Devoir de Philosophie

« Faut-il distinguer pouvoir constituant originaire et dérivé ? »

Publié le 10/11/2012

Extrait du document

  « Les constitutions sont matière vivante : elles naissent, vivent, subissent les déformations de la vie politique, sont l'objet de révisions plus ou moins importantes, et peuvent disparaître «. Le juriste Pierre PACTET présente en filigrane, par ce propos, une certaine définition du pouvoir constituant, comme le pouvoir capable d'établir ou de réviser la Constitution. Apparaît ainsi un dualisme entre le pouvoir capable d'établir , à partir d'un vide constitutionnel, une Constitution, et le pouvoir capable de la modifier, de la transformer au gré de l'évolution de la politique et de la société, de la réviser. Ce dualisme se traduit par la distinction d'appellation canonisée par le juriste Roger Bonnard : le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.  La doctrine constitutionnelle voit par ailleurs depuis longtemps une scission s'opérer entre les constitutionnalistes défenseurs d'une identité entre ces deux pouvoirs, conception dominante en France et les autres, souvent inspirés par la doctrine allemande, partisans d'un net discernement entre les deux.  La question est donc de savoir si, au delà de ce dualisme apparent, subsiste une réelle distinction entre pouvoir constituant originaire et dérivé.  Si la distinction entre ces deux pouvoirs apparaît nécessaire (I), il semble par ailleurs qu'elle soit à relativiser (II).  I- La nécessaire distinction entre pouvoir constituant originaire
et dérivé se traduit à la fois par une différence de légitimité (A) et par un contraste de leur champ d'action (B).  A) Une différence de légitimité  Le premier aspect de la distinction entre ces deux pouvoirs tient à la différence de leur légitimité. Pour expliciter cette perspective, il convient de fixer comme postulat la situation d'un État démocratique, et non pas d'un État dont la souveraineté appartient à un dictateur, et auquel cas de toutes les manières le pouvoir constituant originaire comme dérivé apparaît illégitime démocratiquement. Dans un État démocratique, la Constitution est le fruit du pacte social et l'expression directe de la souveraineté du peuple. Le peuple est donc bel et bien le constituant originaire, et exerce ce pouvoir de fait inconditionné en décidant par lui-même d'adopter une Constitution. La légitimité de la Constitution établie par le constituant originaire est donc totale. Par ailleurs, la légitimité du pouvoir constituant dérivé semble inférieure à celle du constituant originaire, car même si le constituant dérivé est déterminé par la Constitution, il arrive qu'un projet de révision de la Constitution ne soit pas soumis au référendum, pourtant seul moyen d'assurer une confirmation démocratique de la révision. Ce fût notamment prévu par la Constitution du 27 octobre 1946, dont l'article 90 disposait que le projet de révision est « soumis au référendum, sauf s'il a été adopté en seconde lecture par l'Assemblée nationale à la majorité des
deux tiers ou s'il a   {text:soft-page-break} été voté à la majorité des trois cinquièmes par chacune des deux assemblées «, ou encore dans celle du 4 octobre 1958 dont l'article 80 dispose « Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès «.  Il apparaît donc que certaines révisions de Constitution puissent ne jamais faire l'objet d'une consultation directe du peuple, peuple envers lequel la Constitution s'applique. La différence dans le degré de légitimité entre le pouvoir constituant originaire et dérivé permet donc d'argumenter en faveur d'une distinction entre les deux.  Corrélé à cette différence de légitimité, la distinction qu'il apparaît devoir être faîte entre pouvoir constituant originaire et pouvoir constituant dérivé tient également au contraste du champ d'action de chacun de ces pouvoirs.  B) Un contraste du champ d'action  Le second aspect qui soutient l'idée d'une distinction entre ces deux pouvoirs concerne leur champ d'action. En effet, le pouvoir constituant originaire étant détenteur de la souveraineté, et donc par ce biais l'unique détenteur de la souveraineté, celle-ci étant « une, indivisible, inaliénable et imprescriptible « d'après la Constitution de 1791, celui-ci établit une Constitution pour combler un vide juridique laissé par la défunte Constitution ou résultant de l'absence de Constitution. Le pouvoir constituant originaire va alors
créer une nouvelle Constitution sur une base de liberté totale, puisqu'il lui appartient entièrement de déterminer quel sera le contenu de la Constitution. Son champ d'action est donc, par ce biais, total. En revanche, le pouvoir constituant dérivé, dont l'existence propre est liée à la pré-existence d'une Constitution, est susceptible de voir l'horizon de son champ d'action réduit, de par la désignation par le pouvoir constituant originaire de principes supra-constitutionnels de la Constitution, impossibles à réviser en théorie. Le pouvoir constituant dérivé semble donc soumis à des limites de révisions. C'est notamment le cas pour la Constitution de 1958 qui mentionne que « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision «. En parallèle de ces limites quant à l'objet de la révision, existent également des limites quant à la période de révision. Aucune révision de peut ainsi avoir lieu lors d'une période d'atteinte à l'intégrité du territoire, d'intérim présidentiel ou d'application de l'article 16. Le champ d'action du pouvoir constituant dérivé semble donc nécessairement limité. Ce contraste de champ d'action appuie la thèse d'une distinction entre ces deux pouvoirs.  La distinction entre pouvoir constituant originaire et dérivé apparaît nécessaire à effectuer au vu des deux contrastes, de légitimité et de champ d'action mis en évidence. Cependant, en pratique, il convient de relativiser cette distinction, qui est loin d'apparaître radicale.
II- La relativisation de la distinction entre pouvoir constituant originaire et dérivé tient à la fois à la similitude, en pratique, de leurs compétences (A), et à la fois à l'inexistence d'un contrôle du pouvoir constituant dérivé (B).  A) Une similitude pratique des compétences  Si la distinction théorique semble totale entre pouvoir constituant originaire, dont la compétence d'établissement d'une Constitution est absolue, et pouvoir constituant dérivé, dont la {text:soft-page-break} compétence se limite à la révision de celle-ci, il apparaît néanmoins que ces compétences tendent à converger en pratique, et cette convergence serait le signe que la distinction entre ces deux pouvoirs présente des limites. En premier lieu, il est à noter que cette distinction avait pour objet, en séparant nettement les compétences de chacun, de veiller à ce que le constituant dérivé tende à respecter ''l'esprit'' de la Constitution établie par le constituant originaire, tout en lui laissant la possibilité de la réviser au gré de l'évolution de la société. Or il est indéniable que cette limite très subjective de ''l'esprit'' de la Constitution peut être dépassée sans crainte par le pouvoir constituant dérivé, qui peut adopter à sa guise si le processus d'adoption de révision constitutionnelle le permet, des réformes nombreuses et variées, qui ont pour conséquence d'aboutir à un possible éloignement de ''l'esprit'' de la Constitution établie par le constituant originaire. L'exemple le plus
éclairant de cette perspective demeure l'ensemble des réformes de la Constitution de la Vème République. En cinquante ans d'existence, celle-ci a connu 24 révisions, dont certaines, comme celles de 1962 instaurant le suffrage universel direct ou encore celle de 2008 de modernisation des institutions, ont marqué un profond tournant dans l'orientation de la vie politique française, à tel point qu'il est possible de se questionner, au vu de l'ampleur de ces réformes, sur la sauvegarde de ''l'esprit'' de la Constitution adoptée en 1958, et dont le constituant originaire n'avait surement pas imaginé la dimension des réformes futures. Il apparaît donc, dans de telles situations, que la compétence du pouvoir constituant dérivé dépasse la simple notion de révisions, tant l'envergure de celles-ci semble dessiner une nouvelle Constitution. Or le ''dessin'' d'une nouvelle Constitution semble fortement argumenter en faveur d'une convergence des compétences entre pouvoir constituant originaire et dérivé.  La similitude pratique des compétences des deux pouvoirs mise en exergue, pourrait trouver comme limite un contrôle du pouvoir constituant dérivé, qui aurait pour finalité de veiller au respect de principes ''supra-constitutionnels'' de la Constitution, que le pouvoir constituant dérivé ne pourrait modifier. L'absence de ce contrôle conforte l'idée d'une relativisation de la distinction entre les deux pouvoirs en pratique. 

« B) Un contraste du champ d'action Le second aspect qui soutient l'idée d'une distinction entre ces deux\ pouvoirs concerne leur champ d'action.

En effet, le pouvoir constituant originaire étant détent\ eur de la souveraineté, et donc par ce biais l'unique détenteur de la souveraineté, celle-ci étant «\ une, indivisible, inaliénable et imprescriptible « d'après la Constitution de 1791, celui-ci éta\ blit une Constitution pour combler un vide juridique laissé par la défunte Constitution ou résultant \ de l'absence de Constitution.

Le pouvoir constituant originaire va alors créer une nouvelle Constitution sur une base de liberté totale, pu\ isqu'il lui appartient entièrement de déterminer quel sera le contenu de la Constitution.

Son champ d'ac\ tion est donc, par ce biais, total.

En revanche, le pouvoir constituant dérivé, dont l'existenc\ e propre est liée à la pré-existence d'une Constitution, est susceptible de voir l'horizon de son champ d'act\ ion réduit, de par la désignation par le pouvoir constituant originaire de principes supra-\ constitutionnels de la Constitution, impossibles à réviser en théorie.

Le pouvoir cons\ tituant dérivé semble donc soumis à des limites de révisions.

C'est notamment le cas pour la Constitution\ de 1958 qui mentionne que « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une ré\ vision «.

En parallèle de ces limites quant à l'objet de la révision, existent également des \ limites quant à la période de révision. Aucune révision de peut ainsi avoir lieu lors d'une période d'atte\ inte à l'intégrité du territoire, d'intérim présidentiel ou d'application de l'article 16.

Le champ \ d'action du pouvoir constituant dérivé semble donc nécessairement limité.

Ce contraste de ch\ amp d'action appuie la thèse d'une distinction entre ces deux pouvoirs.

La distinction entre pouvoir constituant originaire et dérivé appa\ raît nécessaire à effectuer au vu des deux contrastes, de légitimité et de champ d'action mis en évid\ ence.

Cependant, en pratique, il convient de relativiser cette distinction, qui est loin d'apparaître \ radicale. II- La relativisation de la distinction entre pouvoir constituant origin\ aire et dérivé tient à la fois à la similitude, en pratique, de leurs compétences (A), et à la fois \ à l'inexistence d'un contrôle du pouvoir constituant dérivé (B).

A) Une similitude pratique des compétences Si la distinction théorique semble totale entre pouvoir constituant o\ riginaire, dont la compétence d'établissement d'une Constitution est absolue, et pouvoir constituan\ t dérivé, dont la {text:soft- page-break} compétence se limite à la révision de celle-ci, il \ apparaît néanmoins que ces compétences tendent à converger en pratique, et cette convergence \ serait le signe que la distinction entre ces deux pouvoirs présente des limites.

En premier lieu, il est\ à noter que cette distinction avait pour objet, en séparant nettement les compétences de chacun,\ de veiller à ce que le constituant dérivé tende à respecter ''l'esprit'' de la Constit\ ution établie par le constituant originaire, tout en lui laissant la possibilité de la réviser au gré de l'é\ volution de la société.

Or il est indéniable que cette limite très subjective de ''l'esprit'' de la Constitution p\ eut être dépassée sans crainte par le pouvoir constituant dérivé, qui peut adopter à sa guise si le p\ rocessus d'adoption de révision constitutionnelle le permet, des réformes nombreuses et variées, q\ ui ont pour conséquence d'aboutir à un possible éloignement de ''l'esprit'' de la Constitu\ tion établie par le constituant originaire.

L'exemple le plus éclairant de cette perspective demeure l'ensemble des réformes de \ la Constitution de la Vème République.

En cinquante ans d'existence, celle-ci a connu 24 révi\ sions, dont certaines, comme celles de 1962 instaurant le suffrage universel direct ou encore celle de 2008 \ de modernisation des institutions, ont marqué un profond tournant dans l'orientation de la\ vie politique française, à tel. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles