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Dictionnaire en ligne: DÉSINCARNÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.

Publié le 08/01/2016

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Dictionnaire en ligne: DÉSINCARNÉ, -ÉE, participe passé et adjectif. I.— Participe passé de désincarner* II.— Adjectif. Qui n'est plus/pas incarné, étoffé de chair ou attaché à la chair. A.— [Par référence à la chair en tant que composante prédominante du corps humain] 1. RELIGION, SPIRITUALITÉ. [En parlant d'une personne] Qui a été dépouillé, par la mort, de l'enveloppe charnelle, du corps. (Quasi-)synonymes : angélique, céleste. En ma présence, les esprits frappeurs se taisent soudain (...). Je donnerais beaucoup pour causer avec des âmes désincarnées (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie littéraire, tome 3, 1891, page 145 ). Ces personnalités multiples qui dictaient (...) des messages en écriture automatique et que le « médium » identifiait avec les « esprits » désincarnés de plusieurs défunts (ROBERT AMADOU, La Parapsychologie, 1954, page 114) : Ø 1.... il y a le dogme Hindou des migrations d'âmes qui errent après la mort. Ces âmes désincarnées vagabondent jusqu'à ce qu'elles se réincarnent et qu'elles parviennent, d'avatars en avatars, à une pureté complète. Eh bien, cela me paraît suffisant de vivre, une fois... GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 1, 1891, page 216. — Substantif. Aux souterrains de l'Hadès, comme aux prés des Champs-Élysées, ne se trouvent que les ombres, les mânes ancestrales, les doubles égyptiens, les restes inconsistants de nos désincarnés (MAURICE MAETERLINCK, Le Grand secret, 1921, page 160 ). 2. [En parlant d'une personne, de son aspect extérieur] Dont les chairs se sont amenuisées en volume; dont l'apparence diaphane évoque une créature immatérielle, un pur esprit. (Quasi-)synonyme : décharné; (quasi-)antonyme : charnu. Invraisemblablement maigrie, « désincarnée », elle avait fini par ressembler à un fakir, à une momie, à tout ce qui rappelle de plus près un squelette (MARCEL JOUHANDEAU, Monsieur Godeau intime, 1926, page 197 ). Dans leur extrême vieillesse une étrange beauté presque désincarnée (...) une finesse de la chair comme lumineuse (JACQUES CHARDONNE, Le Ciel dans la fenêtre, 1959, page 127 ). — Par analogie ou par métaphore. [En parlant d'une chose concrète ou abstraite] La lumière si claire, si fine et comme désincarnée (ALEXANDRE ARNOUX, Rhône, mon fleuve, 1944, page 27 ). Ils [certains théologiens] l'enfermaient [le christianisme] dans des mots exsangues, désincarnés, vides pour moi de tout contenu. Or, Dieu me semblait mêlé charnellement à l'aventure humaine (FRANÇOIS MAURIAC, DU CÔTÉ DE CHEZ PROUST, 1947, page 86 ). B.— [Par référence à la chair en tant qu'objet de valorisation morale, religieuse; en parlant d'une personne, d'un aspect de son comportement] Détaché, en esprit, de la chair, notamment de ce qui, dans le corps, est enclin ou propice au désir, au plaisir amoureux. (Quasi-)synonyme : platonique. La hantise de la pureté désincarnée se greffe sur le sentiment amer d'une déficience ou d'une laideur physique, sur une sexualité déçue ou freinée (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 117 ). Cette aberration qui m'amenait à croire que, plus mon amour était éthéré, et plus il était digne d'elle — gardant cette naïveté de ne me demander jamais si la contenterait un amour tout désincarné (ANDRÉ GIDE, Et nunc manet in te, 1951, page 1128) : Ø 2.... la nudité se confondait pour moi avec l'indécence, mais dans le milieu où je vivais, jamais la franchise d'un besoin, jamais un acte violent ne déchirait le réseau des conventions et des routines. Chez les adultes désincarnés, qui n'échangeaient que des paroles et des gestes policés, comment faire place à la crudité animale de l'instinct, du plaisir? SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 163. C.— [Par référence à la chair comme synonyme de matière en général, par opposition à l'esprit] 1. [En parlant d'une personne] Détaché de la condition humaine, du monde des apparences, de la réalité présente par le pouvoir de l'imagination, par un effort intellectuel ou une volonté d'ascèse spirituelle. La [Thérèse] contempler en dehors du temps, désincarnée (FRANÇOIS MAURIAC, La Fin de la nuit, 1935, page 138 ). L'histoire n'est pas tout à fait un objet; elle ne le devient que si je m'en évacue moi-même, à la façon dont le corps propre devient corps-objet pour un spectateur pur et désincarné, pour un spectateur non-situé (PAUL RICOEUR, Philosophie de la volonté, 1949, page 119) : Ø 3. Le créateur n'est, grâce à Dieu, jamais assez désincarné pour « n'avoir que faire de notre univers mesuré et stérile ». C'est de cet univers qu'il extrait ses éléments; et ces éléments sont d'autant plus riches que le créateur est plus vivant, — c'est-à-dire qu'il participe davantage à la vie de cet univers. Il ne viendrait pas à l'idée du grand Goethe de déprécier l'apport de la nature à son génie. ROMAIN ROLLAND, Beethoven, tome 1, 1928, page 21. 2. Par extension. [En parlant d'une valeur, d'une oeuvre humaine] (Quasi-)synonymes : abstrait, intemporel; (quasi-)antonymes : tangible, temporel. Idées gratuites et désincarnées (JEAN GUÉHENNO, Journal d'une révolution, 1938, page 233 ). Ce pouvoir de réalisation indéterminé se dissoudrait dans le vide si aucune matière ne lui était offerte (...). Ce que l'occasion offre ainsi à la cause en peine, à la cause pneumatique et désincarnée, ce sont les deux coordonnées de la date et du lieu (VLADIMIR JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, page 106) : Ø 4. Le christianisme n'est pas une religion de l'au-delà qui aurait pour mission de consoler l'homme de ses misères d'ici-bas par la promesse de récompenses célestes. Le christianisme n'est pas un spiritualisme désincarné qui ne s'intéresse qu'au salut des âmes (...) la révélation biblique concerne l'homme tout entier et elle a un sens actuel. L'Univers économique et social, 1960, page 6416. Fréquence absolue littéraire : 48. Forme dérivée du verbe "désincarner" désincarner DÉSINCARNER, verbe transitif. N'être plus/pas incarné, étoffé de chair ou attaché à la chair. A.— [Par référence à la chair en tant que composante prédominante du corps humain] 1. RELIGION, SPIRITUALITÉ. généralement à la forme pronominale. [Le complément d'objet direct désigne une personne] Dépouiller/être dépouillé (par la mort) de l'enveloppe charnelle, du corps. Le Pharaon voyagera entre les sanctuaires qui lui permettent de se réincarner, désincarner, monter de stade en stade jusqu'au stade définitif (JEAN COCTEAU, Maalesh, 1949, page 90 ). Se dégage [r] des liens passagers de l'incarnation (...) se désincarner en d'autres-que-lui surnaturels (MARIE-JEANNE DURRY, Gérard de Nerval et le mythe, 1956, page 122 ). — Par analogie. Tout ce que ces jonchées pouvaient contenir de candeur et de virginité, désincarné de leur corps de plante, réfugié lors de leur mort, dans l'âme permanente des paysages (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 57 ). — Par métaphore. [Le complément d'objet direct désigne une valeur abstraite] (Se) dépouiller de la possibilité d'être représenté en chair et en os par une personne. Désincarner la divinité en tuant ses représentants sur la terre? (ALBERT CAMUS, L'Homme révolté, 1951, page 142 ). L'autorité se dilua en se désincarnant (...) le Comité de salut public, réduit à la guerre et aux affaires étrangères, se vit dépouillé de la direction dominante (HENRI LEFEBVRE, La Révolution française, 1963, page 434 ). 2. [Le complément d'objet direct désigne une personne considérée dans son aspect extérieur] Amenuiser le volume des chairs; donner une apparence diaphane évoquant une créature immatérielle, un pur esprit. La sécheresse, la nudité de son style [de Whistler] (...) semble désincarner l'être, n'en laisser qu'une silhouette remplie d'ombre et qui exprime l'âme par des lumières froides (CAMILLE MAUCLAIR, De Watteau à Whistler, 1905, page 308 ). B.— [Par référence à la chair comme synonyme de matière en général, par opposition à l'esprit; le complément d'objet direct désigne une personne, une valeur humaine] Généralement à la forme pronominale (Se) détacher de la condition humaine, du monde des apparences, de la réalité présente par un effort intellectuel ou une volonté d'ascèse spirituelle. Efforts de pures énergies spirituelles pour s'affranchir de la matière qui les emprisonne, pour s'élargir dans l'espace et le temps, pour se désincarner (MAURICE BARRÈS, Amori et dolori sacrum, 1902, page 130 ). L'homme doit faire l'acte de s'incarner, car il est désincarné par l'imagination (SIMONE WEIL, La Pesanteur et la Grâce, 1943, page 61) : Ø ... quand il veut être grivois, il cite du Pétrone : c'est une manière d'échapper à notre temps; tout son effort tend à se désincarner. C'est pourquoi, entre toutes les carrières, il a choisi d'être professeur. (...). Il échappe aux déterminations concrètes, il n'est plus qu'un homme, l'homme éternel. ROGER VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, page 161. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 6

« le sentiment amer d'une déficience ou d'une laideur physique, sur une sexualité déçue ou freinée (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 117 ).

Cette aberration qui m'amenait à croire que, plus mon amour était éthéré, et plus il était digne d'elle — gardant cette naïveté de ne me demander jamais si la contenterait un amour tout désincarné (ANDRÉ GIDE, Et nunc manet in te, 1951, page 1128) : Ø 2....

la nudité se confondait pour moi avec l'indécence, mais dans le milieu où je vivais, jamais la franchise d'un besoin, jamais un acte violent ne déchirait le réseau des conventions et des routines.

Chez les adultes désincarnés, qui n'échangeaient que des paroles et des gestes policés, comment faire place à la crudité animale de l'instinct, du plaisir? SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 163. C.— [Par référence à la chair comme synonyme de matière en général, par opposition à l'esprit] 1.

[En parlant d'une personne] Détaché de la condition humaine, du monde des apparences, de la réalité présente par le pouvoir de l'imagination, par un effort intellectuel ou une volonté d'ascèse spirituelle.

La [Thérèse] contempler en dehors du temps, désincarnée (FRANÇOIS MAURIAC, La Fin de la nuit, 1935, page 138 ).

L'histoire n'est pas tout à fait un objet; elle ne le devient que si je m'en évacue moi-même, à la façon dont le corps propre devient corps-objet pour un spectateur pur et désincarné, pour un spectateur non-situé (PAUL RICOEUR, Philosophie de la volonté, 1949, page 119) : Ø 3.

Le créateur n'est, grâce à Dieu, jamais assez désincarné pour « n'avoir que faire de notre univers mesuré et stérile ».

C'est de cet univers qu'il extrait ses éléments; et ces éléments sont d'autant plus riches que le créateur est plus vivant, — c'est-à-dire qu'il participe davantage à la vie de cet univers.

Il ne viendrait pas à l'idée du grand Goethe de déprécier l'apport de la nature à son génie. ROMAIN ROLLAND, Beethoven, tome 1, 1928, page 21. 2.

Par extension.

[En parlant d'une valeur, d'une oeuvre humaine] (Quasi-)synonymes : abstrait, intemporel; (quasi-) antonymes : tangible, temporel.

Idées gratuites et désincarnées (JEAN GUÉHENNO, Journal d'une révolution, 1938, page 233 ).

Ce pouvoir de réalisation indéterminé se dissoudrait dans le vide si aucune matière ne lui était offerte (...).

Ce que l'occasion offre ainsi à la cause en peine, à la cause pneumatique et désincarnée, ce sont les deux coordonnées de la date et du lieu (VLADIMIR JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, page 106) : Ø 4.

Le christianisme n'est pas une religion de l'au-delà qui aurait pour mission de consoler l'homme de ses misères d'ici-bas par la promesse de récompenses célestes.

Le christianisme n'est pas un spiritualisme désincarné qui ne s'intéresse qu'au salut des âmes (...) la révélation biblique concerne l'homme tout entier et elle a un sens actuel. L'Univers économique et social, 1960, page 6416. Fréquence absolue littéraire : 48. Forme dérivée du verbe "désincarner" désincarner DÉSINCARNER, verbe transitif. 2. »

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