Y a-t-il une logique de l'insensé ?
Publié le 18/01/2004
Extrait du document
La logique est la science des inférences valides. L'objet de la logique est donc de dégager des lois qui autorisent des procédures, et de les expliciter et formuler. Aristote fut le premier à en tenter une explicitation. Le terme dérive directement du grec logos qui signifie à la fois discours, raison et calcul. La réflexion d'Aristote est un prolongement sur les interrogations et les recherches sur l'argumentation dans le discours. Sa logique a donc but de prime abord d'apprendre à bien raisonner. Plus généralement, on appelle logique toute pensée ou discours qui est cohérent. Or l’insensé est ce qui est privé( in) de sens, de signification. De prime abord, on peut dire que ce qui n’a pas de sens n’en a pas en vertu du fait qu’il ne répond à aucune logique. Mais cependant l’insensé n’est-il pas insensé juste parce que sa logique est différente de la notre ? Ne s’agit-il pas d’accueillir ce qui nous semble illogique et sans sens pour essayer de le comprendre ?
«
Ce texte de Freud, qui n'est pas central du point de vue de sa doctrine psychanalytique mais est cependantrévélateur de son mode de fonctionnement, analyse deux comportements humains de natures différentes (l'un estune simple attitude mentale, l'autre une maladie mentale), la superstition et la paranoïa, et les compareimplicitement au comportement rationnel que Freud revendique.
On peut y distinguer deux parties, qui correspondent chacune à un paragraphe : dans la première, Freud sedistingue lui-même d'un superstitieux en montrant le mécanisme de pensée du superstitieux et en le comparant àson propre mécanisme, rationnel, de pensée.
La seconde partie rapproche la superstition de la paranoïa, et donne une explication du mécanisme de la paranoïaprécisément grâce à ce rapprochement.
Le résultat de ces rapprochements est d'affirmer une grande ressemblance entre la superstition et la paranoïa,c'est-à-dire entre un comportement pseudo religieux très répandu dans de nombreuses cultures et une maladiementale.
C'est autant dans l'examen comparé d'un mode de pensée rationnel et de modes de pensée irrationnels que dans cerapprochement un peu inattendu et peut-être polémique entre une attitude de croyance générale (la superstition)et une maladie mentale (la paranoïa) que réside l'intérêt de ce texte.
Il faudra donc l'étudier dans l'enchaînement deses arguments en gardant à l'esprit ce double intérêt.
Cela permettra de poser le problème des conditions d'existence de la rationalité et de l'existence de faussesrationalités (après tout, la superstition comme la paranoïa ont une forme de « logique » qui leur est propre).
Ceproblème pourra être évalué dans la partie « intérêt philosophique » du commentaire du texte.
Toute chose peut avoir un sens, l'illogisme aussi
Pour pouvoir essayer de comprendre l'insensé, il faut tenter de prendre du recul sur notre logique et sur la logiquecommunément admise.
Il s'agit d'ouvrir notre esprit et notre raison.
C'est pour cela que certains ont prêché pour l'illogisme et l'insensé.
Il est vrai que dans un monde où tout se doitd'être rationnel, la liberté semblait pouvoir se trouver dans la destruction de la logique.
C'est pour cela que les surréalismes ont inventé nombre de techniques telles que l'écriture automatique ou le« cadavre exquis ».
Il s'agissait de laisser aller son esprit sans y réfléchir et en évitant toute intervention de laraison et de la logique.
Cependant, cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de sens.
Il faut bien voir que le sens est subjectif.
Chacun peut voir du sens où l'autre n'y verra rien.
L'art en est l'exemple leplus flagrant.
De plus, pour Nietzsche, c'est de l'illogisme que naît la logique, mais aussi lesens.
« D'où la logique est-elle née dans la tête des hommes ? Certainementde l'illogisme dont le domaine a dû être immense à l'origine.
» ( Le gai savoir)
« Origine de la logique.
- D'où la logique est-elle née dans la tête deshommes ? Certainement de l'illogisme dont le domaine a dû êtreimmense à l'origine.
Mais d'innombrables êtres, qui concluaientautrement que nous ne le faisons maintenant, dépérirent : il se pourraitque ce fût encore plus vrai qu'on ne pense ! Qui, par exemple, ne savaitdiscerner assez souvent l'«identique », quant à la nourriture ou quantaux animaux dangereux pour lui ; qui par conséquent était trop lent àclasser, trop circonspect dans le classement, avait moins de chancesde survivre que celui qui tombait immédiatement sur l'identique parmitous les semblables.
Mais la tendance prédominante à considérer lesemblable comme l'identique – tendance illogique, car il n'y a riend'identique en soi - cette tendance a créé le fondement même de lalogique.
Il fallait de même, pour que pu se développer le concept desubstance qui est indispensable à la logique - encore que rien de réel ne lui corresponde au sens le plus rigoureux -, que durant fortlongtemps la mutabilité des choses restât inaperçue et ne fût pas appréhendée ; les êtres ne voyant pas suffisamment avaient une avance sur ceux qui percevaient touteschoses « dans un flux ».
Toute extrême circonspection à conclure, toute tendance sceptique constituent àelles seules un grand danger pour la vie.
Nul être vivant ne se serait conservé, si la tendance contraire àaffirmer plutôt qu'à suspendre le jugement, à errer et à imaginer plutôt qu'à attendre, à approuver plutôtqu'à nier, à juger plutôt qu'à être juste, n'avait été stimulée de façon extraordinairement forte.
- Le coursdes pensées et des conclusions logiques dans notre cerveau actuel répond à un processus et à une lutted'impulsions qui par elles-mêmes sont toutes fort illogiques et injustes : l'antique mécanisme se déroule àprésent en nous de façon si rapide et si dissimulée que nous ne nous apercevons jamais que du résultat de.
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