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Victor HUGO: L'expiation - Livre V, 13

Publié le 04/10/2010

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hugo

Il neigeait. On était vaincu par sa conquête. Pour la première fois l'aigle baissait la tête. Sombres jours ! l'empereur revenait lentement, Laissant derrière lui brûler Moscou fumant. Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche. Après la plaine blanche une autre plaine blanche. On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau. Hier la grande armée, et maintenant troupeau. On ne distinguait plus les ailes ni le centre. Il neigeait. Les blessés s'abritaient dans le ventre Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés On voyait des clairons à leur poste gelés, Restés debout, en selle et muets, blancs de givre, Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre. Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs, Pleuvaient ; les grenadiers, surpris d'être tremblants, Marchaient pensifs, la glace à leur moustache grise. Il neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise Sifflait ; sur le verglas, dans des lieux inconnus, On n'avait pas de pain et l'on allait pieds nus. Ce n'étaient plus des cœurs vivants, des gens de guerre : C'était un rêve errant dans la brume, un mystère, Une procession d'ombres sous le ciel noir. La solitude vaste, épouvantable à voir, Partout apparaissait, muette vengeresse. Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse Pour cette immense armée un immense linceul. Et chacun se sentant mourir, on était seul. - Sortira-t-on jamais de ce funeste empire ? Deux ennemis! le czar, le nord. Le nord est pire.

 

Pour évoquer cet épisode décisif de l'histoire où, «pour la première fois«, Napoléon, à qui tout paraissait réussir, connaît le doute, Hugo utilise l'imparfait. La retraite est décrite comme un mouvement dramatiquement lent, pesant même, dans lequel le sort des soldats et de l'empire semble suspendu, hésitant. Le destin advient sans que les protagonistes en aient clairement conscience.

hugo

« l'absence de déterminant devant le mot troupeau, de même que la connotation péjorative de ce terme trahissent ladésorganisation de l'armée.

Cette emprise du chaos était déjà manifeste dans les phrases juxtaposées des premiersvers.

Plus loin, la parataxe (aux vers 9 et 10, par exemple) ou l'absence de verbe (vers 6 et 8) suggèrent un mondequi semble ne plus obéir à aucun ordre, aucune logique.

Les rejets (v.

10-11, v.

15-16 et 18-19) donnent, en outre,la sensation d'une impuissance face à la fatalité qui s'abat.

Au cours de cette retraite désordonnée, les « gens de guerre» finissent par n'être plus que les fantômes d'eux-mêmes (« un rêve errant dans la brume», « une procession d'ombres sous le ciel noir»). Une épopée tragique La retraite de Russie est, pour Napoléon I er, le commencement du déclin ; Victor Hugo place donc la légende impériale sous le signe de la défaite. Le suspense.

Pour évoquer cet épisode décisif de l'histoire où, «pour la première fois», Napoléon, à qui tout paraissait réussir, connaît le doute, Hugo utilise l'imparfait.

La retraite est décrite comme un mouvementdramatiquement lent, pesant même, dans lequel le sort des soldats et de l'empire semble suspendu, hésitant.

Ledestin advient sans que les protagonistes en aient clairement conscience. La mise en scène.

Par un jeu d'alternance entre l'usage du pronom indéfini « on» (qu'on peut interpréter comme le regard d'un soldat situé au cœur de la troupe, ou comme celui d'un témoin objectif) et la mention précise dedifférents acteurs (l'empereur, les chefs, les groupes de soldats), le point de vue change constamment.

Ladescription commence par l'image de l'Empereur abattu, et se poursuit par l'évocation de groupes successifs,clairement définis.

L'armée, même désorganisée, défile dans un certain ordre, ordre que le regard suit, à la façond'une caméra (travelling latéral) ; la perspective finit en s'élargissant sur un vaste plan d'ensemble. Le style épique.

Dans l'évocation de ce malheur, les éléments du drame acquièrent la dimension de géants.

L'« immense armée», la « solitude vaste, épouvantable à voir» ,l' « immense linceul» s'affrontent dans une sorte d'enfer polaire. (CONCLUSION) La retraite de Russie est la première des trois défaites napoléoniennes décrites par Hugo dans « L'Expiation ».

Pasplus que les deux suivantes (la défaite de Waterloo et la déportation à Sainte-Hélène), elle ne constitue le véritablechâtiment de l'Empereur.

La punition céleste ne s'abattra qu'à la fin du poème, lorsque du fond de son tombeau,Napoléon l er apercevra, dans une vision de cauchemar, son œuvre caricaturée par son médiocre neveu.. »

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