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Yvonne KNIBIELHER et Catherine FOUQUET, Histoire des Mères

Publié le 23/05/2011

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fouquet

Au temps où huit femmes sur dix étaient des paysannes, la maternité était le centre, la source, de toute la culture féminine. Féconde et nourricière, la mère mettait au monde de nombreux enfants, les nourrissait de son lait, les élevait comme elle le voulait ou comme elle le pouvait jusqu'à ce qu'ils aient six ou sept ans. Tout son travail entretenait leur existence : au potager, à la basse-cour, à l'étable, elle produisait des aliments, à la cuisine, elle allumait et conservait le feu, elle cuisait la soupe et le pain, elle filait, tissait, cousait, tricotait les vêtements ; au cours des grandes lessives et des grands nettoyages, elle accomplissait une oeuvre rituelle de purification et de régénération ; elle soignait les maladies, pansait les plaies, disait les paroles magiques, cueillait les plantes salvatrices ; elle connaissait les saints à invoquer, les prières appropriées ; elle allait en pèlerinage, offrait des ex-voto ; elle inventait des chansons, des jeux, des contes ; à ses filles elle communiquait son savoir et son savoir-faire ; avec les autres femmes elle formait des communautés d'entraide. Assurément, la mère était un des piliers de la société rurale, mais au prix de quelles fatigues, de quelles privations, de quelles angoisses ! Au cours du XIXe siècle, la maternité rustique perd ses pouvoirs. La réduction des naissances, la révolution industrielle, l'urbanisation remettent en question cette fonction et cette culture fondamentales. Pour beaucoup de femmes, le travail productif va être dissocié de la maternité. En idéalisant le métier de mère, les hommes du XIXe siècle n'ont fait qu'exprimer leur crainte devant cette évolution entrevue et redoutée, leur désir d'empêcher l'inévitable. Comme si, dans un monde en mutation accélérée, ils avaient voulu charger la mère de garder un point stable. Longtemps on a regardé comme provisoire ce partage de la femme entre la maternité et le travail ; on a même espéré revenir en arrière, ramener la mère au foyer. Mais quel foyer? Et pour quelles responsabilités ? Désormais, c'est la société tout entière qui s'applique à élever l'enfant : le médecin et ses auxiliaires, l'enseignant, le juge, le psychologue, l'éducateur. La maternité éclate en fonctions multiples ; elle échappe à l'individualisme familial et prend une dimension collective. Nous entrons dans un nouvel âge de l'histoire des mères. Comment s'y définira le rôle de celles qui enfantent ? Elles n'en décideront pas seules, mais, consciemment ou non, elles orienteront l'avenir. Car le passé le montre, elles ne se laissent pas gouverner aussi aisément que le voudraient les puissants. Ce qui est nouveau, de notre temps, c'est moins la liberté des mères que leur degré de conscience. Leur liberté reste encore souvent formelle, limitée par des conditions économiques, des contraintes sociales, l'inertie des mentalités. Mais leur conscience s'éclaire : à la différence des mères du passé, elles deviennent de plus en plus lucides devant la maternité. Elles se demandent désormais si elles veulent un enfant et pourquoi elles le veulent, quand, où et comment elles le mettront au monde ; elles s'interrogent sur les sentiments qu'elles lui portent, sur la charge, la responsabilité qu'il représente, sur le pouvoir qu'elles exercent en l'aimant et en l'élevant, sur le rôle du père. Il ne sera plus possible à l'avenir de leur dicter leur conduite. L'histoire des mères les aidera à comprendre quels déterminismes pèsent sur elles et à trouver la volonté de les infléchir. Mais dans quel sens ? Dans quel but ? C'est à elles d'en décider.

Yvonne KNIBIELHER et Catherine FOUQUET, Histoire des Mères, 1977.

1. Vous résumerez ce texte en 150 mots (écart toléré plus ou moins 10 %). Vous indiquerez sur votre copie le nombre de mots que vous aurez employés. 2. Vous expliquerez les expressions suivantes : a) l'inertie des mentalités ; b) quels déterminismes pèsent sur elles. 3. « (les mères) deviennent de plus en plus lucides devant la maternité «. Est-ce votre avis ?

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