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Voyage au bout de la nuit (1932) CÉLINE

Publié le 14/03/2020

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Le roman de Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, met en scène un personnage commun, Ferdinand Bar-damu, aux prises avec les grandes questions qui agitent son époque : la guerre de 14-18, dans laquelle il s'engage, et dont il découvre les horreurs, le colonialisme, le modernisme, le progrès. De malheur en déchéance, le héros, malmené par les événements, découvre le monde et le fait découvrir aux lecteurs, avec une ironie et un cynisme grinçants. Le roman est écrit à la première personne, dans une langue volontairement crue et familière.

Ce colonel, c’était donc un monstre ! À présent, j’en étais assuré, pire qu’un chien, il n’imaginait pas son trépas ! Je conçus en même temps qu’il devait y en avoir beaucoup des comme lui dans notre armée, des braves, 5 et puis tout autant sans doute dans l’armée d’en face. Qui savait combien ? Un, deux, plusieurs millions peut-être en tout ? Dès lors ma frousse devint panique. Avec des êtres semblables, cette imbécillité infernale pouvait continuer indéfiniment... Pourquoi s’arrêteraient-ils ? Jamais 10 je n’avais senti plus implacable la sentence des hommes et des choses.

Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? pensais-je. Et avec quel effroi !... Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu’aux cheveux ? Avec 15 casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlants, en autos, sifflants, tirailleurs, comploteurs, volants, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers, pétaradant, enfermés sur la terre, comme dans un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne, France et Conti-20 nents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas) cent mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le concevais, je m’étais embarqué dans une croisade apocalyptique.

Éd. Gallimard.

L'insistance sur l'action guerrière

L'image créée dans le premier paragraphe est celle d'une avancée irréversible et aveugle. Elle est suggérée par la question « Pourquoi s'arrêteraient-ils ? » et par le choix que fait le narrateur des termes « implacable » et « sentence » : par le jeu des connotations, la guerre est associée à un châtiment imposé par une force (celle des hommes) et par le monde (« des choses »). Cette image est reprise de manière encore plus précise et plus concrète par la longue énumération des hommes, des armes et des comportements des lignes 14 à 23. Le narrateur semble énumérer, sans ordre, tout ce qui lui passe par la tête, pouvant évoquer la guerre, les moyens de se déplacer (« motos », « autos »), de se défendre (« casques »), de tuer

« pétaradant, enfermés sur la terre, comme dans un caba­ non, pour y tout détruire, Allemagne, France et Conti- 20 nents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas) cent mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le conce­ vais, je m'étais embarqué dans une croisade apocalyptique.

Éd.

Gallimard.

AXES DE LECTURE MÉTHODIQUE INTRODUCTION Au début du roman, Ferdinand Bardamu, engagé volontaire, participe à la guerre de 1914.

Envoyé au front, il mêle au récit de ce qu'il observe des remarques acerbes sur sa propre incompréhension, sur l'absurdité de la guerre et sur le com­ portement de son colonel.

L'extrait donné ici est constitué par un ensemble de réflexions qui conduisent à une évoca­ tion réaliste et critique de la guerre.

Elle est en effet présen­ tée comme « une croisade apocalyptique ».

Ces caractéris­ tiques orientent la lecture méthodique du texte dans les trois directions suivantes: - les réflexions et les interrogations du narrateur, - une évocation très péjorative de la guerre, - la situation d'un homme face à la guerre.

1.

LES RÉFLEXIONS ET LES INTERROGATIONS DU NARRATEUR Écrit à la première personne, le texte rapporte les réactions du narrateur et le résultat de ses réflexions.

On peut le remar­ quer à la nature des verbes et à la ponctuation.

45. »

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