Devoir de Philosophie

KANT: devoir morale et désintérêt

Publié le 27/02/2008

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kant
J'accorde volontiers qu'aucun homme ne peut avoir conscience en toute certitude d'avoir accompli son devoir de façon tout à fait désintéressée car cela relève de l'expérience interne, et pour avoir ainsi conscience de l'état de son âme il faudrait avoir une représentation parfaitement claire de toutes les représentations accessoires et de toutes les considérations que l'imagination, l'habitude et l'inclinaison associent au concept de devoir, or une telle représentation ne peut être exigée en aucun cas; de plus l'inexistence de quelque chose (par conséquent aussi d'un avantage qu'on a secrètement conçu) ne peut être de façon générale l'objet de l'expérience. Mais que l'homme doive accomplir son devoir de façon tout à fait désintéressée et qu'il lui faille séparer complètement du concept de devoir son désir de bonheur pour l'avoir tout à fait pur, c'est ce dont il est très clairement conscient; ou alors s'il ne croit pas l'être, on peut exiger de lui qu'il le soit autant qu'il est en son pouvoir de l'être : car c'est précisément dans cette pureté qu'est à trouver la véritable valeur de moralité, et il faut donc également qu'il le puisse. KANT
kant

« ci, à un moment donné, de telle sorte que l'on puisse comprendre les mobiles qui ont poussé notre esprit àvouloir et à décider telle ou telle chose : mais l'âme est une chose complexe et pour la représenter demanière claire nous sommes contraints d'inclure dans notre tableau des données multiples dont la diversitérend une telle représentation impossible.

Ainsi, même si nous restreignons cette analyse au seul rapport del'âme et du devoir, nous sommes obligés de prendre en considération toutes les représentations que notreâme se fait du concept de devoir, qui ne proviennent pas exclusivement d'elle-même mais qu'elle emprunte àcertaines déterminations comme l'imagination, l'habitude et l'inclination.

Autrement dit, pour connaîtreexactement la représentation que nous avons du devoir à un moment donné, il faudrait prendre en comptetoutes les déterminations, externes et internes, qui entraînent notre esprit à concevoir ainsi son devoir : ilest clair que les expériences passées, le poids des coutumes et des traditions, la nature de nos désirs ou denos passions, participent à la conception que nous nous faisons de notre devoir.

Par conséquent, lamultiplication des paramètres qui devraient intervenir et être pris en compte pour que nous puissions avoirune représentation claire et objective de l'état de notre âme, rend cette représentation impossible.

Et dumême coup, nous ne pouvons jamais exclure a posteriori que dans l'idée de devoir qui a guidé notre action apu se glisser, fut-ce malgré nous, l'espoir d'en retirer un intérêt personnel. « ...de plus l'inexistence de quelque chose (par conséquent aussi d'un avantage qu'on a secrètement conçu)ne peut-être de façon générale l'objet de l'expérience.

» Quand nous scrutons l'état de notre âme, quandnous analysons après coup les mobiles pour lesquels nous avons agi, nous constatons parfois que nous neconcevions aucun avantage personnel à agir ainsi; et de cette façon, nous pouvons croire que nous avonsagi de façon absolument désintéressée.

Mais, pour Kant, ce constat ne vaut rien, car l'expérience interneest incapable de prouver l'inexistence d'un pareil avantage : cet avantage peut être secrètement conçu;nous dirions aujourd'hui qu'il peut être inconscient.

Mais, si cet avantage est caché, s'il n'existe que demanière inconsciente et refoulée dans les profondeurs de notre esprit, notre expérience interne se montrerade toute façon incapable de la débusquer.

Le plaisir que nous éprouvons à travers nos actions et que nousespérons tirer d'elles est une chose mystérieuse et secrète : une action que nous croyons avoir accompli,non seulement de manière désintéressée, mais mieux avec un certain déplaisir conscient relève parfois del'espoir d'un plaisir presque pervers ou masochiste.

Et en l'occurrence, aucune expérience interne (si ce n'estpeut-être une longue et minutieuse analyse de notre psychisme telle que la psychanalyse freudiennel'entend) ne peut nous faire apercevoir ce mobile caché.Cette incapacité qu'a l'homme d'être sûr, après coup, d'avoir agi moralement de façon désintéressée, ledoute qui subsiste nécessairement en lui quant à l'avantage éventuel qu'il a pu retirer de son acte, ont pareux-mêmes une vertu morale : tout homme se voit par là refuser la possibilité d'une « bonne conscience »morale, bonne conscience qui pourrait être aussi cet avantage secret au nom duquel nous agissons pardevoir.

Ainsi, ce qui apparaît tout d'abord comme une privation pour l'homme, ou une limite dans sa capacitéde se connaître, se transforme en définitive en un facteur positif du point de vue de la moralité : en n'étantjamais sûr d'agir par devoir de façon désintéressée, l'homme se sent toujours mû par la volonté d'agirdavantage par moralité, et c'est cela qui constitue la vraie nature du devoir. « Mais que l'homme doive accomplir son devoir de façon tout-à-fait désintéressée et qu'il lui faille séparercomplètement du concept de devoir son désir de bonheur pour l'avoir tout-à-fait pur, c'est ce dont il esttrès clairement conscient ...

» Si l'homme ne peut, a posteriori ou après coup, être certain qu'il a agi vraiment et uniquement par devoir, dumoins peut-il toujours être conscient a priori qu'il doit agir ainsi.

Kant se place maintenant du point de vuede l'homme qui va accomplir une action : cet homme peut et, par conséquent, doit être conscient qu'il doitaccomplir son devoir de façon désintéressée, c'est-à-dire en séparant complètement son désir de bonheurdu concept de devoir.

Le devoir est par nature un devoir-être : en d'autres termes, le devoir ne consistejamais dans l'acte lui-même, mais dans le mouvement qui préside et qui amène cet acte.

Aucune action n'estjamais juste ou morale en et par elle-même : elle l'est du point de vue des mobiles qui la font advenir et deleur caractère moral ou non.

Le devoir n'est pas un fait, un être donné mais un rapport, une relation entreles mobiles d'un acte, l'acte lui-même et les effets de cet acte.

Pour agir moralement, je dois être conscienta priori que les intentions que j'ai d'agir de la sorte sont bonnes en elles-mêmes, et non bonnes pour moi, ausens où elles vont me permettre de réaliser mon bonheur.

Finalement, le devoir de l'homme c'est d'agir pardevoir et d'en être conscient de telle sorte qu'il puisse écarter tout intérêt personnel des mobiles qui lepoussent à agir.

Kant affirme que l'homme est capable d'un tel discernement a priori; mais n'est-il pascontradictoire d'affirmer cela alors qu'il vient de montrer qu'un tel discernement est impossible après coup?Certainement pas : car avant l'action, l'homme n'a à considérer que son esprit pur, c'est-à-dire qu'il n'a àapprécier que la nature désintéressée de ses mobiles en dehors de tous les éléments contingents etarbitraires qui peuvent intervenir lors de l'action elle-même.

Ce que Kant exige de l'homme moral, c'est qu'ilsoit conscient avant d'agir qu'il doit agir ainsi et non autrement, parce qu'il le faut, parce que c'est bien, etpour aucune autre raison.

Le devoir répond à l'impératif catégorique que dicte la raison : il faut agir ainsiparce que c'est bien.

Et de cet appel impératif de la raison, tout homme peut être conscient. « ...ou alors s'il ne croit pas l'être, on peut exiger de lui qu'il le soit autant qu'il est en son pouvoir de l'être :car c'est précisément dans cette pureté qu'est à trouver la véritable valeur de moralité, et il faut doncégalement qu'il le puisse.

»Que l'homme puisse être conscient qu'il doit agir par devoir, n'implique pas qu'il le soit, ni même qu'il soitconvaincu qu'il le peut.

Ainsi un homme peut-il douter de sa capacité à agir de manière absolument. »

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