Devoir de Philosophie

HEGEL: Art, absolu et sensible

Publié le 24/04/2005

Extrait du document

hegel
« L'oeuvre artistique tient le milieu entre le sensible immédiat et la pensée pure ; ce n'est pas encore de la pensée pure, mais en dépit de son caractère sensible ce n'est plus une réalité purement matérielle, comme sont les pierres, les plantes, et la vie organique. Le sensible dans l'oeuvre artistique participe de l'idée, mais à la différence des idées de la pensée pure, cet élément idéal doit en même temps se manifester extérieurement comme une chose... C'est pourquoi le sensible dans l'art ne concerne que ceux de nos sens qui sont intellectualisés : la vue, et l'ouïe, à l'exclusion de l'odorat, du goût et du toucher. Car l'odorat, le goût et le toucher n'ont affaire qu'à des éléments matériels et à leurs qualités immédiatement sensibles, l'odorat à l'évaporation de particules matérielles dans l'air, le goût à la dissolution de particules matérielles, le toucher au froid, au chaud, au lisse, etc. Ces sens n'ont rien à faire avec les objets de l'art qui doivent se maintenir dans une réelle indépendance et ne pas se borner à offrir des relations sensibles. Ce que ces sens trouvent agréable n'est pas le beau que connaît l'art. C'est donc à dessein que l'art crée un royaume d'ombres, de formes, de tonalités, d'intuitions et il ne saurait être question de taxer d'impuissance et d'insuffisance l'artiste qui appelle une oeuvre à l'existence, sous prétexte qu'il ne nous offre qu'un aspect superficiel du sensible, que des sortes de schèmes. Car ces formes et ces tonalités sensibles, l'art ne les fait pas seulement intervenir pour elles-mêmes et sous leur apparence immédiate, mais encore afin de satisfaire des intérêts spirituels supérieurs, parce qu'ils sont capables de faire naître une résonance dans les profondeurs de la conscience, un écho dans l'esprit. Ainsi, dans l'art, le sensible est spiritualisé, puisque l'esprit y apparaît sous une forme sensible. » HEGEL• Pourquoi l'oeuvre artistique n'est-elle « pas encore de la pensée pure » ? • Pourquoi l'oeuvre d'art n'est-elle « plus une réalité purement matérielle » ? • Que signifie « se manifester extérieurement comme une • Pourquoi « le sensible dans l'art ne concerne que ceux de sens qui sont intellectualisés » ? • Pourquoi ce que « l'odorat, le goût et le toucher » « trouvent agréable » « n'est pas le beau que connaît l'art ? »
hegel

« C'est la considération du contenu spirituel de l'art qui permet à Hegel de distinguer trois grands types d'art:symbolique, classique, romantique.L'art symbolique ou oriental est encore à la recherche de l'Idéal.

Il appartient à la catégorie du sublime, « et ce quicaractérise le sublime, c'est l'effort d'exprimer l'infini».

Mais comme l'infini est une abstraction, « à laquelle ne sauraits'adapter aucune forme sensible », un tel art pousse la forme au-delà de toute mesure.

D'où, en Inde, en Égypte,en Mésopotanùe, des statues aux cent bras et aux cent poitrines, des géants et des colosses, des sculptures etune architecture monumentales.Après l'art symbolique qui révèle le sentiment d'une disproportion écrasante entre l'humain et le divin, entre le fini dela forme et l'infini du contenu, vient l'art grec classique qui atteint l'Idéal.

Il se caractérise par « la libre adéquationde la forme et du concept».

Les dieux sont ramenés à des proportions plus humaines et collaborent à l'édification dela cité.

L'homme se sent chez lui dans un monde qui lui est propre, en union intime avec la réalité politique,religieuse, morale.

L'esprit de l'art a enfin trouvé sa forme : la forme humaine.

Celle-ci est « la seule que puisserevêtir le spirituel dans son existence temporelle.

Dans la mesure où l'esprit existe, et existe d'une existencesensible, il ne peut se manifester sous aucune autre forme qu'humaine ».

Cet idéal de beauté, qu'on trouve, enparticulier, incarné dans les sculptures grecques figurant les dieux (Apollon, Zeus, Athéna, Aphrodite), réalise labeauté dans tout son éclat, la beauté parfaite.L'art classique a atteint, en tant qu'art, les plus hauts sommets, mais ce n'est qu'un art, un art tout court.

Ce quilui fait défaut, c'est la subjectivité, c'est-à-dire la conscience de l'individualité humaine avec ses faiblesses, sesparticularités, ses contingences, ses impulsions naturelles, ses passions.

C'est le christianisme qui introduit dans l'artl'exigence de l'individualisation, en même temps que celle de la spiritualisation.

C'est que, d'après la doctrinechrétienne, Dieu n'est pas seulement une individualité à forme humaine, mais un véritable individu isolé, entièrementDieu et entièrement homme réel, soumis à toutes les conditions de l'existence.

Commence alors la troisième phase :celle de l'art romantique ou chrétien, qui couvre la totalité de l'art médiéval et moderne.

Cet art s'élève au-dessusdu beau idéal.

Il intègre dans l'art l'intériorité absolue : foi chrétienne au Moyen Age, puis honneur chevaleresque,amour courtois et finalement amour-passion. L'art symbolique s'épanouit dans l'architecture : l'alignements mégalithiques, temples égyptiens avec leurs avenuesbordées de colosses, tours babyloniennes...

Dans l'art classique, c'est surtout la sculpture qui figure l'individualitédivine.

L'art romantique est essentiellement le domaine de la peinture, qui peut pousser jusqu'au plus infime détaill'individualisation concrète des scènes et des personnages, mais aussi celui de la musique qui est l'intériorité puredans ce qu'elle a de plus ineffable.

La poésie couronne toutes les formes d'art.

Elle est le mieux à même d'exprimerles émotions, les pensées et les pures réalités spirituelles. Reste que si l'art « occupe le milieu entre le sensible pur et la pensée pure », cela signifie qu'il ne peut accomplirpleinement sa tâche qui est d'exprimer l'absolu ; la contradiction interne entre la forme sensible et le contenuintelligible le pousse à se dépasser en religion puis en philosophie :« Les limitations de l'art en général, de l'art comme tel, tiennent à ce que, fidèle à son concept, l'art s'attache àexprimer sous une forme concrète l'universel, l'esprit.

»Opérant sur une matière sensible, l'art ne peut avoir pour contenu qu'un certain degré spirituel de la vérité.

Et Hegelconstate qu'à son époque, l'art n'est plus le moyen le plus haut de l'expression de la vérité :« Nos besoins et intérêts se sont déplacés dans la sphère de la représentation et, pour les satisfaire, nous devonsappeler à notre aide la réflexion, les pensées, les abstractions, des représentations abstraites et générales...

De cefait, l'art n'occupe plus, dans ce qu'il y a de vraiment vivant dans la vie, la place qu'il y occupait jadis,- et ce sontles représentations générales et les réflexions qui y ont pris le dessus.

»Si l'art est « une chose du passé », c'est parce que notre culture générale et abstraite est impropre à l'expressionsensible: « L'art n'a plus pour nous la haute destination qu'il avait autrefois.

»On a souvent reproché à Hegel son affirmation que l'art était « une chose du passé ».

Notre époque ne porte-t-ellepas, en effet, un grand intérêt à l'art ? Peut-on nier la vitalité de l'art contemporain ? Une telle critique oublietoutefois que Hegel n'a jamais douté de la possibilité d'un maintien, voire d'un progrès de l'art.

Et n'a jamais douténon plus que l'art continuerait d'intéresser et même d'émouvoir.

Il n'en reste pas moins, et tel est le vrai sens de lapensée hégélienne, que l'art est davantage pour nous un objet suscitant la critique et la réflexion qu'un objet devénération, une expression de l'absolu« De nos jours, on ne vénère plus une œuvre d'art, et notre attitude à l'égard des créations de l'art est beaucoupplus froide et réfléchie.

[...

] Nous respectons l'art, nous l'admirons; seulement nous ne voyons plus en lui quelquechose qui ne saurait être dépassé, la manifestation intime de l'Absolu...

»Les beaux jours de l'art grec et l'âge d'or du Moyen Age avancé sont, en effet, révolus.

Aussi belles et parfaites quesoient les images des dieux grecs ou encore les représentations de Dieu le Père, du Christ et de Marie, « Cela nesert de rien : nous ne plions plus les genoux.

». »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles