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Peut-on se fier au sentiment de liberté ?

Publié le 23/03/2004

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C'est-à-dire qu'il est « conditionné par sa classe «, « son salaire «, « la nature de son travail «, conditionné jusqu'à ses sentiments et ses pensées. Mais si l'homme ne peut pas choisir sa classe sociale, il peut se choisir lui-même dans sa « manière d'être «. Sartre lui-même reconnaît en 1940 qu'il est « le produit monstrueux du capitalisme, du parlementarisme, de la centralisation et du fonctionnalisme «, mais c'est à partir de cette situation familiale qui l'a constitué qu'il entreprend de se « personnaliser «. D'où la formule : « L'important n'est pas ce qu'on a fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous. « La situation n'est pas quelque chose qui limite la liberté elle est ce à partir d'où commence la liberté. C'est la raison pour laquelle Sartre a pu écrire en 1944 dans « Les Lettres française « (fondé par Aragon et Paulhan): « Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande. « Jamais nous n'avons été aussi libres que sous l'occupation allemande. (Situations, III) Sartre ne prétend nullement que l'occupation allemande aurait été propice à la liberté politique. C'est de la liberté au sens métaphysique du terme qu'il s'agit ici. Être libre c'est être capable de dire non, de refuser une situation.

Qu'est-ce en fait que se sentir libre? C'est avoir l'impression que l'on est le seul régisseur de ses actes et pensées : lorsque je commets tel ou tel acte. j'ai comme l'intuition que j'agis en pure liberté, sans qu'il y ait de conditions extérieures qui m'incitent à faire cet acte. Se sentir libre, c'est en fait sentir que l'on agit volontairement, et non pas que l'on est agi. Peut-on se fier au sentiment de liberté? N'est-ce pas plutôt rien de plus qu'un sentiment, voire : une illusion?      Non, répondraient les philosophes de la liberté et notamment Sartre : la liberté n'est pas un sentiment, elle existe réellement, l'homme dispose même d'une « liberté radicale «. En effet, l'homme se choisit toujours; on pourrait objecter pourtant qu'il ne choisit pas d'être malade, ni d'être emprisonné pendant la guerre; Sartre répond que même dans des situations qu'il n'a pas choisies (souffrance, prison), il peut encore se choisir, choisir son attitude, son comportement moral : le découragement, ou au contraire la lutte; et cette attitude morale, personne ne la choisit pour lui, il en est entièrement libre.

« En un certain sens, la liberté de l'homme est absolue, mais elle n'existe «qu'en situation», c'est-à-dire face à toutesles déterminations qui peuvent jouer tant de l'extérieur que de l'intérieur. Une philosophie existentialiste se définit par le fait qu'elle pose l'existence avant l'essence et de la sorte définit lacondition humaine.

Les objets matériels dérivent d'un concept, répondent à une finalité — ce à quoi l'objet va servir— et à un ensemble de règles techniques.

Pour tout ustensile, l'essence précède l'existence, et son existence nevaut que dans la mesure où elle réalise l'essence, c'est-à-dire par rapport à l'idée qui a permis de la concevoir et dela produire.

Dans la théologie traditionnelle, on voit en Dieu une sorte d'artisan supérieur qui a créé le monde et leshommes à partir d'une idée, d'un projet.

Lorsque Dieu crée, il sait au préalable ce qu'il crée.

Chaque individu réaliseun certain concept contenu dans l'entendement divin.

Au xviiie siècle, au concept de Dieu a succédé le concept denature humaine, chaque homme étant un exemplaire particulier d'un concept universel : l'Homme.

Du point de vue del'idée ou de l'essence, c'est-à-dire dans le fond, tous les hommes sont semblables, quels que soient leur culture, leurépoque ou leur statut social.

Pour l'existentialisme athée tel que l'a pensé Sartre, Dieu n'existe pas, il n'y a pasd'origine unique au monde, ni de référent suprême.

Il y a un donné d'origine : la réalité humaine, soit des individusqui d'abord existent avant de se définir par concepts.

On surgit dans le monde et l'on se pense ensuite.

Si l'hommeest a priori indéfinissable, c'est qu'a priori il n'est rien tant qu'il ne s'est pas fait lui-même par un engagement dans lemonde : "L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait." D'où lui vient cette liberté? Elle vient du fait que l'homme, et non un Dieu transcendant, est son propre créateur;c'est selon Sartre le seul être pour qui l'on puisse dire que « l'existence précède l'essence » : l'homme surgit dans lemonde et se définit après et non pas le contraire, comme le pensaient les philosophes de l'essence.

C'est doncl'homme qui se fait, c'est lui qui façonne ses qualités, ses capacités, c'est lui qui choisit d'être cordonnier ou ouvrier,et lorsqu'il n'est pas satisfait de la situation dans laquelle il se trouve, il ne doit s'en remettre qu'à lui-même, puisqu'ilest à l'origine de cette situation.

D'où l'idée que l'homme est toujours responsable, et celui qui déclare : « ce n'estpas ma faute » est en fait un être de mauvaise foi, qui a peur de sa responsabilité.

On comprend pourquoi « l'hommeest condamné à être libre » : il n'échappe pas à sa liberté et à sa responsabilité, et le sentiment de liberté estpresque un fardeau, devient paradoxalement une contrainte, car l'homme est naturellement porté à l'irresponsabilité,au confort, à la paresse. SUPPLEMENT: L'homme est condamné à être libre... Sartre doit son immense notoriété à la vogue de l'existentialisme (philosophiede la liberté et de la responsabilité), dont il fut considéré comme le fondateur,même si la lecture de la « Phénoménologie » de Husserl et de « L'Être et leTemps » de Heidegger l'a profondément influencé.

Deux formules pourraientrésumer sa conception de la liberté.

La première, que l'on trouve dans « SaintGenet » (1952): « L'important n'est pas ce qu'on a fait de nous, mais ce quenous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous.

» La seconde, qui figuredans un opuscule intitulé « L'Existentialisme est un humanisme » (Nagel) oùSartre répond à diverses objections formulées notamment, par les catholiqueset les marxistes à sa conception existentialiste de l'homme: « L'homme estcondamné à libre.

»Qu'est-ce que l'existentialisme ? C'est l'affirmation que, chez l'homme,l'existence précède l'essence.

Autrement dit, rien n'est donné d'avance àl'homme.

N'ayant pas d'essence préalable, l'homme se trouve condamné àchoisir librement son essence :« Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Cela signifieque l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il sedéfinit d'abord.

L'homme tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pasdéfinissable, c'est qu'il n'est d'abord rien.

il ne sera qu'ensuite, et il sera telqu'il se sera fait.

» L'homme n'est ni ceci ni cela.

Son existence n'est d'abord soutenue par rien.

C'est précisément parce que l'hommen'est d'abord rien qu'il se distingue de toute autre réalité et que son existence est liberté, ne peut qu'être liberté.

Lachose qui est ceci ou cela, qui n'est que ce queue est, ne saurait être libre.

Un arbre ne peut jamais être que l'arbrequ'il est.

Un objet n'a pas à être : un coupe-papier, par exemple, est.

Tout objet matériel est.

L'homme n'est pas.

Iln'est pas d'avance ceci ou cela, ce qu'il va devenir n'est pas décidé d'avance.

L'homme est ce qu'il se fait:« Ainsi il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir L'homme est seulement, nonseulement tel qu'il se conçoit, mais tel qu'il se veut, et comme il se conçoit après l'existence, comme il se veutaprès cet élan vers l'existence; l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait.

» Et si l'homme n'est d'abord rien et doit librement choisir son essence, cela signifie qu'il est pure subjectivité, projet :« C'est aussi ce qu'on appelle la subjectivité.

et que l'on nous reproche sous ce nom même.

Mais que dire par là,sinon que l'homme a une plus grande dignité que la pierre ou la table ? Car nous voulons dire que l'homme existed'abord, c'est-à-dire que l'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeterdans l'avenir L'homme est d'abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d'être une mousse, une pourriture ouun chou-fleur ». »

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