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HEGEL: un etre-pour-soi absolu

Publié le 25/04/2005

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hegel
Pour se faire valoir et être reconnue comme libre, il faut que la conscience de soi se représente pour une autre comme libérée de la réalité naturelle présente. Ce moment n'est pas moins nécessaire que celui qui correspond à la liberté de la conscience de soi en elle-même. L'égalité absolue du Je par rapport à lui-même n'est pas une égalité essentiellement immédiate, mais une égalité qui se constitue en supprimant l'immédiateté sensible et qui, de la sorte, s'impose aussi à un autre Je comme libre et indépendante du sensible. Ainsi la conscience de soi se révèle conforme à son concept et, puisqu'elle donne réalité au Je, il est impossible qu'elle ne soit pas reconnue. Mais l'autonomie est moins la liberté qui sort de la présence sensible immédiate et qui se détache d'elle que, bien plutôt, la liberté au sein de cette présence. Ce moment est aussi nécessaire que l'autre, mais ils ne sont pas d'égale valeur. Par suite de l'inégalité qui tient à ce que, pour l'une des deux consciences de soi, la liberté a plus de valeur que la réalité sensible présente, tandis que, pour l'autre, cette présence assume, au regard de la liberté, valeur de réalité essentielle, c'est alors que s'établit entre elles, avec l'obligation réciproque d'être reconnues dans la réalité effective et déterminée, la relation maîtrise-servitude, ou, absolument parlant, servitude-obéissance dans la mesure où cette différence d'autonomie est donnée par le rapport naturel immédiat. Puisqu'il est nécessaire que chacune des deux consciences de soi, qui s'opposent l'une à l'autre, s'efforce de se manifester et de s'affirmer, devant l'autre et pour l'autre, comme un être-pour-soi absolu, par là même celle qui a préféré la vie à la liberté, et qui se révèle impuissante à faire, par elle-même et pour assurer son indépendance, abstraction de sa réalité sensible présente, entre ainsi dans le rapport de servitude. HEGEL
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« Il faudra que je prouve que je dépasse le simple stade vital, que je ne suis pas un simple vivant, donc que jecoure le risque de ma mort, pour prouver mon indépendance à l'égard de la vie.

Il sera donc nécessaire queje montre à moi-même et à l'autre que je ne me confonds pas avec l'animalité, le souci de la vie.La conscience d'être homme ne se prouve et ne s'éprouve que face à un autre homme, dans le rapport entredeux consciences.Reste à comprendre pourquoi cette reconnaissance prend la forme d'une lutte à mort.D'une part la différence entre l'animalité et l'humanité, je ne peux la faire qu'en prenant un autre à témoin,qu'en montrant ma liberté face à la vie.Or, on ne connaît pas autrui par science immédiate.

Autrui surgit face à moi, si l'on peut dire, comme unobjet : les deux êtres qui surgissent face à face sont sûrs de leur conscience, mais non de celle de l'autre.

Ilfaut donc prouver à l'autre mon caractère de conscience : je dois mettre ma vie en jeu.« Chacune [des deux consciences] est bien certaine de soi-même, mais non de l'autre, et ainsi sa proprecertitude de soi n'a aucune vérité […] Le comportement des deux consciences de soi est donc déterminé detelle sorte qu'elles se prouvent elles-mêmes et l'une à l'autre au moyen de la lutte pour la vie et la mort.Elles doivent nécessairement engager cette lutte, car elles doivent élever leur certitude d'être pour soi à lavérité, en l'autre et en elles-mêmes.

»Il est essentiel de noter que la lutte engagée est le contraire de la violence naturelle.

Cette dernière atoujours pour enjeu la survie.

Je me bats avec un autre pour assurer les moyens de ma conservation.

Maisici, la violence, le conflit ont précisément pour enjeu le refus d'être assimilé à un simple vivant qui ne seraitguidé que par le souci de survivre.

Cette lutte n'a pas pour enjeu la survie « biologique », mais la valeur.Une fois comprise la nécessité de cette lutte à mort par laquelle j'essaie de faire la preuve de mon humanitécomme liberté face à la vie, reste à en comprendre l'absurdité.

L'enjeu est la reconnaissance par l'autre, quiseule peut faire la preuve que je suis bien ce que je prétends être.

Or il est certain tout d'abord que cettelutte ne sert à rien si les deux meurent, ou refusent la lutte, ou qu'un seul survit.

La seule configuration oùla reconnaissance est possible est que l'un abdique par peur de la mort, souci de la survie, et l'autre non.

Lamort sert donc de discriminant entre deux consciences, l'issue du conflit dépend du rapport que chacun desdeux entretient avec la mort.Celui qui a véritablement accepté de courir le risque de la mort pour prouver la valeur de sa liberté et sonindépendance face à la vie biologique est dit « le maître ».

« C'est seulement par le risque de sa vie que l'onconserve la liberté » L'autre, qui a préféré la servitude à la mort, est dit « l'esclave ».

Le maître a prouvé qu'il méprisait la vie au point de la risquer pour montrer qu'il n'était pas ce qu'il paraissaitêtre immédiatement, un simple vivant.

C'est face à la vie que s'éprouvent les valeurs.Mais, et là réside l'absurdité de cette lutte, pour être reconnu, pour prouver sa valeur, il faut rester en vie :« Dans cette expérience, la conscience de soi apprend que la Vie lui est aussi essentielle que la pureconscience de soi.

»Le maître réalise ici une expérience qui est exemplaire de la dialectique : à la fois il nie la vie (il la met enjeu), il la dépasse (en prouvant qu'il ne se réduit pas à la simple animalité guidée par le souci de seconserver) et il la conserve (sinon la lutte serait ratée).

C'est une opération que Hegel nomme une «Aufhebung » et qu'on traduit parfois par sursomption (nier, dépasse, conserver).On comprend dès lors la différence entre la mort naturelle (le simple fait de périr) et la mort telle qu'elleapparaît ici et qui vise autre chose, non pas le simple anéantissement de la vie, mais son dépassement.

Enfinsi c'est face à la vie que se pose toute valeur, la valeur se détache sur un horizon de vie et en restedépendante.

C'est pourquoi la lutte à mort est à la fois nécessaire et contradictoire.Il faut enfin comprendre cette dialectique comme la matrice logique de toutes les luttes réelles ousymboliques qui ont lieu dans l'histoire.

La violence historique n'est pas une violence naturelle.

On la verraréapparaître chaque fois que l'on tendra à assimiler l'homme à un simple vivant, à un simple animal.

On verraresurgir la violence chaque fois qu'on déniera à l'individu toute valeur.Se joue, dans la lutte à mort, la condition d'émergence de la sphère véritablement humaine, celle desvaleurs.

L'homme s'élève au-dessus de la vie parce que seul il est capable de mettre ainsi sa vie en jeu pourse libérer du seul esclavage possible, celui de la vie.

La phrase est aussi une réponse à tous ceux qui font del'angoisse sécuritaire et de la préservation de la vie le motif principal des actions humaines.

Par exemple àHobbes qui faisait de la peur de la mort le socle de la politique et de la construction de l'État, Hegel répond :« L'individu qui n'a pas mis sa vie en jeu peut bien être reconnu comme personne, mais il n'a pas atteint lavérité de cette reconnaissance comme reconnaissance d'une conscience de soi indépendante.

»Par un retournement dialectique, l'esclave contraint au travail deviendra le moteur de la libération humaine,de la discipline de l'instinct : le maître sombrant dans la barbarie du caprice.Mais il faut retenir de la lutte à mort pour la reconnaissance que l'on est véritablement humain, autrequ'animal, que l'on ne prouve sa spiritualité, sa liberté, que pour autant qu'on soit reconnu comme tel par unautre homme.

L'aspect conflictuel de la rencontre avec autrui montre que notre humanité est toujours àreconquérir contre tout ce qui tend à nous assimiler à un simple vivant.. »

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