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La liberté, est-ce satisfaire tous ses désirs ?

Publié le 27/03/2004

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Dès lors si la vie commune peut parfois étouffer de grandes individualités potentielles, elle est cependant le seul lieu de leur possibilité. En réalité le danger reste très minime : être une personnalité d'exception étant une question d'éthique et non pas de nature, autrement dit la semblance étant une position subjective et non un état objectif, il faudrait des circonstances extrêmement particulières et rares pour qu'un individu ne soit pas totalement responsable de sa vie. Donc même si l'on admet cette absurdité que constitue l'idée d'un don naturel, l'argument de Calliclès qui attribue cette responsabilité à la société reste sans portée réelle. Calliclès confond le fait et le droit : la nature atteste de ce qui est, pas de ce qui doit être. Quand il s'agit des lois de la cité, son invocation est donc nulle par principe. D'autre part il confond l'universalité des lois de la nature qui est absolue ou a priori (si on ne la pose pas l'idée même de nature n'a aucun sens, et avec elle la simple éventualité du savoir) et celle des lois de la cité qui est relative ou réflexive (c'est le rapport du peuple à lui-même). Autrement dit il confond la réalité où s'effectue la nécessité des lois de la nature avec la représentation où s'effectue celle des lois de la cité. La culture n'a pas de répondant et c'est précisément en cela qu'elle s'oppose à la nature : l'arbitraire n'est pas sa faiblesse mais sa force, puisqu'on peut seulement contester ce qui se présente comme fondé. On n'obéit donc pas à la loi parce qu'elle est utile, mais simplement parce que c'est la loi. Voulant fonder la loi dans la réalité, Calliclès l'abolit donc : il n'y aurait plus que la nature.

Parce que l'homme est d'abord un être de raison, il ne peut suivre aveuglément ses désirs et ses passions. De Platon à Descartes, c'est une tradition philosophique extrêmement forte qui voit dans le désir une menace pour l'intégrité de la raison et pour la liberté elle-même. D'un point de vue métaphysique, en effet, on peut dire que le désir est le signe de la finitude humaine, de l'imperfection : parce qu'il est signe de manque, de privation, de besoin. L'être qui désire est un être fini - une "créature". Mais cette conception repose, en définitive, sur une représentation trop négative du corps. C'est pourquoi les Modernes ont réhabilité le corps et ses désirs. Pour eux, l'homme est un être de désir. En ce sens, le désir n'est pas une privation, il est affirmation de soi. Il est tension, puissance et production. Ce renversement de la question du désir revient à fonder une conception neuve de la liberté.

« Synthèse. Que faut-il entendre alors par « désir » et par « bonne règle de vie » dans chacune des thèses que vous avezdéterminées ? Étudiez à cet égard les différentes déterminations conceptuelles, qui sont précisées à chaque stadedu plan. Introduction. L'homme est un être de désir : il désire ce qu'il n'a pas, ce qu'il n'est pas, et qu'il se représente comme objet desatisfaction.

Mais il est aussi un être de devoir, qui s'impose des règles à suivre pour ne pas déroger à sa dignitéd'homme.

On pourrait alors croire que son devoir lui prescrit d'accomplir - au sens de satisfaire - tous ses désirs : sile désir est manque, souffrance, aspiration à une plénitude dont on se sait manquer, il semble évident que le devoirest de rechercher le bonheur comme somme de tous les désirs accomplis.

Toutefois, il est des désirs excessifs,déréglés, passionnels, qui ont quelque chose de pathologique et de maladif; il est des désirs destructeurs et violentsqui nous déstabilisent en nous-mêmes ainsi que dans nos rapports avec autrui.

Peut-on encore considérer commeun devoir de rechercher la satisfaction de tels désirs? La règle qui prescrit d'accomplir tous ses désirs ne peut doncpas être acceptée sans examen : il s'agit de se demander si suivre en tout l'élan du désir peut constituer une règlede vie valable, ou bien si au contraire il importe de renoncer à satisfaire certains désirs - voire de renoncer au désir,s'il est par nature une passion - si l'on veut « bien vivre » comme doir vivre un homme.

Mais comment entendre ce «bien-vivre », que viserait la « bonne » règle de vie ? S'il s'agit seulement de vivre heureux et fort comme un êtrenaturel, y a-t-il lieu de limiter ses désirs? En revanche cette limitation n'est-elle pas nécessaire s'il s'agit deconquérir la liberté de l'âme ou encore d'accomplir ce que l'homme a de plus propre et de plus spécifique ? 1) Accomplir tous ses désirs paraît être conforme à la vie et à la nature. La bonne règle de vie est celle qui conduit au bonheur sensible : franchise de Calliclès qui entend satisfaire tous sesdésirs, sans distinction, pour être heureux et n'être jamais frustré. Le discours de Calliclès. " Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr.

C'est donc en fonction d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils répartissent desblâmes.

Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être supérieurs.

C'est pour empêcherque ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est injuste, d'avoir plus que les autres etque l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus.

Car, ce qui plaît aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux àde tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs. Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en seréférant à la loi.

Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus quele moins bon et le plus fort plus que le moins fort.

Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne, cheztoutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités ! Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste. De quelle justice Xerxès s'est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce (1), ou son père quand il fit laguerre aux Scythes ? Et encore, ce sont là deux cas parmi des milliers d'autres à citer ! Eh bien, Xerxès et son pèreont agi, j'en suis sûr, conformément à la nature du droit - c'est-à-dire conformément à la loi, oui, par Zeus, à la loide la nature -, mais ils n'ont certainement pas agi en respectant la loi que nous établissons, nous ! Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge,comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en faisonsdes esclaves, en leur répétant qu'il faut être égal aux autres et que l'égalité est ce qui est beau et juste.

Mais, j'ensuis sûr, s'il arrivait qu'un homme eût la nature qu'il faut pour secouer tout ce fatras, le réduire en miettes et s'endélivrer, si cet homme pouvait fouler aux pieds nos grimoires, nos tours de magie, nos enchantements, et aussitoutes nos lois qui sont contraires à la nature - si cet homme, qui était un esclave, se redressait et nousapparaissait comme un maître, alors, à ce moment-là, le droit de la nature brillerait de tout son éclat.

" PLATON, Gorgias, 483b-484a, trad.

Canto, Garnier-Flammarion, 1987, pp.

212-213. (1) allusion à la seconde guerre médique conduite par Xerxès, roi des Perses, qui envahit la Grèce en 480 av.

JC Exercice : reprenez chacun des arguments de Calliclès qui parle ici, et discutez-le. Le discours de Calliclès (Gorgias 483b - 484a) Introduction Calliclès entend pratiquer une critique " généalogique " des lois en débusquant le type de vie qui se dissimule derrièreleur apparente impartialité. 1.. »

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