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Le don peut-il être gratuit ou n'est-il qu'une forme d'échange ?

Publié le 28/10/2005

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NOTIONS CONCERNÉES ET APPROCHE DE LA PROBLÉMATIQUE L'échange Ce qui caractérise l'échange c'est la réciprocité. Échanger a pour fin l'acquisition de l'objet contre lequel on donne à l'autre ce que l'on possède déjà. En ce sens, on pourrait dire que l'échange s'inscrit essentiellement dans l'ordre du réel : ce que j'échange c'est le produit de mon travail, c'est ce que je possède, non ce que je suis. L'objet a non pas la valeur d'un signe mais une valeur identique à celle de l'objet échangé, une valeur « matérialisable« pour ainsi dire. Cependant, on sait que l'échange revêt également une dimension symbolique essentielle : la relation d'échange est une relation réciproque où des sujets se reconnaissent mutuellement (cf. la vie sur les marchés, le marchandage...). L'échange est cet acte humain où la liberté se révèle en se démarquant des objets échangés et donc relativisés. En ce sens, il y a quelque chose dans l'échange qui le rapproche du don. Le don Si le don n'est pas une notion du programme, c'est pourtant à son propos que la question posée nous invite à réfléchir : c'est la notion centrale du sujet. Le don est par essence libre, il n'appelle pas un acte en retour, ou du moins il n'est pas conditionné par l'attente d'un retour, il n'est pas calculé. Il a sa cause en lui-même et non dans la mise en rapport de deux objets, préalable et constitutive de tout échange. Ce qu'on donne, ce n'est pas quelque chose qui s'échange, ce n'est pas un objet, c'est soi-même, c'est quelque chose qui manifeste la liberté de celui qui donne, sa « grandeur d'âme «. On ne donne pas une chose parce qu'elle est chose mais parce qu'elle est signe. La chose que l'on donne est le signe d'un acte qui est sa propre fin. En ce sens, le don est essentiellement gratuit. Mais cette gratuité est l'expression d'une espérance : le donateur espère que son don sera reconnu comme étant le signe de sa libéralité, de sa «grandeur d'âme«. Il espère être reconnu comme un être libre, une personne échappant aux déterminismes et à la loi de l'échange. C'est ainsi que le don impose le respect, crée une dette et appelle une certaine forme de réciprocité.

Introduction Le don est habituellement défini comme l'abandon définitif d'un bien au profit d'un bénéficiaire dont le donateur n'a rien à attendre en retour. Cependant, nous n'ignorons pas que certains événements de la vie (le mariage, la naissance) sont accompagnés non seulement de félicitations, mais de cadeaux. Qui est un jour bénéficiaire d'un don, devient un autre jour à son tour donateur. À l'occasion du Nouvel An, la coutume des voeux se perpétue. « Donnez, vous recevrez«, dit le proverbe. Le don peut-il être gratuit ou n'est-il qu'une forme de l'échange ? Autrement dit, peut-il y avoir une générosité totalement désintéressée ?

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« II.

La gratuité du don n'est pas désintéressée Mais celui qui donne sans calculer l'intérêt qu'il trouve dans son acte n'est pas pour autant désintéressé.

À défautd'attendre de l'autre un objet en retour - sa richesse l'en dispense, ou sa générosité le rend capable de s'en priver -ne cherche-t-il pas à susciter la reconnaissance de l'autre ? Le don est-il alors complètement désintéressé? N'est-ilpas toujours de façon plus ou moins subtile une forme de l'échange ? 1.

La dette du donateur.En plaidant non pour l'annulation de la dette, mais pour le report toujours différé de l'échéance, Panurge suggèrel'idée qu'on ne peut jamais en finir avec sa dette, qu'on ne sait pas très bien qui est en dette.

Obligé de sondébiteur, l'emprunteur lui devient une force disponible sur laquelle il peut compter.

Et parce qu'il peut compter surcette force, voilà le créditeur débiteur à son tour.

Rabelais nous fait comprendre à travers ce paradoxe la subtiledépendance que crée la générosité.

Le don aussi, d'une autre manière, crée une dépendance, exige une réciprocité.C'est en donnant qu'on devient donateur et ce que le donateur, pour le moins, demande à celui qui bénéficie de sagénérosité, c'est la reconnaissance.

On n'en finit pas avec ses dettes parce qu'on a jamais fini d'être en dette. 2.

Le don appelle le don.Être le premier, le plus beau, le plus chanceux, le plus riche, maintenir son rang, accroître son prestige, voilà ce quiest recherché à travers le don : le bien et le plaisir sur lesquels insistent les morales de l'Antiquité.

Le don appelletoujours l'obligation de rendre.

C'est ce que montre Marcel Mauss dans son Essai sur le don, en analysant l'exempledu « potlatch », ensemble de fêtes, de cérémonies, de rituels, où les clans rivalisent de dons prodigués ou détruitspour manifester leur prestige, leur honneur.

Le potlatch comporte une triple obligation donner, recevoir, rendre dansune dynamique de suron chère.

C'est une règle de toujours donner plus qu'on a jamais reçu.

Tout - nourriture,femmes, enfants, biens, talismans, sols, travail, services, valeurs, offices sacerdotaux et rangs - est matière àtransmission et à reddition (M.

Mauss, op.

cit., p.

163).La générosité a alors une signification économique et sociale. 3.

Si le don pouvait être gratuit, c'est dans la relation d'amitié que s'épanouirait cette gratuité.L'amitié se distingue de la justice qui veille à une répartition des échanges proportionnelle à ce qui convient ourevient à chacun et qui doit être préalablement fixé (Aristote, Éthique à Nicomaque, VIII, 9).

L'amitié tend à effacerl'inégalité, chacun étant pour son ami comme un autre soi-même (ibid, IX, 7).

L'amitié, entre deux hommes égaux etvertueux, modèle de l'amitié, s'accomplit dans une vie commune qui permet à chacun de bénéficier des biens del'autre (Éthique, VIII, 7).

Celui qui reçoit est tenu d'exercer envers son ami sa tâche d'amitié : il donne à l'autre sonamitié.

Car nul ne peut être ami si ce n'est de son ami.

L'amitié est une sorte d'alliance informelle mais elle exige unengagement réciproque et appelle la réciprocité du don ; elle constitue une sorte d'échange.

L'idée de la gratuité dudon divin lui-même est difficile à tenir.

L'amour divin, tout oblatif qu'il soit, demande à être accepté et rendu.

Leparadoxe de la création et de la grâce est le même que celui du don.

De même que le don fait exister le donateur,de même c'est la créature qui fait de Dieu un Dieu créateur.

La création ne peut fournir le modèle de la gratuité dudon. « L'amitié est une certaine vertu ou ne va pas sans vertu; de plus, elleest ce qu'il y a de plus nécessaire pour vivre.

Car sans amis, personnene choisirait de vivre, même s'il avait tous les autres biens.

Et de faitles gens riches, et ceux qui possèdent autorité et pouvoir semblentbien avoir, plus que quiconque, besoin d'amis : à quoi servirait unepareille prospérité, une fois ôtée la possibilité de répandre desbienfaits, laquelle se manifeste principalement et de la façon la plusdigne d'éloge à l'égard des amis.

Ou encore, comment cette prospéritéserait-elle gardée et préservée sans amis? Car, plus elle grande, pluselle est exposée au risque.

Et, dans la pauvreté comme dans touteautre infortune, les hommes pensent que les amis sont l'unique refuge.L'amitié est d'ailleurs un secours aux jeunes gens, pour les préserverde l'erreur; aux vieillards pour leur assurer des soins et suppléer à leurmanque d'activité dû à la faiblesse; à ceux qui sont dans la fleur del'âge pour les inciter aux nobles actions.

» ARISTOTE. L'amitié n'est pas en apparence un thème philosophique classique.

Pourtant,ce texte permet de comprendre toute son importance pour développer laréflexion sur autrui.

D'une part, l'extrait montre le caractère indispensabled'autrui sous la figure particulière de l'ami : il m'est précieux parce qu'il peut m'être utile.

D'autre part, il m'est cher, parce que sa compagnie est un agrément irremplaçable.

Enfin, il remplit unefonction éthique, dans la mesure où il peut m'inciter à la vertu.

Ce sont les trois types fondamentaux d'amitié chezAristote : ils mettent en évidence l'omniprésence d'autrui dans mon existence.D'autre part, il convient de remarquer que l'amitié et donc la relation avec autrui sont inhérentes à la naturehumaine.

Premièrement, elles sont fondées sur une sociabilité naturelle qui fait plus généralement de l'homme « unanimal par nature politique » (Politique).

Elles sont également le moyen indispensable à l'accomplissement de l'homme: sans autrui pas de bonheur possible et donc pas de vie véritablement humaine.

Le regard de l'autre est comme une. »

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