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Yvonne Knibielher et Catherine Fouquet, Histoire des Mères

Publié le 28/03/2011

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Au temps où huit femmes sur dix étaient des paysannes, la maternité était le centre, la source, de toute la culture féminine. Féconde et nourricière, la mère mettait au monde de nombreux enfants, les nourrissait de son lait, les élevait comme elle le voulait ou comme elle le pouvait jusqu'à ce qu'ils aient six ou sept ans. Tout son travail entretenait leur existence : au potager, à la basse-cour, à l'étable, elle produisait des aliments ; à la cuisine, elle allumait et conservait le feu, elle cuisait la soupe et le pain ; elle filait, tissait, cousait, tricotait les vêtements ; au cours des grandes lessives et des grands nettoyages, elle accomplissait une œuvre rituelle de purification et de régénération ; elle soignait les maladies, pansait les plaies, disait les paroles magiques, cueillait les plantes salvatrices ; elle connaissait les saints à invoquer, les prières appropriées ; elle allait en pèlerinage, offrait des ex-voto ; elle inventait des chansons, des jeux, des contes ; à ses filles elle communiquait son savoir et son savoir-faire ; avec les autres femmes elle formait des communautés d'entraide. Assurément, la mère était un des piliers de la société rurale, mais au prix de quelles fatigues, de quelles privations, de quelles angoisses ! Au cours du xix« siècle, la maternité rustique perd ses pouvoirs. La réduction des naissances, la révolution industrielle, l'urbanisation remettent en question cette fonction et cette culture fondamentales. Pour beaucoup de femmes, le travail productif va être dissocié de la maternité. En idéalisant le métier de mère, les hommes du xix« siècle n'ont fait qu'exprimer leur crainte devant cette évolution entrevue et redoutée, leur désir d'empêcher l'inévitable. Comme si, dans un monde en mutation accélérée, ils avaient voulu charger la mère de garder un point stable. Longtemps on a regardé comme provisoire ce partage de la femme entre la maternité et le travail ; on a même espéré revenir en arrière, ramener la mère au foyer. Mais quel foyer? Et pour quelles responsabilités? Désormais, c'est la société tout entière qui s'applique à élever l'enfant : le médecin et ses auxiliaires, l'enseignant, le juge, le psychologue, l'éducateur. La maternité éclate en fonctions multiples; elle échappe à l'individualisme familial et prend une dimension collective. Nous entrons dans un nouvel âge de l'histoire des mères. Comment s'y définira le rôle de celles qui enfantent ? Elles n'en décideront pas seules, mais, consciemment ou non, elles orienteront l'avenir. Car, le passé le montre, elles ne se laissent pas gouverner aussi aisément que le voudraient les puissants. Ce qui est nouveau, de notre temps, c'est moins la liberté des mères que leur degré de conscience. Leur liberté reste encore souvent formelle, limitée par des conditions économiques, des contraintes sociales, l'inertie des mentalités. Mais leur conscience s'éclaire : à la différence des mères du passé, elles deviennent de plus en plus lucides devant la maternité. Elles se demandent désormais si elles veulent un enfant et pourquoi elles le veulent, quand, où et comment elles le mettront au monde ; elles s'interrogent sur les sentiments qu'elles lui portent, sur la charge, la responsabilité qu'il représente, sur le pouvoir qu'elles exercent en l'aimant et en l'élevant, sur le rôle du père.  

Il ne sera plus possible à l'avenir de leur dicter leur conduite. L'histoire des mères les aidera à comprendre quels déterminismes pèsent sur elles et à trouver la volonté de les infléchir. Mais dans quel sens ? Dans quel but ? C'est à elles d'en décider. Yvonne Knibielher et Catherine Fouquet, Histoire des Mères, 1977. 1. Vous résumerez ce texte en 150 mots (écart toléré plus ou moins 10 %). Vous indiquerez sur votre copie le nombre de mots que vous aurez employés. 2. Vous expliquerez les expressions (en italique dans le texte) : — « l'inertie des mentalités «, — «quels déterminismes pèsent sur elles«. 3. « (les mères) deviennent de plus en plus lucides devant la maternité«. Est-ce votre avis ?

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« VOCABULAIRE • l'inertie des mentalités : le mot «inertie» désigne l'état de ce qui est inerte, de ce qui ne bouge pas.

Dans le texteil s'agit de la façon de considérer la maternité qui, au cours des siècles, tend à rester la même, c'est-à-dire «lecentre, la source de toute culture féminine». • quels déterminismes pèsent sur elles : les femmes doivent analyser quelles conditions biologiques et socialesdéterminent leur rôle de mère ; le texte parle plus haut des « conditions économiques, des contraintes sociales »,de « l'inertie des mentalités », et le verbe « peser » indique bien que les femmes doivent lutter contre cescontraintes qui les empêchent de définir elles-mêmes leur rôle de mères. DISCUSSION : PLAN DÉTAILLÉ Introduction L 'Histoire des mères a eu un certain retentissement lors de sa parution, car cet ouvrage correspondait bien à desinterrogations contemporaines sur le rôle de la mère dans la société moderne, en même temps qu'il était uneréflexion sur l'histoire de la maternité. Les auteurs de ce livre — qui sont elles-mêmes des femmes — affirment que les mères «deviennent de plus en pluslucides sur la maternité».

On peut se demander en quoi consiste cette lucidité et dans quels domaines elle s'exerce. I.

Des mères de plus en plus lucides. I.

Le choix de la maternité. Avec l'apparition de la contraception et la libéralisation de l'interruption volontaire de grossesse, les femmes peuventchoisir d'être mères ou non, elles peuvent choisir le moment de la naissance de leurs enfants. Cette liberté de choix implique une interrogation sur le sens de la maternité dans leur vie. Elles peuvent également choisir la façon dont elles mettront cet enfant au monde (cf.

au xxe siècle la généralisationde l'accouchement en milieu hospitalier, le succès des méthodes d'accouchement sans douleur, de naissance sansviolence, etc.). 2.

Le sentiment maternel. Il est certain que le sentiment maternel n'est pas quelque chose de donné de façon immuable par la Nature : il necesse d'évoluer en fonction de l'évolution générale des mœurs. L'enfant n'est plus totalement formé par la mère jusqu'à l'âge de six ou sept ans comme c'était le cas par le passé.

Ilva à la crèche, puis à l'école maternelle, il est pris partiellement en charge par la collectivité. La mère s'investit moins exclusivement dans l'enfant, elle a une vie autonome plus riche, elle travaille souvent au-dehors du foyer. De ce fait même le sentiment maternel devient moins étouffant pour la personnalité de l'enfant, la mère aidedavantage son enfant à trouver sa propre voie sans lui imposer la sienne.

L'enfant doit prendre des responsabilités— même limitées — plus jeune. 3.

Le sens des responsabilités. Avec cette évolution, la responsabilité même de la mère par rapport à l'enfant s'est déplacée : elle n'est plus cellequi lui apporte tout.

A l'enfant sociabilisé beaucoup plus jeune elle doit apporter une aide plus spécifique. Le jeune enfant attend d'elle une affection qu'il ne peut avoir à la crèche, il est avec elle un être unique : c'estdans sa famille que sont prises en compte ses particularités, c'est là qu'il peut être vraiment lui-même. II.

Des obstacles restent encore à surmonter. 1.

Toutes les femmes ne choisissent pas vraiment leur maternité. La contraception n'est pas toujours acceptée pour des raisons d'ordre moral ou religieux, par méconnaissance, parcrainte. Parfois le contexte social ne favorise pas le désir de maternité, les parents s'inquiétant de ce que sera l'avenir deleurs enfants. 2.

« L 'inertie des mentalités ».. »

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