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Les passions, maladies de l'âme

Publié le 13/04/2004

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Sans doute, en sa conscience claire, la passionné aspire à éprouver des sensations nouvelles. Dans le « coup de foudre «, la passion éclate brusquement, s 'éprouve comme une découverte que rien ne laissait présager. Mais le témoignage de la conscience du passionné ne nous semble nullement décisif. Les « découvertes «, les « révélations « de la passion sont la réponse à une angoisse qui leur préexiste et qui ne trouve sa signification claire que dans les événements de notre passé. Le « coup de foudre « ne nous introduit pas dans un monde réellement nouveau, mais réveille une ancienne nostalgie. Si ce visage, inconnu encore de nous il y a seulement quelques instants, nous trouble si fort, n'est-ce pas, comme le dit Alquié, que « nouveau en lui-même, il devient pour nous l'image et le symbole d'une réalité que notre passé a connue « ? Dans le « Phèdre «, Platon a parlé de l'émotion amoureuse de l'âme qui tombe en extase devant la beauté. Mais cette extase soudaine n'est que le retour d'un souvenir. Réveillée par la présence du Beau, l'âme se souvient moins obscurément de son passé lumineux, avant l'incarnation, au paradis des Idées. Il est permis de reconnaître en ce mythique paradis, magiquement ressuscité par une belle apparition, le symbole métaphysique du « vert paradis « de nos « amours enfantines « dont nos passions adultes ne sont obscurément que la résurrection nostalgique.

  • âme :

 

   Du latin anima, « souffle, principe vital «. Désigne chez Aristote, la forme immatérielle qui anime tout corps vivant, et qui se manifeste à travers les différentes activités que sont la nutrition, la sensation ou l'intellection. Les stoïciens et les épicuriens en font une réalité matérielle.

   Dans la tradition chrétienne et chez Descartes, l'âme est rapportée à la pensée, propre à l'homme ; séparable du corps, elle est considérée comme immortelle.

 

  • passion

Du latin patior, « souffrir «. Il y a passion quand un désir, parvenu à dominer et orienter tous les autres, aveugle l'homme au point qu'il en devient dépendant. La sagesse serait dans l'absence, ou du moins la domi­nation des passions.

Hegel et le romantisme réhabiliteront les passions en en faisant le principe moteur des grandes actions.

 

« belle au plus tôt, pour le joueur de courir au casino.

Mais demain, voici l'amoureux au désespoir, l'ivrogne malade, lejoueur ruiné.

Ils ont sacrifié leur bonheur aux sollicitations immédiates, ils n'ont pas su se penser avec vérité dans lefutur ».

Cette négation du temps comme avenir est ce que Alquié appelle « le désir d'éternité ».

Or c'est du passéque le présent tient sa puissance de fascination, dans cette forme de passion.

Elle est égocentrisme et résurgencedu passé.

Le passionné aime dans l'objet de sa passion le symbole de son passé : l'avarice a souvent pour causeune crainte infantile de mourir de faim, l'amoureux projette sur la femme qu'il aime l'image du visage qui se penchaitsur son berceau etc.

De là cette « joie d'enfant » du passionné adorant l'objet passionnel.

Étant refus du temps, lapassion passive est vouée àl'inefficacité.2 — La passion active est unité de l'esprit et volonté réalisatrice.

Elle retrouve le sens du futur comme lieu de sonaction, elle est autonomie du sujet.

Par exemple, loin d'être infantile, possessif et cruel comme l'amour-passion,l'amour-action sera oubli de soi, effort pour assurer l'avenir des êtres aimés, charité.— La différence nettement établie enfin entre les deux genres de passions est inséparable, comme on le voit, duplan moral.

Au fond la différence est surtout entre l'égoïsme des unes et l'altruisme des autres.

L'ambition estpensée du futur et sera pourtant rangée dans les passions passives, mais si cette ambition prend la forme de lapassion de la science, elle risque d'être rangée dans les passions actives.

La vraie différence est bien, comme ledisait Descartes, dans l'utilisation de ce dynamisme passionnel aveugle qui est tantôt inefficace, tantôt utilisé, selonle sentiment au service duquel il est et selon qu'il exclut ou intègre le discernement des valeurs. Celui qui subit la passion « ne peut croire qu'elle vient de lui et la considère comme une force étrangère, installée enlui, violentant ses instincts, déroutant sa raison.

Cette force toute-puissante et fatale lui inspire une sorte d'horreursacrée ; il l'appelle divine : toute passion est regardée comme une emprise de la divinité sur l'homme, l'avaricecomme l'amour (c'est Vénus tout entière à sa proie attachée), quoiqu'il la trouve en soi, l'homme la juge étrangère àsoi, transcendante.

» (Dugas, «Les passions »). B.

Le passionné ramène le présent au passé De même – et c'est la deuxième illusion –, la passion est injuste dévalorisation de ce qui n'est pas son objet.

Ainsi lapassion nouslimite à la fois dans l'espace et dans le temps : dans l'espace, puisqu' elle réduit considérablement notre champ deconscience et le cercle de nos intérêts ; et dans le temps, car le passionné demeure prisonnier du passé, incapablede vivre au rythme du monde.• C'est à Freud qu'on peut emprunter l'explication la plus profonde des passions.

Si la passion apparaît, à celui-làmême qui la subit, comme une force étrangère qui se déploie en lui (et malgré lui), c'est précisément parce que lasource des passions est inconsciente, qu'elle s'enracine dans des circonstances oubliées de son enfance. Le «refus du temps » dont parle Ferdinand Alquié dans Le Désir d'éternité (1943), c'est la fixation du passionné àdes circonstances de son passé dont il est d'autant plus esclave qu'il n'en prend pas une conscience claire. Alquié a brillamment illustré la thèse psychanalytique en son « Désir d'éternité ».

Le « désir d'éternité », le « refus du temps » dont parle Alquié à propos des passions, c'est la fixation du passionné à des circonstances de son passé dont il est d'autant plus l'esclave qu'il n'en prend pas une conscience claire.

Les passionnés, « prisonniers d'un souvenir ancien qu'ils ne parviennent pas à évoquer à leur conscience claire sont contraints par ce souvenir àmille gestes qu'ils recommencent toujours, en sorte que toutes leurs aventures semblent une même histoireperpétuellement reprise.

Don Juan est si certain de n'être pas aimé que toujours il séduit et toujours refuse de croireà l'amour qu'on lui porte, le présent ne pouvant lui fournir la preuve qu'il cherche en vain pour guérir sa blessureancienne.

De même, l'avarice a souvent pour cause quelque crainte infantile de mourir de faim, l'ambition prendsouvent sa source dans le désir de compenser une ancienne humiliation...

Mais ces souvenirs n'étant pas conscientset tirés au clair, il faut sans cesse recommencer les actes qui les pourraient apaiser. » La conception de Alquié a été discutée par Pradines .

Ce dernier, tout en reconnaissant que nos premières émotions sont parfois susceptibles d'orienter définitivement nos tendances, se refuse à voir en toutepassion l'emprise inconsciente du passé.

Le plus souvent, la passion se présente « plutôt comme l'appétit de sensations inconnues que comme le désir de renouveler d'anciennes expériences ».

La passion charnelle n'est-elle pas « révolte contre l'habitude » ? Sans doute, en sa conscience claire, la passionné aspire à éprouver dessensations nouvelles.

Dans le « coup de foudre », la passion éclate brusquement, s ‘éprouve comme une découverte que rien ne laissait présager.

Mais le témoignage de la conscience du passionné ne nous semble nullement décisif.Les « découvertes », les « révélations » de la passion sont la réponse à une angoisse qui leur préexiste et qui ne trouve sa signification claire que dans les événements de notre passé.

Le « coup de foudre » ne nous introduit pas dans un monde réellement nouveau, mais réveille une ancienne nostalgie.

Si ce visage, inconnu encore de nous il y aseulement quelques instants, nous trouble si fort, n'est-ce pas, comme le dit Alquié , que « nouveau en lui-même, il devient pour nous l'image et le symbole d'une réalité que notre passé a connue » ? Dans le « Phèdre », Platon a parlé de l'émotion amoureuse de l'âme qui tombe en extase devant la beauté.

Mais cette extase soudaine n'est quele retour d'un souvenir.

Réveillée par la présence du Beau, l'âme se souvient moins obscurément de son passélumineux, avant l'incarnation, au paradis des Idées.

Il est permis de reconnaître en ce mythique paradis,magiquement ressuscité par une belle apparition, le symbole métaphysique du « vert paradis » de nos « amours enfantines » dont nos passions adultes ne sont obscurément que la résurrection nostalgique.. »

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