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Le Sida dans les années 1980: Histoire

Publié le 30/11/2018

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histoire

5 juin 1981, Atlanta (États-Unis): le CDC (Centers for Di-sease Control), organisme chargé de surveiller l'évolution des maladies, publie dans sa revue hebdomadaire un rapport relativement anodin: il s'agit de la description de cinq cas graves de pneumonie survenus dans les mois précédents à Los Angeles. Une coïncidence étrange a conduit les responsables de la prestigieuse agence américaine à signaler cette situation à la communauté scientifique. Tous les patients sont de jeunes homosexuels. Et la pneumonie dont ils souffrent est duc à un microbe, le Pneumocystis cariniï, qui ne provoque habituellement pas de maladie, sauf chez les personnes dont le système immunitaire est déficient.

 

Cette annonce constitue l’acte de naissance officiel d’une épidémie qui, quelques années plus tard, va toucher le monde entier, devenir l'une des préoccupations majeures de l'ensemble de la planète et provoquer des bouleversements de tous ordres... Elle n'a pour l'heure même pas encore de nom.

 

Immédiatement, les médecins de la côte est des États-Unis mettent en rapport ce constat et ce qu'ils observent depuis quelques mois à New York: d'abord l'apparition de malades présentant des caractéristiques semblables à ceux de Los Angeles, mais aussi la recrudescence dans cette même population d'une forme de cancer assez rare, le sarcome de Kaposi. Une maladie en apparence nouvelle semble faire son apparition. Les journalistes américains lui donnent alors le nom de «Gay Cancer». Ce n’est que vers la seconde moitié de l’année 1982 que s'imposera le terme AIDS, traduit en français par SIDA (syndrome d'immuno-déficience — ou syndrome immuno-défi-citaire acquis).

 

La résonance du SIDA (largement amplifiée par une couverture médiatique considérable) dans de multiples secteurs de la vie privée et publique conduit à s'interroger: vivons-nous — et allons-nous vivre — des «années SIDA»?

 

Vers la pandémie

 

Personne ne connaît l'origine du SIDA. L’hypothèse africaine. simplement probable, ne peut en aucun cas être tenue pour certaine. On ne peut pas non plus dater avec exactitude son apparition. On sait seulement que le SIDA existe, au moins depuis le milieu de ce siècle, mais de façon sporadique.

 

L'épidémie n'aurait réellement débuté qu’à la fin des années soixante-dix. En dix ans, elle est devenue un problème majeur de santé publique. D'abord parce qu'elle s'est étendue à l’ensemble de la planète, constituant en quelques années une véritable pandémie, mais aussi parce que la progression numérique des cas de SIDA et des personnes contaminées par le virus est spectaculaire et très préoccupante. On peut estimer qu’à la fin des années quatre-vingt le nombre de cas de SIDA dans le monde approche le million, et que 5 à 10 millions de personnes sont porteuses du virus. Dans certaines villes d'Afrique centrale, près du quart des femmes enceintes venant accoucher sont porteuses de ce virus. À New York, le SIDA est devenu l'une des premières causes de mortalité, et même la première dans certaines tranches d'âge.

 

La France, qui est le pays le plus atteint d'Europe et où le nombre de malades double environ chaque année, compte en 1989 environ 200 000 à 300 000 personnes porteuses du virus. Sans doute, la malnutrition, le paludisme, les cancers... tuent encore bien davantage. Mais demain? Le SIDA évolue sur un mode épidémique, et c’est donc surtout dans sa progression qu'il représente une menace majeure.

LES ANNÉES SIDA.

 

Françoise Héritier-Augé est nommée en 1989 directrice du Conseil national sur le SIDA en France. © G. Schachmes - Sygma

LES ANNÉES SIDA.

 

Des trophées sont remis aux chercheurs sur le SIDA à New York, en novembre 1986. Ci-contre: les professeurs

 

Luc Montagnier et Robert Gallo.

 

© Tannenbaum - Sygma

Recherche scientifique:

 

LE SIDA COMME RÉVÉLATEUR

 

A plus d’un titre, la recherche scientifique aura vécu, et va vivre encore, des années SIDA. Sans doute moins du fait de la quantité, pourtant considérable, des travaux réalisés sur le sujet qu’en raison de ce qu’a confirmé l'apparition du SIDA, c'est-à-dire la formidable potentialité technique de la recherche, mais aussi l’importance des enjeux, notamment économiques et financiers, qui la régissent.

 

Il n'existe, à la fin de la décennie quatre-vingt, aucun vaccin ni aucun traitement réellement efficace : on possède toutefois un arsenal thérapeutique permettant de retarder l’évolution de la maladie. Jamais sans doute les progrès scientifiques n'ont été aussi rapides, en réaction à la découverte d'une pathologie nouvelle.

 

L’agent responsable de ce mal étrange a été, en effet, découvert dans un temps record. Après avoir exploré quelques fausses pistes, les scientifiques ont émis des hypothèses qui se sont rapidement orientées vers la recherche d'un virus, dont la transmission semble se faire par voie sexuelle mais aussi sanguine. S'est alors engagée une formidable course poursuite pour la découverte du virus... qui sera marquée par la rivalité entre deux personnalités: les professeurs Montagnier et Gallo; deux équipes: l'une à l’institut Pasteur de Paris, l'autre à Bethesda près de Washington; et deux pays: la France et les États-Unis. Si cette émulation a permis aux travaux de porter leurs fruits extraordinairement vite, elle a montré également que, derrière les recherches, se profilent des enjeux de prestige ainsi que des enjeux économiques, considérables.

 

On peut considérer aujourd’hui que, si Robert Gallo a bien ouvert la voie par ses travaux sur la famille de virus à laquelle appartient celui du SIDA, c’est à l’institut Pasteur que ce dernier a été découvert, par l’équipe de Luc Montagnier, au début de 1983, c’est-à-dire moins de deux ans après le premier article du CDC! Ce n’est toutefois qu’en mai 1986 que l’on s’entendra pour dénommer ce virus. HIV (pour Human Immunodeficiency Virus) sera finalement retenu, en remplacement de LAV, choisi par les Français, et HTLV III par les Américains. Et en mars 1987, un accord sera conclu — et annoncé simultanément par le président des États-Unis et le Premier ministre français — sur les implications économiques et financières de la découverte du virus du SIDA et des tests de dépistage correspondants. À la suite de la découverte du virus, il a été en effet possible de fabriquer, dès 1984, de tels tests. Parallèlement, le mode d’action du virus dans l’organisme, les voies de transmission et les manifestations cliniques de la maladie ont été rapidement identifiés.

histoire

« LES ANNÉES SIDA.

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Bossu · Sygma LES ANNÉES SIDA.

/" dé c em bre /988, à Paris: première jou mée mondiale consacrée ou SI DA.

Ci-dessus: au Trocadéro, témoignages de personnes contraissant des victimes du virLLf: • Le SIDA, j'en parle.

• © D.

Mt!rillon · Gamma LES ANNÉES SIDA.

L'Afrique est particulièrement touchée par le virus.

Ci-contre: cours d'éducation sexuelle au Rwanda, en juillet 1987, donné par un prédicateur itinérom travaillant pour l'OMS tt le min ist ère de la Sami.

©l�an Bu-Vu La prise en charge thérapeutique des patients, si elle a fait des progrès, apparaît cependant décevante; de congrès mondial sur le SIDA en séminaire international, on répète inlassablement que vaccin et traitement efficaces sont promis pour dans cinq ans, sans que ce délai raccourcisse au fur et mesure que le temps avance ...

Ce qui conduira à tous les excès.

Comme pour d'autres maladies incurables, des charlatans vont profiter de la détresse des malade� pour proposer toutes sortes de remèdes aussi inefficaces que coûteux, dans les pays développés mais aussi en Afrique par exemple.

On verra des patients fortunés, mais aussi souvent démunis, parcourir le monde entier sur la foi d'une simple rumeur faisant état de la découverte du remède miraculeux.

LEs RÉPERCussiONS ÉCONOMIQUES DU SIDA La maladie a un coût, le SIDA n'échappe pas à la règle.

Les données concernant les répercussions économiques, actuelles et fu.

turcs, du SIDA sont encore minces, dix ans après les premières des­ criptions.

Mais on peut tout de même faire un certain nombre de constats.

Le coût économique du SIDA doit s'apprécier selon deux composantes: les coûts directs, liés aux dépenses de tous ordres, effectuées pour lutter contre l'épidémie, et les coOts indirects, liés au déficit de productivité des personnes malades ou décédées.

Une importante étude américaine évalue à 500 000 francs le coût total de prise en charge médicale d'un patient atteint de SIDA, jusqu 'à la mort.

Ce qui est assez proche d'une estimation française proposant une fourchette oscillant entre 100 000 et ISO 000 francs par an.

Les auteurs américains de l'étude soulignent avec raison qu'il s'agit de coOls tout à fait semblables à ceux d'autres maladies graves.

En revanche, les coûts correspondant au retrait de la vie active d'adultes souvent jeunes apparaissent nettement plus importants: de six à sept fois le coût direct.

Ce chiffre illustre, si besoin est, la tragédie que représente la maladie en Afrique centrale.

Venant s'a­ jouter au drame humain, l'impact économique du SIDA sur l'éventuel développement de ces pays est considérable.

En effet, la maladie atteint plus particulièrement les jeunes adultes des populations ur­ baines qui pourraient être les moteurs et les acteurs principaux de ce développement.

En conclusion de leur étude, les auteurs américains sou­ lignent que l'incidence de cette maladie sur l'économie américaine demeure modérée à l'orée des années quatre-vingt-dix.

Mais l'avenir paraît beaucoup plus sombre.

Et l'on voit se profiler de façon massive ce qui déjà se manifeste pour les malades africains ou les plus démunis des malades occidentaux par exemple (lorsqu'il n'existe pas de sys­ tème public de prise en charge): un accès inégalitaire aux soins, ce qui ne peut que repousser, à terme, dans la marginalité et la désocialisa­ tion les personnes atteintes par le virus, avec des risques évidents d'explosion sociale et de diffusion, plus large encore, du virus.

C'est peut-être en cela, surtout, que les années quatre-vingt-dix seront, probablement, des années SIDA ...

LA TROISIÈME ÉPIDÉMIE Pour Jonathan Mann, qui dirige le programme SIDA de l'Organisation mondiale de la santé, nous sommes confrontés à une triple épidémie.

La première concerne l'infection par le HIV, la deuxième, qui la suit de quelques années, concerne le SIDA propre­ ment dit.

..

1et la troisième est relative à la répercussion sociale de la maladie.

Un phénomène est d'abord nouveau dans l'histoire: pour la première fois, en effet, l'opinion publique mondiale est tenue infor­ mée en temps réel, par les médias, de l'évolution d'une épidémie, des avancées ou des piétinements de la recherche, etc.

Mais, plus encore, ce sont les caractéristiques mêmes de l'épidémie qui à l'origine ont ces implications sociales.

LA MORT DANS LA FORCE DE L'ÂGE Le SIDA, en conduisant lentement des gens jeunes à la mort, bouleverse un schéma qui paraissait bien établi, principalement dans les sociétés développées: jusque-là, la souffrance et la mort concernaient presque exclusivement les personnes âgées ou les vic­ times d'accidents ...

En France, la moyenne d'âge des malades du SIDA est de trente-sept ans, et, parmi eux, les moins de vingt-cinq ans ne sont pas rares.

MÉDECINE, MÉDECINS ET MALADES: LE BOULEVERSE MENT Quelle que soit la rapidité des progrès enregistrés, le SIDA bat en brèche la croyance en la toute-puissance de la médecine et de la science:111 redéfinit les rôles et les statuts du médecin et du malade.

Bouleversant ses certitudes, mais aussi ses lassitudes, le SIDA re­ donne à une partie de la communauté médicale la passion du combat, la volonté de répondre à un défi considérable et souvent le souci de reconstruire une relation médecin-malade plus riche.

Car parallèle­ ment, le rôle du malade change.

Un rôle que le sociologue Daniel. »

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