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Voltaire, TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, chapitre XXII : « De la tolérance universelle »

Publié le 17/01/2022

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De la tolérance universelle

Il ne faut pas un grand art, une éloquence bien recherchée, pour prouver que des chrétiens doivent se tolérer les uns les autres. Je vais plus loin : je vous dis qu'il faut regarder tous les hommes comme nos frères. Quoi ! mon frère le Turc ? mon frère le Chinois ? le Juif? le Siamois ? Oui, sans doute ; ne sommes-nous pas tous enfants du même père, et créatures du même Dieu ? Mais ces peuples nous méprisent ; mais ils nous traitent d'idolâtres ! Hé bien ! je leur dirai qu'ils ont grand tort. Il me semble que je pourrais étonner au moins l'orgueilleuse opiniâtreté d'un iman ou d'un talapoin, si je leur parlais à peu près ainsi : « Ce petit globe, qui n'est qu'un point, roule dans l'espace, ainsi que tant d'autres globes ; nous sommes perdus dans cette immensité. L'homme, haut d'environ cinq pieds, est assurément peu de chose dans la création. Un de ces êtres imperceptibles dit à quelques-uns de ses voisins, dans l'Arabie ou dans la Cafrerie : "Écoutez-moi, car le Dieu de tous les mondes m'a éclairé : il y a neuf cents millions de petites fourmis comme nous sur la terre, mais il n'y a que ma fourmilière qui soit chère à Dieu ; toutes les autres lui sont en horreur de toute éternité ; elle sera seule heureuse, et toutes les autres seront éternellement infortunées." « Ils m'arrêteraient alors, et me demanderaient quel est le fou qui a dit cette sottise. Je serais obligé de leur répondre : « C'est vous-mêmes. « Je tâcherais ensuite de les adoucir ; mais cela serait bien difficile. Je parlerais maintenant aux chrétiens, et j'oserais dire, par exemple, à un dominicain 2 inquisiteur pour la foi : « Mon frère, vous savez que chaque province d'Italie a son jargon, et qu'on ne parle point à Venise et à Bergame comme à Florence. L'Académie de la Crusca a fixé la langue ; son dictionnaire est une règle dont on ne doit pas s 'écarter, et la Grammaire de Buonmattei est un guide infaillible qu'il faut suivre ; mais croyez-vous que le consul de l'Académie, et en son absence Buonmattei, auraient pu en conscience faire couper la langue à tous les Vénitiens et à tous les Bergamasques qui auraient persisté dans leur patois? «

 

 

Le 10 mars 1762, Jean Calas mourut, torturé et brûlé sur le bûcher, après un procès tendancieux qui se solda par sa condamnation à mort. En effet, ce commerçant protestant fut accusé, sans preuve, d'avoir tué son fils, Marc-Antoine, parce que ce dernier voulait se convertir au catholicisme. Horrifié par cette exécution, Voltaire prit la défense de cet innocent et parvint à le faire réhabiliter. Ce cas exemplaire lui inspira son Traité sur la Tolérance, dont suit un passage, extrait du chapitre XXII, « De la tolérance universelle «.

 

 

I. Questions

1. Que signifie le terme « inquisiteur « ? Cherchez d'autres mots qui appartiennent à la même famille. 2. Identifiez les passages au style direct, au style indirect et au style indirect libre. Justifiez leur emploi en précisant quelles ressources Voltaire retire de ces procédés. 3. Pourquoi l'auteur raconte-t-il de petites histoires à ses interlocuteurs ? Comment désigneriez-vous ce mode de représentation ? A quel type de discours appartient-il ? 4. Comment comprenez-vous le dernier paragraphe ? A quels procédés l'auteur recourt-il pour manier l'art de la suggestion ?

II. Travaux d'écriture

1. Quels sont, d'après Voltaire, les obstacles qui s'opposent à l'entente des hommes entre eux ? Que conseille-t-il à ses contemporains ? Pensez-vous que la situation ait évolué de nos jours ? Organisez votre réponse en une quarantaine de lignes. 2. Comment l'auteur caricature-t-il les prétentions des hommes ? A qui est vraiment destiné son discours ? Quelle est sa portée ? Produisez une réponse organisée en une cinquantaine de lignes e 3. Qu'est-ce que rance ? Imaginez que vous vous adressez à l'un de vos contemporains dans une lettre : en prenant, comme Voltaire, un ton dégagé, que lui diriez-vous ?

 

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« Dérivés : inquisitorial (1516).

L'adjectif INQUISITEUR est attesté en 1842 au sens de « qui interroge de manièreindiscrète, autoritaire »; synonymes : fureteur, scrutateur, soupçonneux.Famille : Inquisition (Xlle s.) Dans le texte, nous pouvons relever l'occurrence : « un dominicain inquisiteur pour la foi ».

Un dominicain est unreligieux qui appartient à l'ordre de Saint-Dominique.

Traditionnellement, cet ordre fournissait des juges au tribunalde l'Inquisition.

Il s'agirait donc, ici, d'un reli-gieux qui examine les questions d'interprétation des Saintes Écritures(sens spécialisé). Question 2: Identifiez les passages au style direct, au style indirect et au style indirect libre.

Justifiez leuremploi en précisant quelles ressources Voltaire retire de ces procédés. Style direct :Dans le paragraphe 3, nous pouvons distinguer un premier niveau, celui que constitue le discours du narrateur : « Cepetit globe [...] infortunées ».

Ensuite, au deuxième niveau, le discours du narrateur inclut le discours rapporté d'unautre homme : « Écoutez-moi [...] infortunées ».

Dans le paragraphe suivant, nous relevons : « C'est vous-même.

»Et dans le suivant encore : « Mon frère [...] patois.

» Identifions les marques en repérage interne par rapport à lasituation de communication : l'auteur respecte la fonction référentielle en employant le démonstratif « ce, ces », lepronom personnel « nous », qui inclut la personne du locuteur et l'auditoire dans le discours.La fonction phatique — « Écoutez-moi » — insiste sur la relation au discours.

La fonction conative — « C'est vous-mêmes »;-« Mon frère » — permet de prendre directement à partie l'interlocuteur et de l'inciter à réfléchirpersonnellement.

Apparaît aussi la tonalité affective dans l'interrogation de la dernière phrase et l'appel à l'évidence.La fonction expressive semble peu exploitée et son absence est signifiante car le discours renvoie à des généralitésà admettre en tout temps et en tout lieu.L'emploi du style direct permet de rendre vivante la polémique et de la dépassionner en laissant chaque intervenantresponsable de ses propos.

Ainsi, l'intervention incluse dans le discours du narrateur lui permet de dire sanss'engager en personne. Style indirect :Nous relevons : « je vous dis qu'il faut regarder tous les hommes comme nos frères » (§ 1); « je leur dirai qu'ils ontgrand tort » (§ 2) ; ils « me demanderaient quel est le fou qui a dit cette sottise » (§ 4).Concernant les marques en repérage externe, par rapport au propos polémique, nous notons les verbesd'énonciation en principale : dire et demander sont suivis par une complétive introduite par « que » et par uneinterrogative indirecte introduite par l'adjectif interrogatif « quel ».

Le premier verbe « dire » introduit unesurenchère par rapport à ce qui vient d'être constaté dans la première phrase : le style indirect permet de passer dela réflexion sur le discours, « Il ne faut pas un grand art, une éloquence bien recherchée...

» à une précisionconcernant la généralisation du propos.

Le deuxième verbe « dire » introduit un jugement définitif sur l'intolérancereligieuse.

Le verbe « demander » permet de prévenir une contradiction de l'interlocuteur et enchaîne sur le styledirect qui le renvoie, avec force, à ses limitations.Dans ce passage, le style indirect constitue une forme de charnière entre le style direct et le style indirect libre.

Ilpermet, en quelque sorte, de conserver à l'ensemble la forme du récit tout en lui imprimant la tonalité générale dudiscours. Style indirect libre :Dans le premier paragraphe, le discours est attribué à une personne clairement identifiable, les chrétiens.

« Quoi ![...] Siamois ? » et l'auteur : « Oui [...] Dieu ? » En fait, ici, seule l'absence de guillemets peut nous inciter àinterpréter ces interventions comme relevant du style indirect libre — on pourrait aussi les classer en style direct.Notons l'utilisation des effets de sonorités et de rythme, qui passe par l'emploi de l'exclamation, de l'interrogation,des phrases nominales et des échos sonores (« Chinois » et « Siamois »).Dans le paragraphe suivant, nous relevons aussi :- « Mais ces peuples nous méprisent ; mais ils nous traitent d'idolâtres ! » L'enchaînement d'un paragraphe à l'autre repose sur l'emploi de la conjonction de coordination « mais »,qui introduit une opposition au discours du narrateur.Le style indirect libre a pour fonction de traduire le discours social qui se caractérise par l'intolérance religieuse. Question 3: Pourquoi l'auteur raconte-t-il de petites histoires à ses interlocuteurs? Comment désigneriez-vous ce mode de représentation ? A quel type de discours appartient-il ? • Voltaire raconte de petites histoires à ses interlocuteurs afin de rendre plus vivant, plus concret et plus expressifson discours.

Il utilise le procédé de la parabole, propre au discours religieux — tout comme le mythe représente unprocédé du discours philosophique.

En ce sens, le mode d'expression de Voltaire constitue, en soi, une citation, uneréférence à la forme du discours religieux, qu'il applique, lui, à la contestation de l'intolérance religieuse.Alors que la fable formule sa propre morale, la parabole figure la leçon implicite qu'il faut tirer de sa symbolique.

Dans. »

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