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Peut-on affirmer que le monde a un ordre ?

Publié le 08/12/2005

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La solution de Leibniz est d'une subtilité logique telle qu'il est difficile de la résumer. On pourrait dire que nos actions sont prévues, puisqu'elles concourent elles aussi à la perfection de l'ensemble, sans être nécessaires. En toute logique, le contraire de telle action est possible. « Dieu a vu les choses dans la suite idéale des possibles, telles qu'elles allaient être, et parmi elles, l'homme péchant librement; et en décrétant l'existence de cette suite, il n'a pas changé la nature de la chose, ni n'a rendu nécessaire ce qui était contingent. » Notre action est libre, elle n'est en aucun cas nécessaire, c'est-à-dire telle qu'il serait logiquement impossible de faire autrement. Mais que nos actes soient contingents n'empêche pas Dieu de les prévoir, et donc d'élire, parmi la suite des possibles, celle qui inclut l'acte qui concourra à la plus grande perfection possible de l'ensemble. ► « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » ne signifie donc pas que «tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ». Voltaire a certainement eu raison de s'insurger contre ce qui demeure une justification du mal, mais Leibniz est plus difficile à réfuter qu'à parodier. Ce qui est remarquable dans ce dialogue posthume du logicien, de l'inventeur de l'infinitésimale et du défenseur des Calas, c'est que toute théologie doit se confronter au problème du mal, et qu'aucune solution jamais ne satisfera pleinement : en quoi le mal est-il justifiable?   [Le monde est un chaos.

« Alors que la raison s'oppose à la passion (et la freine, sinon l'enchaîne), l'histoire nous montre l'association dela déraison (la folie) et la passion.

Ce qui, somme toute, va de soi.

Mais, plus fou encore, ce qui est bien (lesbonnes intentions, les fins légitimes) est perverti par la déraison : ce sont les bonnes intentions et les finslégitimes qui produisent le mal et l'illégal.

Tout à l'heure nous devinions les hommes dans la multiplicité de leursactions individuelles, maintenant, c'est l'histoire abstraite qui commande et nous considère comme desspectateurs (« l'histoire nous met devant les yeux »).

Les personnages du théâtre deviennent des entités : lemal, la corruption des moeurs (« l'iniquité »).

Le décor : la ruine des empires.

L'histoire, avec ses ruines, esttoujours plus forte que l'homme avec ses empires.

Enfin nous entendons les plaintes bruyantes (« leslamentations ») des individus qui pleurent sur la ruine de leurs cités, tout comme Jérémie pleurait sur ladestruction de Jérusalem par les Chaldéens.La contagion des cris de douleur, présents ici-même (« nous l'entendons »), est plus forte que le spectacle.Nous-mêmes ne pouvons « qu'être remplis de tristesse ».

C'est le moment de la réflexion, nourrie desmouvements précédents, exprimant la pensée la plus générale : tout menace d'être ruiné.

Cette « pensée dela caducité en général » reprend de manière laïque « la vanité des vanités, tout est vanité » de L'Ecclésiaste.Le second mouvement nous conduit à l'affliction morale.

Il désigne les acteurs de l'histoire, d'une part lanature, d'autre part les hommes (avec leur volonté du mal).

D'où un double sentiment humain, d'une partl'affliction morale, d'autre part une révolte.

Il est possible de faire autrement.

Certes nous pouvons pleurer surles ruines provoquées par une nature à la fin toujours plus forte que l'homme, mais pour ce qui est del'homme, et de ses exactions, une autre histoire est sans doute possible.Bien qu'un instant nous puissions en douter (« si tant est »), le spectacle du monde ne nous a-t-il pas apprisqu'il n'y a pas, dans tout ce que nous avons vu, d'esprit du bien.

Alors échapperions-nous à la règlecommune.

Oui, sans doute, les sentiments qui sont les nôtres (tristesse, affliction, douleur) témoignent denotre moralité.Le troisième mouvement, où nous passons du spectacle au tableau, est encore plus terrifiant.

Loin de l' «exagération oratoire » - qui emporterait peut-être l'adhésion, mais qui, manipulatrice, est ici parfaitementinutile – il suffit, dit Hegel, seulement (« rien qu'en ») de relater (c'est le propre de l'histoire d'être une relationavec exactitude...

Autrement dit, ce qui pourrait être décrit est exact.

Plus de dénonciation de la nature,comme responsable des ruines.

Mais une accusation portée cette fois uniquement contre l'homme.

Car c'estbien une activité humaine qui « inflige » délibérément...

Triomphe du mal, avec son cortège de malheurs, duvice sur la vertu, de la perversion contre l'innocence.

Et qui fait de l'histoire un malheur généralisé, où toutest corrompu, puisque le mal, comme la peste, porte tout aussi bien sur les personnes, sur les peuples, sur lesEtats.

Et qui en vise « les plus beaux échantillons ».

Rien n'est épargné, aussi rien ne saurait nous apaiser.

Aumalheur le plus haut répond la douleur la plus profonde. 2.

Mais , avec ironie, Hegel note que cette douleur, qui certes nous frappe, mais qui est relative auxsouffrances des autres, dans le passé, ne nous laisse pas sans voix.

Elle ne nous empêche pas de formuler ennous-mêmes les sentences toutes faites du sens commun.

Car ce spectacle, tout horrible qu'il fut, nous n'yparticipons pas, il était pensé, plutôt que vu.

Et, en fin de compte, c'est cette pensée seulement (« cettedouloureuse réflexion ») qui était pénible.

Les sentences (prononcées en forme d'épitaphes) viennent déjàatténuer les choses.Formulation creuse qui ne fait rien que répéter ce qui est déjà : « il en a été ainsi ».

Invocation d'une forceplus forte que nous, qui nous déresponsabilise : ce n'est pas nous, « c'est le destin ».

Démission avouée : «on n'y peut rien changer ».

Que le monde continue dans le futur comme il a été dans le passé.D'ailleurs le monde nous appelle, mais un autre monde, non pas celui, terrible, de l'histoire universelle, maiscelui terre à terre, lié strictement à la sphère de nos activités actuelles (« présentes »).

Celui dont noussommes le centre : nos affaires, nos buts, nos intérêts.

Monde quotidien qui s'oppose par sa tranquillité auxtroubles de l'histoire, qui se manifeste par sa proximité contraire au lointain des désastres (« la masse desruines »), qui s'impose par la clarté de son évidence si différente de la confusion de tout le reste.Ce contraste entre notre histoire universelle est si fort que, nous prenant pour le centre de tout (ce quidéfinit l'égoïsme), nous venons à « considérer » cet autre monde, comme quelque chose de lointain, qui sesitue ailleurs, d'où l'idée de spectacle.

Tout à l'heure il nous effrayait (mais nous effrayait-il vraiment tant quecela ?), maintenant nous en jouissons.

Cela se passe si loin dans le temps, si loin dans l'espace.

De l'autrecôté.

Tout un fleuve, toute une mer nous sépare de cela.

On songe aux vers de Lucrèce : « Il est doux,quand la vaste mer est soulevée par les vents, d'assister du rivage à la détresse d'autrui.

»Mais est-ce bien le même homme qui est capable de jeter un regard sur l'histoire du monde extérieur, et quien même temps, incapable de rien comprendre, s'enferme dans son monde intérieur ?. »

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