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MICHELET ET L'ETUDE DE L'HISTOIRE

Publié le 16/05/2011

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michelet

Le génie de Michelet a renouvelé l'étude de l'Histoire de France. Sa méthode a profité de celle de Thierry (recherches sûr les races, récits pittoresques) et de celle de Guizot (vues générales, études sur le jeu des institutions). Elle s'est aussi inspirée de la pensée allemande et de la philosophie de l'histoire de l'Italien Vico. Finalement, elle a introduit en France deux nouveautés : une base géographique fournie à l'histoire, la nation considérée comme une personne vivante. Armé de cette méthode, Michelet entreprit, à travers l'histoire, une résurrection de la vie intégrale du passé.

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« Cauchon, scrupules de quelques justes, impatience des Anglais, interrogatoire sublime où toutes les subtiles raisonsdes juges échouent, déshonorées, devant une raison plus haute; enfin c'est la mort, qui tire des larmes à quiconquela lit ou la relit.

Le long récit de Michelet est un des chefs-d'oeuvre que nous pouvons égaler à ceux deShakespeare.

Michelet pourtant ne recherche pas l'effet dramatique, mais il l'atteint en représentant la vie dans sonétendue et dans sa profondeur naturelles. B) Un autre résultat fort précieux des « résurrections » de Michelet, c'est qu'il a été grâce à elles, de tous leshistoriens du XIXe siècle, celui qui réalise le mieux les voeux de Voltaire pour l'histoire-nation.

— a) Déjà Thierryavait recueilli pour sa Conquête de l'Angleterre les détails les plus minutieux sur toutes les misères, toutes lessouffrances individuelles de la population anglo-saxonne; il fit de même pour les Gaulois des temps mérovingienssous la domination des rois Francs.

— b) Michelet a sympathisé avec tous les éléments de la nation, avec tous lesproduits de son génie, avec toutes ses oeuvres.

Il a même communié avec le peuple de France, avec le peupleanonyme dont il a toujours étudié l'évolution intime et dans lequel il situait la ressource fondamentale de la patrie. C) On voit à quel point il est vrai que Michelet ramena véritablement la France du passé à la vie, par une fusionintime de la réalité documentaire avec la vision symbolique, par une union profonde de la science et de l'art.

La conception était néanmoins dangereuse.

Conception romantique, c'est-à-dire lyriquement individualiste, appliquéeà un objet qui exige l'objectivité quasi scientifique, elle est apparue particulièrement dangereuse chez Michelet, cevolcan.

Tout a marché parfaitement tant que les passions de Michelet sont restées de pures passions d'historien etqu'il a sympathisé avec son objet, et c'est pourquoi son Moyen Age demeure un chef d'oeuvre sans tache.

Touts'est trouvé compromis lorsqu'a brûlé dans ses passions un fanatisme politique, une fureur démocratique, la hainedes rois et des prêtres : ce qui arriva quand il écrivit sa Révolution, et ce qui atteignit le comble quand il écrivit sonAncien Régime.

Alors toutes les qualités de Michelet, tous les mérites de sa méthode montrèrent leur envers.

— a) Ila fini par substituer ses émotions à l'exposé des faits, il a cessé de tout soir et de voir juste, tout en voyanttoujours très puissamment; le génie proprement littéraire, proprement poétique, l'a entraîné.

- b) A force defabriquer des êtres symboliques, il en a vu partout; à force de trouver un signe en toute chose, il a grossidémesurément des faits insignifiants; faisant entrer dans l'histoire l'apparition du café et la fistule de Louis XIV, illeur a donné la même importance qu'à Louvois ou qu'au traité de Nimègue.

— c) Et de ce train, il se mit à négligerles sources, les preuves documentaires, ou bien à les interpréter selon ses fureurs.

— d) Voilà pourquoi l'Histoire deMichelet a cessé un jour d'être de l'histoire pour devenir une suite de visions exaltées : voilà pourquoi sa Réformeest une apologie, son Ancien Régime un systématique dénigrement, sa Révolution l'apothéose du peuple idéalisé.Ainsi l'Histoire de France de Michelet est devenue aussi tendancieuse et injuste, quoique aussi admirablelittérairement, que la Légende des siècles d'Hugo.

L'oeuvre historique de Michelet garde beaucoup d'intérêt malgré tout.

— a) Son Moyen Age constitue un modèlehistorique et dans le reste de l'oeuvre, même en ses parties les plus contestables, de belles réussites brillent avecéclat : par exemple, les portraits des grands révolutionnaires.

— b) La méthode subsiste et, si Michelet ne forma pasd'école, il agit puissamment sur tous les historiens qui ont suivi.

—c) L'Histoire de France tout entière demeure unchef d'oeuvre de littérature; on peut la considérer comme l'épopée lyrique du peuple français, c'est-à-dire commeune sorte de poème en prose où l'âme de Michelet s'exalte à contempler de grands destins auxquels il prête unedirection mystique, en lesquels il croit voir s'accomplir une mission.

Le style s'accorde bien avec un tel dessein; il estsplendide de libre syntaxe, d'harmonie heurtée et hardie, d'images aussi riches que celles d'Hugo.

C'est par cetteverve géniale que Michelet a pu exercer une influence sur le génie épique d'Hugo, sur les Châtiments et la Légendedes siècles.

Il semble lui-même avoir écrit une Légende des siècles français. L'Histoire de France de Michelet possède une vertu d'enseignement moral et, très précisément, patriotique.

—a)Michelet souhaitait la paix, la fin des guerres; mais il voyait dans la patrie un élément de l'harmonie universelle, undegré nécessaire entre le Village et l'Humanité.

— b) Il a été le premier à nous donner une histoire de notre patrie :ni Thierry ni Guizot n'ont écrit une Histoire de France, et les Histoires de France de leurs prédécesseurs n'étaientpas des Histoires véritables.

— c) Il fortifie, exalte le sentiment de la patrie en ressuscitant ses gloires les pluspures, en nous faisant souffrir de ses souffrances au cours des âges.

Son Histoire de France est un recueilinépuisable d'exemples propres à nourrir un enseignement d'amour pour notre pays, mais dont le choix se colore depassion politique : le dévouement de Jeanne d'Arc et l'élan de 92, et la pureté de Marceau, et la magnanimité deHoche.

— d) Non seulement il a montré avec émotion la naissance de l'idée de patrie au temps de Jeanne d'Arc etson baptême, pour ainsi dire, chez cette fille du plus petit peuple des campagnes, mais il a fait revivre la sublimefigure de façon qu'apparaisse en elle-même la Patrie : on ne peut pas aimer l'une sans aimer l'autre; or Jeanne adouceur, bonté héroïque, malice ingénue; aussi Michelet appelle-t-il notre nation la nation de l'amour et de la grâce.- e) Il a lié enfin la notion de patrie à celle de peuple, depuis la Chanson de Roland jusqu'aux soldats de l'An II.

C'estle rêve du peuple qu'il a cherché dans l'art et dans la religion, dans le sacrifice de la Pucelle et chez les jeunesgénéraux de la Révolution.

Le peuple reste finalement l'unique héros, le héros collectif du grand poème historique deMichelet, et c'est en ce héros, par conséquent, que le coeur de la patrie bat éternellement.. »

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