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En quoi peut-on parler d'une dimension dialogique dans les pensées de Pascal ?

Publié le 19/09/2010

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pascal

Dans Les Pensées, œuvre incontournable de la littérature française du 17eme siècle, Blaise Pascal s'efforce de convaincre son interlocuteur de ce que pourrait lui apporter la religion. Il tente de rallier à sa cause les libertins et le peuple entier en s'adressant à lui grâce à la rigueur d'une analyse qui utilise exemples et cas de figure. Il apporte ainsi une dimension dialogique dans son œuvre, grâce à l'argumentation et sa détermination à expliquer les valeurs du christianisme. Nous allons observer dans les différents fragments sa définition de la condition de l'homme, et donner la solution de nos contradictions, la foi, puis nous étudierons ses comparaisons de l'homme avec Dieu et l'homme sans Dieu, dans une sorte publicité parjure du jansénisme. La dimension dialogique dans l'œuvre sera au service de son argumentation.

 

Qu’est-ce que l’homme? Pascal va tenter de nous rapprocher de Dieu en touchant la plus originel de nos distinction : notre nature humaine; nous sommes des « montres incompréhensibles «. C'est en nous  parlant de nous-même qu'il s'adresse à nous, c'est une caractéristique de la dimension dialogique.

L'homme est un paradoxe ambulant, Pascal nous le définit entre deux abîmes: l'infiniment grand et l’infiniment petit. L’homme apparaît ainsi comme «un milieu entre rien et tout«, perdu dans l’univers infini que nous dévoile la science. L’homme est de toutes parts dépassé par la puissance énorme de la nature. Mais l’homme pense. C’est là sa grandeur. «Par l’espace, l’univers me comprend et m’engloutit comme un point; par la pensée, je le comprends.« Si l’univers peut écraser l’homme, l’homme est plus noble que ce qui le tue, car il sait qu’il meurt, c'est la conscience qui est sa grandeur. L'homme est un corps, c'est un animal, mais l'homme est un esprit, et cela le rapproche du divin. « l'homme passe l'homme « dit-il dans la liasse des Contrariétés, et en effet, il y a l'homme dans sa misère, cet animal contradictoire, cloaque d'incertitude et d'erreur, et l'homme dans sa grandeur, la nostalgie de sa jadis puissance (avant le péché originel, il était un ange), et dans la conscience de sa misère.

Jeté dans un coin de l’univers, l'homme ne sait où il est, qui il est, et n'a qu'une certitude : sa mort future. Le reste est inconnu, malgré les futiles théories scientifiques. La condition de l'homme est donc l'incertitude et le néant, l'abandon. C’est pourquoi les hommes n’aiment guère l’inaction: ils y sentent leur vide, et risquent de céder au désespoir. Ici intervient le divertissement.

Les hommes ont trouvé le moyen de se détourner de leur condition : ils jouent, ils conversent, ils travaillent et font la guerre. Toutes ces choses du quotidien que le simple passant appellera « la vie «, Pascal nous l'envoie au front en nous affirmant qu'elles ne sont destinées qu'à nous occuper, pour nous empêcher de penser à notre véritable condition. Ce n’est pas la prise qui compte à la chasse, mais la poursuite. Là encore il y a contradiction : le divertissement est bénéfique, car il nous rend heureux, mais néfaste par son aveuglement.

Il n'y donc en vérité que deux alternatives : le désespoir ou la foi.

Qui le démêlera de cet embrouillement? Vous l'aurez compris, Dieu. C'est ce à quoi le raisonnement pascalien nous emmenait. L'homme ne peut atteindre la vérité, mais il peut la rechercher, contrairement aux pensées des sceptiques (pyrrhoniens). Nous devons avoir conscience à la fois de notre grandeur et de notre impuissance. Nous avons été jadis destiné à la vérité, même si aujourd'hui nous ne sommes qu'orgueil et concupiscence. L'orgueil et la concupiscence (l’attachement démesuré aux biens terrestres) qui nous habitent nous pousse à dédaigner Dieu. Il est pourtant la seul à pouvoir extirper ses passions néfastes. Pour connaître le bonheur, la religion chrétienne est la seule conforme aux contradictions humaines parce qu’elle nous enseigne à la fois notre corruption du péché originel et notre rédemption. Lavant notre faute, la grâce de Dieu nous rouvre la voie vers le bonheur.

La vraie voie est la foi du cœur, car c'est l'amour qui nous amène a Dieu. Le cœur s’oppose à la raison mais pas à l’intelligence. Le cœur est au dessus de la raison, malgré ce que peut penser Descartes. Nous sommes dans le domaine de la croyance, alors qu'elles que soient les preuves rationnelles, elles sont inutiles. La foi a besoin d'ingrédients essentielles que seul peut donner le cœur : la charité et l'espérance. Alors là viendra notre rédemption, la grâce divine censé nous élever à notre ancien statut.

 

Après nous avoir défini, et pointé en nous les défauts, tel le mécanicien qui dénonce un bruit inquiétant de notre voiture, il va nous vendre ses idées comme une pièce de moteur, et faire de Dieu la solution à tout. Dans la liasse Ordre, Pascal annonce clairement le but qu'il s'est fixé : convaincre un ami des bienfaits de la foi. Étant janséniste, il sait que la vérité réside dans le Salut; le jansénisme qu'il défend prône le principe selon lequel l'homme doit vivre éternellement dans l'absolution du péché originel d'Adam, et les hommes sont ainsi forcés de se repentir par la foi la plus austère. Le système dialogique rentre en compte dès le deuxième fragment des Pensées : il commence par des questions, telles que « Que dois-je faire? «. Là commence la description des lettres qu'il pourrait envoyer à son ami dépossédé de toutes croyances. Il évoque deux type de situations : la misère de l'homme sans Dieu, et sa grandeur avec Dieu.

Sans Dieu, l'homme se retrouve vulnérable dans de nombreux domaines. Par exemple, le fragment 54 nous dit que la tyrannie, soit-disante forte, est vouée à l'échec car il y a incompatibilité des moyens et des fins. En effet, La tyrannie est un désir de domination hors de son ordre et de ses mérites. Elle peut s’appliquer a tout et elle mène à l’effondrement. La tyrannie cherche a obtenir ce qu’elle veut par des voies injustes. La coutume aussi, c'est un écran qui nous empêche de réfléchir a notre condition. La justice, qui varie selon les fondements culturels. Ce sont des puissances trompeuses. L'homme sans dieu est à la merci des apparences. En revanche, l'homme avec Dieu connait la conduite à adopter. Dans ces trois discours sur les grands, Pascal nous informe de la véritable nature de la grandeur. Dans le premier, il utilise l'exemple dans homme que le hasard a fait roi. Sa grandeur vient donc du fait que les hommes l'ont fait grand, mais ne vient pas de la nature, qui offre un titre de grandeur qui ne varie dans le temps ni dans l'espace. Il se doit donc de gouverner et d'agir selon son rang, sans oublier pour autant ca condition d'homme. Pascal ici nous prouve que l'acceptation de notre condition humaine que nous offre la religion est indispensable à la cohésion sociale, ce qui fait un argument de plus à sa faveur.

La conduite à adopter dans la société est donc dictée par la foi, mais un autre avantage ressort des fragments : croire, ca n'engage à rien. C'est le pari que lance Pascal aux libertins. Les termes en sont à peu près ceci : vous pariez sur l'existence de Dieu, vous vivez dans la rédemption et la foi, et en effet celui-ci existe, vous avez gagné votre place pour le paradis, aller simple. S'il n'existe pas, vous n'aurez rien perdu. Si vous pariez sur son inexistence, et que vous passez votre vie à jouer et profiter de votre concupiscence, et si dieu n'existe pas, vous retournerez après votre mort dans le néant dont vous venez, et rien n'aura changé. Si en revanche celui-ci existe, vous retournerez quand même dans le néant, loupant ainsi la béatitude éternelle. Avoir la foi, c'est donc bénéfique dans tout les cas. Mais dans ce pari, où se trouve la véritable foi? Car la vraie foi est celle que l'on a sans songer aux bénéfices post-mortem... 

 

Nous avons donc vu que Pascal, après nous avoir intéressé par sa description de notre condition cherche à nous faire adhérer à l'idée que la croyance est la seule voie au bonheur, et ensuite qu'il oppose l'idéologie libertine aux mœurs chrétiens, prônant ce dernier. Il a fait dans les Pensées l'apologie du christianisme, il a dépeins l'homme mais surtout il a tenté de nous convaincre d'adhérer à la religion, faisant ainsi l'argumentation qui conduit cette œuvre à revêtir une dimension dialogique. Notons enfin que pour rendre ses pensées attrayantes, il utilise des figures de styles et de pensées basées sur le paradoxe, ce qui reflète de toutes évidences notre conditions d'homme mortel.

 

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