Heidegger, « La science ne pense pas »

« Texte: Heidegger, La science ne pense pas « Cette phrase : " la science ne pense pas ", qui a fait tant de bruit lorsque je l'ai prononcée signifie : la science ne se meut pasdans la dimension de la philosophie.

Mais, sans le savoir elle se rattache à cette dimension.

Par exemple : la physique se meutdans l'espace et le temps et le mouvement.

La science en tant que science ne peut pas décider de ce qu'est le mouvement,l'espace, le temps.

La science ne pense donc pas, elle ne peut même pas penser dans ce sens avec ses méthodes.

Je ne peuxpas dire par exemple avec les méthodes de la physique, ce qu'est la physique.

Ce qu'est la physique, je ne peux que le penserà la manière d'une interrogation philosophique.

La phrase: « la science ne pense pas» n'est pas un reproche, mais c'est unesimple constatation de la structure interne de la science : c'est le propre de son essence que, d'une part, elle dépend de ce quela philosophie pense, mais que d'autre part, elle oublie elle-même et néglige ce qui exige là d'être pensé ». Dans ce texte, Heidegger revient sur un jugement qu’il a prononcé dans Essais et conférences à propos de la science et qui a conduit à de nombreuses discussions.

En effet, la formulation peut paraître surprenante en ce qu’elle exclut de la pensée une activité qui en est le produit.

Faire de la science suppose l’usage de la réflexion, de la raison donc de la pensée.

Cette formule semble faire des scientifiques des idiots pour le dire de manière un peu radicale.

C’est en ce sens qu’elle a pu susciter de nombreuses oppositions et critiques.

Heidegger va ainsi s’attacher dans ce texte à montrer que ces critiques sont dues à une mauvaise compréhension de cette formule.

Pour comprendre le sens de ce jugement, il faut alors revenir à ce que penser veut dire.

Pour Heidegger en effet, penser est synonyme de " rester dans le sillage du questionnement et de la contemplation de l'Etre ».

La pensée ne consiste pas dans les conquêtes de l'esprit, dans les connaissances accumulées, mais dans le processus même de la vie s'explorant elle-même. La science et la technique, par contre, commencent par poser des univers d'objets à traquer - elles constituent un "arraisonnement" du monde ; elles mettent l'univers en demeure de répondre sur certaines pistes où "technique" et "théorie" s'épaulent réciproquement.

Lorsque Heidegger écrit ainsi : "La science ne pense pas", il se place sur le terrain de la métaphysique.

En effet, ce n’est pas la physique qui pense l’espace ou le mouvement, c’est la philosophie qui les pensent.

Il ne s’agit donc pas de dire que les scientifiques sont des idiots mais de souligner que la science, dans sa structure même n’a pas pour objet de penser les concepts dont elle se sert.

Cette remarque de Heidegger s’accompagne alors d’une réflexion sur la vérité.

La vérité n’est pas à entendre dans un sens logicomathématique, mais comme dévoilement. Voilà pourquoi ce sera l’art qui permet d’atteindre la vérité et non la science.

Il y a ainsi une vérité de l’être qui se de dévoile dans l’oeuvre d’art.

La vérité de l’être n’a cessé d’être masquée, oubliée par la tradition philosophique, métaphysique; elle est totalement occultée par l’idéal d’objectivité de la science, et de maîtrise technique.

Toute chose se présente comme manipulable, calculable, exploitable, instrumentalisable - l’homme lui-même - dans le déferlement technique actuel qui menace l’avenir de la terre et de l’humanité. Pourtant, si la science ne pense pas, comme le dit Heidegger, ne peut-on pas dire qu’elle produit de la pensée ?. »