La réalité est, dans ce livre, modifiée par tout ce qui dans l'homme va au-delà du réel. « Un avertissement qui, on le verra, prend tout son sens avec le poème que nous allons étudier.

 

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« nous est dit de façon explicite.

Pourtant, certains indices nous mettent sur la voie.Le semeur est un « vieillard » (vers 7).

C'est donc un homme sur la fin de sa vie, ce que suggère (mais ce n'estqu'une association d'idées) le rapprochement entre le semeur et le « moment crépusculaire » du premier vers.Par opposition à cette vie finissante, nous trouvons plusieurs notations évoquant l'avenir.

Ce sont, bien sûr,l'évocation de « la fuite utile des jours » (vers 12), mais aussi celle de « la moisson future » au vers 8 et peut-être(bien que ce soit plus discutable), le fait que le semeur lance sa graine « au loin » (vers 14).

N'oublions pas aussique les semailles sont un acte de fécondation, donc de vie.

Cette opposition mort/vie est particulièrement nette auvers 12 dans l'expression « fuite utile des jours », qui constitue presque un oxymore: la « fuite des jours » est uneimage classique évoquant la mort inéluctable, tandis que le mot « utile » vient affirmer que le temps sert les hommesdans leur ensemble.Ainsi, le spectacle que contemple Hugo est celui d'un vieillard travaillant pour le futur, sans être sûr de jouir lui-même du fruit de son labeur.

Il y a, sous-jacente, une antithèse entre l'état «passager » de l'homme et l'éternité dumonde, éternité manifestée par ces « étoiles » du vers 19.Le geste du semeur est donc admirable, grandiose et respectable, « auguste », dans la mesure où il évoque lafraternité humaine et, au-delà de cette fraternité, la grande chaîne des générations qui se succèdent sur la Terre.Là encore, on pourra rapprocher cette idée de celle présente dans « Booz endormi », qui montre un vieillard élu deDieu, rêvant à sa postérité future. LECTURE MME Il s'agit d'un poème composé en octosyllabes, c'est-à-dire ces vers de huit syllabes.

Ce vers a une sonorité moinsgrandiloquente que celle de l'alexandrin.

Son emploi correspond à la volonté de garder une certaine simplicité, bienaccordée à la description d'une scène champêtre.

Une simplicité qui pourtant, comme nous le verrons, n'exclut pasla solennité. Le titre Le titre, à première vue, semble froidement objectif : deux indications de temps, qui permettent de mieux situer lepropos qui va suivre.

Pourtant, ces indications ne sont pas innocentes. L'expression « saison des semailles » (en général, pour le blé, fin septembre ou début octobre) renvoie au vocabulaire agricole.

Elle pourrait être employée par un paysan pour indiquer le bon moment, l'époque exacte où ilconvient de semer.

C'est donc une expression qui évoque, pour le lecteur sensible, le rythme de la Nature.

Quant au« soir », c'est un moment synonyme de calme et d'apaisement ; l'heure de la fin du travail... Ainsi, par la rencontre de ces deux précisions temporelles, l'auteur crée immédiatement un climat d'harmonie et desérénité.

On notera par ailleurs que le titre est lui-même un octosyllabe, composé d'une « montée » de six syllabeset d'une « descente » de deux, ce qui produit un effet de pause, de repos coïncidant avec le mot «soir ». «C'est le moment crépusculaire.» Là encore, il s'agit d'une indication de temps.

Mais ce vers précise le titre.

Nous ne sommes pas au « soir » mais au crépuscule, à ce moment incertain où la nuit n'est pas encore tombée.

Il s'agit d'un temps bref, ce que soulignel'emploi du mot « moment ». L'emploi du présent (« C'est le moment ») nous transporte et nous installe dans ce climat déjà suggéré par le titre. Le vers, correspondant à une phrase simple, prend la valeur d'une affirmation indiscutable, encore renforcée par le «C'est» placé au tout début. Enfin l'expression « moment crépusculaire », volontairement lourde, introduit un ton de gravité solennelle.

Cette impression de solennité se trouve soulignée par la construction du vers, dont le seul mot « crépusculaire » constitue toute la seconde partie.

La prononciation de ce mot s'accompagne d'une tombée de la voix en fin de phrase quiévoque superbement la paix du crépuscule. « J'admire, assis sous un portail,Ce reste de jour dont s'éclaireLa dernière heure du travail» Description d'une situation.

Le poète, immédiatement présent par le « Je », nous indique où il est et ce qu'il voit. Les termes utilisés restent, comme le « crépusculaire » du premier vers, dans le registre d'une certaine grandeur. Ainsi l'expression « sous un portail » évoque l'idée de porche, de porte imposante.

De même, « Ce reste de jour » est une expression plutôt noble ; tandis que la précision «La dernière heure » donne au travail qui s'accomplit sous les yeux du narrateur un caractère plus émouvant. Notons aussi, au vers 3, l'emploi habile du « Ce ».

L'auteur Mit mine d'évoquer quelque chose de déjà connu ; il peut ainsi faire naître immédiatement une atmosphère en incitant le lecteur à se la remémorer. Les mots « assis sous un portail » font du narrateur un témoin discret, placé en retrait d'un tableau qui, par contraste, se trouve encore magnifié.

On notera que ces mots, placés entre deux virgules au sein d'une longue. »

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