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Faut-il se méfier de sa conscience ?

Publié le 03/04/2004

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conscience

Il se rend au tribunal étonné par sa propre détermination, comme poussé par une force irrésistible qui lui fera vaincre les nombreux obstacles le séparant d'Arras. La conscience morale est un « maître intérieur « dont les commandements font trouver des ressources insoupçonnées. Rousseau la compare à « un instinct divin « dont les préjugés recouvrent malheureusement la voix. Il est en effet facile de refuser d'écouter sa conscience. Le monde extérieur en fournit de nombreux exemples et chacun peut ainsi se rassurer et se dédouaner. Pascal note finement que les héros de l'histoire nous touchent plus par leurs défauts que par leurs qualités car c'est ainsi qu'ils nous ressemblent. La conscience individuelle est donc un principe de résistance à la puissance du conformisme social. Les nécessités de la coopération poussent les hommes à s'imiter et à oublier des impératifs de justice ou de charité. Le fait d'être tourmenté est alors le signe d'une valeur irréductible aux normes communes. Le trouble manifeste un désir de sincérité qui s'achève dans la pureté d'une décision prise « en conscience «.

Comment définir la conscience dans un premier temps? Elle semble bien être cette faculté en l'homme qui lui permet de faire retour sur lui-même, d'être capable en somme de réflexivité. Qu'est-ce que cela signifie? Lorsque nous pensons à quelque chose, notre pensée est entièrement dirigée vers l'extérieur si l'on peut dire, elle se porte vers l'objet auquel je pense. Ainsi, si je pense à un arbre, cet arbre est pour ainsi dire l'objet de ma pensée. Cependant, la conscience ne peut se réduire à la pensée, ou du moins elle n'est pas une simple pensée qui porte sur un objet. En effet, dans la conscience, l'objet de la pensée, c'est précisément la pensée. En d'autres termes, la conscience c'est tout simplement penser que l'on pense, c'est faire retour sur soi et sur ce dont on est entrain de penser. En somme, dans la conscience je deviens spectateur des propres opérations de mon esprit: je ne sens plus mais je me vois entrain de sentir, je ne pense plus mais je me vois entrain de sentir... Notons, que lorsque nous disons « je vois « nous ne faisons pas allusion aux yeux du corps, mais bien à celui de l'esprit, c'est-à-dire à l'intuition (intuieri en latin c'est précisément voir): dans la conscience l'esprit à l'intuition de lui-même pourrions-nous dire. Aussi, la question posée par le sujet est assez surprenante. En effet, lorsque nous sommes embarqués dans la pensée, lorsque nous ne faisons pas retour sur nous-mêmes, c'est là qu'il semble précisément il y avoir un risque. La conscience permet d'avoir du recul sur soi, ce qu'on retrouve dans l'expression « prise de conscience «, un recul que ne propose pas la pensée lorsqu'elle se perd dans le réel sans discernement. On comprend d'ailleurs en quel sens on parle justement de conscience morale: la conscience est la faculté morale par excellence puisqu'elle nous permet ce recul, ce jugement distancié face à ce que nous faisons. Grâce à la conscience, le sujet du jugement peut devenir également l'objet: Je me juge, sous entendu, Je juge moi. Faut-il donc se méfier de ce retour sur soi? Est-il biaisé, faux, voir même trompeur? Car on se méfie toujours de ce qui apparaît tel qu'il n'est pas vraiment, de se qui se masque derrière un rideau d'apparences. Aussi, ce retour sur soi n'aboutit-il qu'à une image tronquée de ce que je suis réellement? Suis-je en somme dans ce qu'on appelle l'illusion, soit un mensonge que l'on se fait à soi-même, un mensonge où l'on est à la fois trompeur et trompé?

conscience

« II. Il faudrait être plus clair à présent, et distinguer dans un premier temps, le je du moi .

La conscience est précisément ordonné par un je, il est l'actant de ce retour sur moi, entendons ici que c'est lui qui produit cette courbe réversible qui se dirige vers moi .

Dans la conscience, je a conscience de moi .

Le sujet de la conscience, c'est donc le je, là où l'objet de cette conscience, c'est précisément le moi .

Mais qu'est-ce que cache ce moi à vrai dire? Que signifie ce mot? On remarque déjà qu'il s'agit d'un et d'un seul mot renvoyant donc logiquement à une etune seule entité.

En ce sens, le moi me permet d'avoir une unité (qui me rendra par ailleurs reconnaissable auprèsdes autres).

Comme le rappelle le psychanalyste Jacques Lacan, l'enfant n'a pas spontanément une image unitairede lui, il se vit au préalable comme dispersé.

En effet, jusqu'à l'âge de 6/18 mois, l'enfant vit l'angoisse dumorcèlement.

Cela se répercute dans son appréhension de certains évènements.

Ainsi, l'enfant qui tape dit êtretapé, il pleure lorsqu'il voit un autre tombé, précisément à cause de ce problème d'unité.

Lorsqu'il se retrouve face àun miroir, il voit d'abord dans son reflet un autre que lui.

Puis progressivement, et dans un mouvement dialectique, il acquiert la conviction qu'il ne s'agit pas d'un être réel, mais bien d'une image, un image qu'il finit par reconnaîtrecomme étant la sienne.

Il s'identifie ainsi à travers un image comme entité doué d'une certaine unité, et c'estprécisément cette identification qui génère le moi.

Le je s'identifie à ce moi qui n'est qu'une image, soit une réduction de ce que je suis réellement . Ainsi n'ai-je jamais véritablement accès à ce que Lacan appelle le Sujet de la vérité , soit ce que je suis réellement: je butte sur l'image que constitue le moi.

La conscience est donc trompeuse parce qu'elle m'amène sur les rivagesde ce que je suis réellement, sans jamais pour autant atteindre l'être que je suis véritablement, sans jamaisatteindre le réel: le moi n'est jamais que l'image que le je se fait de lui-même, et non ce qu'il est réellement .

Mais qu'est-ce que cet être réel que je suis? Le psychanalyste Carl Gustave Jung l'appelle le Soi .

Mais, cela est évident, je n'ai pas un accès direct au Soi, il me faut amener le moi en sa direction, et pour cela défaire l'image inadéquate qu'il représente.

Il s'agit alors de se défaire de la facticité des moi que j'endosse tours à tours (je ne suis pas moi,du moins pas cette image à laquelle je m'identifie et qui est toujours partielle et parcellaire).

Pour reprendrel'exemple précédent, je ne me réduis pas à un garçon de café, je ne me réduis d'ailleurs pas à ma profession, ni àl'image que les autres peuvent se faire de moi.

A propos de ce masque que j'endosse en société, Jung parle depersonna , soit cette fausse identité auquel notre garçon de café s'identifiait.

Il faut ainsi renoncer à cette galerie de portraits que les autres constituent à notre place, renoncer à être l'ambition frustrée de ses parents, l'amimodèle, la réponse adéquate à chaque demande affective de notre entourage.

Attention cependant puisque lavérité pour la psychanalyse n'est pas alethèia , c'est-à-dire dévoilement: le Soi n'est pas ce qui figure derrière le masque de la personna .

L'idée est que je suis réellement n'est pas préalablement unifié, mais plutôt dispersé, explosé en une constellation psychique à conquérir; j'existe d'abord comme être divisé, comme personna , comme anima (partie féminine de la psychè), comme inconscient individuel (lié à mon histoire personnel) et collectif (soit celien inconscient entre tous les êtres)...

Pour devenir véritablement un individu, il ne s'agit donc pas simplement detraverser le stade du miroir, mais bien d'aller plus loin, et d'intégrer cette multitude de facettes de mon être.

Ceprocessus d'intégration participe à ce que Jung appelle l' individuation . Il faut donc se méfier de la conscience car elle peut participer à un processus réducteur où le je se perd dans l'image qu'il constitue de lui-même ou que les autres le poussent à constitue r.

Ce processus peut se nommer un processus de réification ( res en latin signifie chose), un processus où je me chosifie, je deviens non pas un individu mais bien une chose.

Il faut donc aller plus loin, il s'agit d'intégrer tout ce que mon être est véritablement, et ne passe limiter à telle ou telle facette.

On a bien évidemment conscience que cette intégration n'est jamais évidentepuisqu'elle peut participer à une déstabilisation du je et même le conduire à la folie.

Il s'agit donc de se défaire des fausses identification et comprendre que la conscience intégrale n'est pas donnée mais bien à gagner , à acquérir au cours d'un combat toujours délicat qui mène à être soi-même.

Conscience humaine et entéléchie III. Il s'agit un instant de constater à quel point la conscience est une faculté proprement humaine.

Aujourd'hui, de partles diverses découvertes en éthologie animale, nous savons que nous ne sommes pas les seuls à bénéficier de ceprivilège (le dauphin par exemple, ou les grands primates en sont capables).

Cependant, la conscience humainefigure encore à ce titre comme la plus aboutie.

Ainsi, si nous avions à charge la tâche difficile de décrire l'espècehumaine dans ses traits essentiels, soit ceux qui font qu'elle est ce qu'elle est, nous pourrions dire que laconscience arrive largement en tête de liste! Il faut saisir que ce point est fondamental, puisque la consciencedécoule précisément d'un « décrochage » par rapport à l'action.

En effet, la plupart des espèces animales sont immergés dans leur activité .

L'ensemble du réel ne prend forme, s'agence et est mis en perspective, en fonction des besoins, des nécessités vitales de l'organisme.

Ainsi, pour reprendre les fameux travaux de Von Uexküll, le tique vitdans un monde appauvrit qui se réduit à l'espace du biotope où elle demeure en posture d'attente, et le captagedes follicules sébacées émanant des mammifères.

L'éthologue nous explique ainsi que cet hématophage vit dans unmonde appauvri certes, mais ceci est la condition de réussite de son action. Son espace est réduit à des points stratégiques qui rendent efficient sa capacité à survivre dans l'environnement . Bien évidemment, le monde d'un chien est moins réduit si l'on peut dire que celui d'un tique, bien qu'il soit encoreentièrement mis en perspective par ses propres besoins et satisfactions.

En somme, la perception des êtres est directement liée à l'action : est vu ce qui permet une action efficiente, le reste est simplement inexistant.

Regardons le footballeur: lorsqu'il arrive devant les buts, il ne rentre pas en contemplation devant le public qui se tasse dansles gradins, il n'observe pas la beauté de la pelouse; à l'instant où il s'apprête à tirer, toute son attention est basé. »

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