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La rencontre avec Mme de Warens et ses suites (Les Confessions de Rousseau)

Publié le 22/02/2012

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Ce récit extrait des Rêveries du promeneur solitaire (début de la Dixième Promenade) est à mettre en perspective avec celui des Confessions consacré au même thème : Aujourd'hui, jour de Pâques fleuries, il y a précisément cinquante ans de ma première connaissance avec Mme de Warens. Elle avait vingt-huit ans alors, étant née avec le siècle. Je n'en avais pas encore dix-sept et mon tempérament naissant, mais que j'ignorais encore, donnait une nouvelle chaleur à un coeur naturellement plein de vie. S'il n'était pas étonnant qu'elle conçût de la bienveillance pour un jeune homme vif, mais doux et modeste, d'une figure assez agréable, il l'était encore moins qu'une femme charmante, pleine d'esprit et de grâce, m'inspirât avec la reconnaissance des sentiments plus tendres que je n'en distinguais pas. Mais ce qui est moins ordinaire est que ce premier moment décida de moi pour toute ma vie, et produisit par un enchaînement inévitable le destin du reste de mes jours. Mon âme dont mes organes n'avaient pas développé les plus précieuses facultés n'avait encore aucune forme déterminée. Elle attendait dans une sorte d'impatience le moment qui devait la lui donner, et ce moment accéléré par cette rencontre ne vint pourtant pas sitôt, et dans la simplicité de moeurs que l'éducation m'avait donnée je vis longtemps prolonger pour moi cet état délicieux mais rapide où l'amour et l'innocence habitent le même coeur. Elle m'avait éloigné. Tout me rappelait à elle, il y fallut revenir. Ce retour fixa ma destinée, et longtemps encore avant de la posséder je ne vivais plus qu'en elle et pour elle. Ah ! si j'avais suffi à son coeur comme elle suffisait au mien! Quels paisibles et délicieux jours nous eussions coulés ensemble! Nous en avons passé de tels, mais qu'ils ont été courts et rapides, et quel destin les a suivis! Il n'y a pas un jour où je ne me rappelle avec joie et attendrissement cet unique et court temps de ma vie où je fus moi pleinement, sans mélange et sans obstacle, et où je puis véritablement dire avoir vécu.

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