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Le roman dans la littérature américaine

Publié le 23/10/2011

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C'est, da ns une certaine mesure, un peu la même esthétique et la même impression que reflète l 'oeuvre de F. Scott FITZGERALD (1896- 1940), encore que ses premiers romans (L'Envers du Paradis, 1920; Gatsby le Magnifique, 1925) se situent dans l'Amérique de la prohibition et des arrivistes. En ce sens, son art est celui d'un chroniqueur, mais quand la chronique est celle de l' « âge du Jazz «, elle ne peut être que celle de l 'instantané et de l 'éphémère. Ses héros sont occupés à vivre passionnément ces moments éperdus de splendeur où déjà ils se sentent sombrer : le désespoir, chez Fitzgerald, comme chez Hemingway, procède d'un sentiment de distance irréparable avec le monde, mais la source n'en est plus dans la réalité physique, mais dans le temps qui passe.

« The Prairie, 1827; The Path{inder, 1840; The Deerslayer, 1841).

Ces cinq volumes constituent l'épopée de la « frontière » américaine.

Cette « frontière », - la Prairie -, ce sont les terres vierges qui jusqu 'à la fin du x1x • siècle semblent inépuisables, à la fois Terre promise et Para­ dis perdu, l'image de la civilisation pastorale idyllique par opposition à l'univers urbain : opposition jamais résolue, car plus les Etats­ Unis se civilisent , se centralisent, plus le my­ the recule et se charge d'ambiguités - non seulement l'ambiguïté d'une « nation colo­ niale » qui appartient à la fois à l'ancien et au nouveau continent , mais ambigulté qui se retrouve aussi dans le conflit de l'Indien et du trappeur, du sauvage et du civilisé, pré­ figurant celui du Noir et du Blanc et concré­ tisant enfin celui du manichéisme puritain, de la grâce ct de la damnation .

Avec Cooper, le mythe de la « frontière » obsède désormais la littérature ct la conscience américaines.

L'âge du • romance ,.

Cette mythologie porte pourtant la marque de son t~mps.

L'idée d'une innocence liée au « bon sauvage » et à la présence de l'homme seul face à la nature vient tout droit du ro­ mantisme qui commence alors à se répandre en Amérique.

Mais du même coup, ce roman­ tisme, substituant au réalisme du roman clas­ sique les constructions de l'imagination, per­ mettait à Cooper d'innover de façon décisive .

Les Etats-Unis étant un pays sans « classes », il fallait que la nature même du roman chan­ geât pour que naquît le roman américain; il fallait que de réaliste, .

il devînt romanesque, que de « novel » , il se fît « romance » : moins soucieux alors de vraisemblance, il s'intéresse moins aux caractères qu'à l'action, toujours vive, volontiers surnaturelle et chargée d 'une va­ leur symbolique.

La preuve décisive de l'importance du chan­ gement en fut au moins l'élargissement, si­ non l'éclatement, des cultures provinciales.

Il fallut en effet les convulsions de la Guerre ci­ vile pour que l'Amérique prît conscience de son unité.

Jusque-là, elle se considéra davantage comme un agrégat d'Etats autonomes, aux tem­ péraments distincts, comme devaient bien l'il­ lustrer Hawthorne et Poe, l'un pour le Massa­ chussets, l'autre pour la Virginie .

L'œuvre de Nathaniel HAWTHORNE (1804-1864) est en effet le produit parfait de la conscience puritaine de la Nouvelle Angleterre, dominée par le sens du péché, et de l'incommunicabilité entre l'homme et Dieu.

De cette conscience, il fait l'archéologie dans La Lettre Ecarlate (1850) , ou en étudie la réfraction à travers des générations succes­ sives dans La Maison aux Sept Pignons (1851), ou encore d'une civilisation à une autre, dans Le Faune de Marbre (1860).

Quant à E.

A.

PoE (1809-1849), c'est son art aristocratique et es­ thétique, d'inspiration européenne , répugnant au réalisme social 1 qui dénote en lui le Virginien, le brillant emant de Richmond.

C'est aussi, dans les thèmes de Ill orella ou de Ligeia par exemple , la hantise névrotique de quelque crime de famille, de quelque geste monstrueux, l'oh­ session de l'inceste ou de l'impuissance.

Et pourtant, malgré leurs particularités, les deux écrivains se rejoignent par leur goO.t de la sug­ gestion, de l'amhigu'ité, d'un art à mi-chemin du symbole et de l' allégorie.

Dans leurs con­ frontations d'individus solitaires face à des mondes inexplorés, ils dépassent, en fait, lar­ gement toute représentation d'un réel géogra­ phique pour celle d' une odyssée des âmes.

En ce sens, ils sont infiniment plus représentatifs du roman américain qu'une Harriet Beecher STOWE (1811-1896 ) dont la Case de l'Oncle Tom (1852) , illustrant avec bonne conscience les thè­ ses anti-esclavagistes du Nord, marque une ré­ gression vers un provincialisme agressif.

C'est avec Herman MELVILLE (1819-1891) que devaient se résoudre toutes les contradictions et que le « romance » allait atteindre son ex­ pression exemplaire.

Inutile de dire que le génie de Melville ne devait pas être immédiatement reconnu de ses compatriotes, que son apprentis­ sage fut long et qu'il dut, pour survivre à son nom , à la fin de sa carrière, composer avec ses aspirations.

Aussi son œuvre se divise-t-elle en trois groupes principaux : le premier, où le jeune artiste cherche sa voie en retranscrivant ou en remodelant ses souvenirs d'expériences maritimes, compte : Typee (1846); Omoo (1847); Redburn (1849) et White Jacket (1850); dans le dernier groupe figurent de brefs ro­ mans écrits entre 1853 et 1856 (The Piazza, Bartleby, Benito Cereno, The Encantadas, Is­ rael Potier , etc.) : dans ceux-ci, Melville reste fidèle à ses obsessions, mais les déguise, les rend en quelque sorte plus aimables , plus ac­ ceptables pour le public.

Au centre de cette œuvre, trois livres essentiels : Mardi (1849), Moby Dic.k (1851) et Pierre (1852).

Mardi, écrit pendant les années d'apprentissage littéraire, n 'eut aucun succès à l'époque , car il se diffé­ renciait des premiers ouvrages : ce n' est plus en effet un simple roman d'aventures, mais l'exploration mentale de régions fantastiques.

L'imagination de Melville, enrichie par de nom­ breuses lectures, verse son trop-plein d'images et d'allégories, dans un style déclamatoire, coupé de dissertations confuses : c'est une rhé­ torique nouvelle qui est en train maintenant de s'élaborer.

Cette rhétorique trouva à s'or­ donner dans Moby Dick.

Sans doute Moby Dick laisse-t-il sa part, essentielle, au surnaturel et au symbolique.

Mais beaucoup plus que dans Mardi, ceux-ci se fondent sur une large docu­ mentation technique concernant la mer et la pêche des baleines qui permet à l'histoire de se développer sur un plan parfaitement littéral, comme le ferait n'importe quelle narration réa­ liste.

En fait , c'est cet arrière-plan qui peu à peu se déforme sous nos yeux, se charge de si­ gnifications prémonitoires, et participe du rêve maléfique du capitaine Achab, lancé à la pour­ suite de la haleine blanche, Moby Dick, dans une fureur destructrice.

L'Océan, remplaçant ici la Prairie de Cooper, devient alors la scène de la volonté d'insoumission totale de l'homme à son Dieu caché.

D'un coup , Melville élar­ gissait à des dimensions cosmiques les han-. »

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