Devoir de Philosophie

Georges Clemenceau

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

clemenceau
L'exceptionnel destin de Georges Clemenceau révèle à quel point une personnalité hors ligne peut marquer une époque. Notable, connu dans tout le pays depuis l'âge de trente ans, il n'eût pas accédé à la vraie gloire sans la Grande Guerre. Il eût laissé le souvenir d'un homme influent, irascible et détesté. A soixante-seize ans, soudain, au pire moment d'un grand drame national, il devint le chef. Le docteur Benjamin Clemenceau, son père, appartenait à la "bonne bourgeoisie" vendéenne, ou plutôt à une fraction isolée de celle-ci, le clan des "bleus", des républicains. Médecin à Nantes, il "avait gardé en lui la fermeté des anciens âges", dit l'écrivain Gustave Geffroy. Il proclama la république à Nantes en 1848, fut arrêté de par la "loi de sûreté générale" en 1858. Pour le reste misanthrope, "un Alceste de village" ; il vivait l'été au château de l'Aubraie, près de Sainte-Herminie dans le Bocage vendéen.
clemenceau

« désintéressée, supérieure aux puériles glorioles, aux rémunérations des rêves d'éternité comme aux désespérancesdes batailles perdues ou de l'inéluctable mort." L'homme est impitoyable pour ses adversaires.

Ses mots, féroces, lui font une cohorte d'ennemis.

"Il est trois chosesen lui que vous redoutez : son épée, son pistolet, sa langue", dira Paul Déroulède.

Ami excellent, très bon père, ilest le plus détestable des maris et finira par divorcer d'avec Mary Plummer après l'avoir copieusement trompée. Des quarante-quatre ans qui séparent les deux guerres franco-allemandes, retenons quatre épisodes. D'abord Montmartre.

Par la protection d'Étienne Arago, Clemenceau, âgé de trente ans, est nommé puis élu maire duXVIIIe arrondissement.

Pendant le siège, il y déploie une énorme activité.

Élu député de Paris à l'Assembléenationale, il est de ceux qui s'opposent à la paix et votent contre la ratification des préliminaires de paix.

Mais,surtout, il est intimement mêlé à la journée du 18 mars 1871, qui provoque l'insurrection de la Commune.

Il avaitpromis à la garde nationale parisienne que les canons entreposés à Montmartre y seraient maintenus.

Or, à son insu,la troupe reçoit l'ordre de les enlever.

On connaît les résultats : la garde nationale les reprend, la troupe se mutine,les généraux Lecomte et Clément Thomas sont massacrés.

Accusé d'être complice du gouvernement, hué, menacéde mort, Clemenceau n'hésite pourtant pas à se rendre au Château Rouge pour sauver les deux officiers.

Il arrivetrop tard.

Le voici compromis dans les deux camps, obligé de fuir Paris, puis, après la vaine tentative de médiationdes maires de Paris, de quitter Versailles après avoir démissionné de son mandat de député. Vingt-trois ans après, c'est Panama.

Clemenceau est le chef du mouvement radical.

Les opportunistes le détestent.Les nationalistes également car, patriote ardent, il est peu chauvin et se garde de parler de revanche.

Il avaitsoutenu, à ses débuts, le général Boulanger.

Lorsque le 8 juillet 1887 une foule déchaînée essaya d'empêcher legénéral de quitter Paris, Clemenceau, ennemi du pouvoir personnel, l'abandonna.

En 1893, ses adversaires tinrentleur revanche.

Le scandale éclata à propos de la compagnie de Panama qui, au bord de la faillite, avait tentéd'acheter des parlementaires.

L'un des responsables de la corruption était Cornelius Herz, lié avec Clemenceau etqui, de 1883 à 1885, avait été actionnaire de La Justice.

De là à accuser Clemenceau d'avoir touché des fonds, iln'y avait qu'un pas que franchirent la presse nationaliste, Le Figaro, Paul Déroulède (dont le duel, sans résultat,avec notre héros alimenta la chronique parisienne), plus tard Barrès dans Leurs Figures.

Au surplus, un faussaire, lemulâtre Norton, produisit une prétendue correspondance selon laquelle Clemenceau aurait été vendu à l'Angleterre.On accueillit partout Clemenceau aux cris de : "Aoh, yes !".

Dans le Var qui l'élisait depuis 1885, il fut battu par unmodéré.

Ses ennemis, croyant l'avoir à jamais brisé, illuminèrent. Clemenceau n'avait pas plié sous l'orage.

Loin d'avoir touché de l'argent, son journal, La justice, l'avait à peu prèsruiné.

En 1897, L'Aurore succéda à La justice.

C'est à L'Aurore que Clemenceau reçut la visite de Bernard Lazare,l'un des seuls à n'avoir pas cru le capitaine Dreyfus coupable de trahison.

Grâce à lui et à son vieil ami Scheurer-Kestner, Clemenceau fut convaincu.

Il se lança dans "l'affaire Dreyfus", attaqua l'auteur réel de la trahison, lecommandant Esterhazy, et, surtout, le 12 janvier 1898, il accueillit article d'Émile Zola qui déclencha "l'Affaire".Clemenceau en trouva le titre flamboyant : J'accuse ! Lié depuis des années à une large partie du monde littéraireet artistique, les Goncourt, Zola, les peintres Manet, Monet, Raffaëlli, Pissarro, le sculpteur Rodin, il contribua à lalutte des "intellectuels" (on dit qu'il a inventé le mot) pour la révision du procès Dreyfus.

"Justice, un bien petit mot,le plus grand de tous en deçà de la bonté...

Mot plus fort que la force, par l'espérance.

Avec ce mot pour toutearme, nous avions engagé la bataille." L'affaire Dreyfus a effacé les miasmes de la calomnie.

Après neuf ans de "vacances parlementaires", le Var l'élitsénateur en 1902.

C'est l'époque du Bloc des Gauches, de la dissolution des Congrégations, de la séparation desÉglises et de l'État, des inventaires.

En 1906, âgé de soixante-cinq ans, Clemenceau est ministre pour la premièrefois dans le cabinet du pâle Sarrien, où figurent deux autres illustrations de la Troisième, Poincaré et Briand.

Il al'Intérieur et s'efforce d'apaiser les remous religieux.

En octobre, il succède tout naturellement à Sarrien commeprésident du Conseil.

Il tiendra deux ans et sept mois.

Et, pourtant, ce ministère, s'il n'y avait pas eu la suite,l'aurait placé dans l'histoire à peine au niveau d'un Méline ou d'un Waldeck-Rousseau.

C'est que le drame français,brusquement, avait cessé d'être lié au religieux.

Il était devenu social.

En une phase d'expansion économique, leprolétariat en avait assez de sa misère.

Clemenceau rêvait de justice sociale.

Son programme était vaste.

Lesévénements se chargèrent d'en empêcher la réalisation.

Clemenceau dut courir au plus pressé.

Grève des mines en1906 où il envoya la troupe après avoir échoué dans la négociation ; révolte des viticulteurs du Midi en 1907 qu'ilrésolut plutôt par la ruse que par une grande politique ; enfin, grève du bâtiment à Draveil en juin 1908 ; il y fitdonner la cavalerie.

Il y eut des morts.

Clemenceau fit arrêter les dirigeants de la C.G.T.

Désormais, dans le partisocialiste, Clemenceau, détesté, sera le "briseur de grèves".

Pressé par son tempérament autoritaire, il n'a pas suconcilier l'ordre et la justice.

Cette fois, il a choisi l'ordre. Il fallait donc la venue de grands drames pour que se révélât le grand homme.

Et cela ne se fit pas d'emblée.Clemenceau, touché quelques jours, en août 1914, par la grâce de "l'Union sacrée", était venu voir le Président de laRépublique, Poincaré, et s'était laissé aller à l'appeler "Cher ami".

Pourtant, les deux hommes se détestaient.Poincaré, de dix-neuf ans plus jeune, était le "bon élève" scrupuleux, pointilleux, tandis que Clemenceau, honnêtecertes, mais fantasque, méprisait "les avocats".

Il s'était opposé sans succès à l'élection de Poincaré qu'il trouvait"bête" et qu'il accusait pourtant de rechercher le "pouvoir personnel".

Pendant trois ans, cette haine mutuelle allaittenir Clemenceau hors du pouvoir.

De son poste de président de la Commission de l'Armée au Sénat, de son journalL'Homme libre devenu L'Homme enchaîné, à cause de ses luttes épiques contre la censure, Clemenceau ne passarien aux hommes en place : Poincaré, Viviani, Briand, Ribot et même Joffre.

"Les Allemands sont à Noyon !" répétait-. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles