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Une société est-elle possible sans la puissance de la rhétorique ?

Publié le 03/01/2006

Extrait du document

Et le menuisier ? N'as-tu pas dit tout à l'heure qu'il ne faisait point la Forme (eidos), ou, d'après nous, ce qui est le lit, mais un lit particulier ? Je l'ai dit en effet. Or donc, s'il ne fait point ce qui est, il ne fait point l'objet réel, mais un objet qui ressemble à ce dernier, sans en avoir la réalité [...] Maintenant, considère ce point : lequel de ces deux buts se propose la peinture relativement à chaque objet : est-ce de représenter ce qui est tel qu'il est, ou ce qui paraît, tel qu'il paraît ? Est-elle l'imitation de l'apparence ou de la réalité ? De l'apparence. L'imitation est donc loin du vrai, et si elle façonne tous les objets, c'est, semble-t-il, parce qu'elle ne touche qu'à une petite partie de chacun, laquelle n'est d'ailleurs qu'un simulacre (eidôlon)... Lorsque quelqu'un vient nous annoncer qu'il a trouvé un homme instruit de tous les métiers, qui connaît tout ce que chacun connaît dans sa partie [...], il faut lui répondre qu'il est un naïf, et qu'apparemment il a rencontré un charlatan et un imitateur.

Analyse du sujet :

 

Notre sujet a la forme d'une interrogation totale : elle appelle soit une réponse affirmative « oui, une société est possible sans la puissance de la rhétorique « ; soit une réponse négative : « non, une société est impossible sans la puissance de la rhétorique «. Autrement dit on se demande si la puissance de la rhétorique est une condition nécessaire ou non à la société. Pour répondre à cette question, attardons-nous sur les notions qui composent notre sujet : société, possible/possibilité, puissance, rhétorique.

 

Société

 

La société dans son sens primitif renvoie aux relations qu'entretiennent les hommes entre eux. Elle est quasi synonyme de relations sociales. Notons aussi qu'on parle de société animale. Nous y reviendrons lors du développement. On peut dégager quatre grands sens du terme société : 1° Au sens large, la société c'est l'ensemble d'individus  entre lesquels il y a des rapports organisés et des services réciproques : on peut penser à une société de chasse, plus précisément de chasseurs par exemple. A partir de cet exemple dégageons les traits généraux caractérisant une société : Tous les chasseurs de cette société tendent à un même but – pouvoir chasser comme bon leur semble, pouvoir échanger sur la chasse. Retenons ainsi que les sociétaires (les individus appartenant à la société) partagent les mêmes buts et les mêmes intérêts. 2° Dans un sens plus restreint, c'est l'ensemble d'individus dont les rapports  sont consolidés en institutions qui sont eux mêmes garantis par la menace de la sanction. Ici la question de la norme est prépondérante. 3° La société c'est aussi le groupe humain conçu comme une réalité distincte, distincte de l'Etat par exemple. 4° Sens plus politique : association contractuelle créée par un acte de volonté réfléchie. Cf théories contractualistes de ROUSSEAU ou de HOBBES.

 

Possible / Possibilités

 

  • Qui remplit les conditions nécessaires pour être, exister, se produire sans que cela implique une réalisation effective ou que l'on sache si cette réalisation a été, est ou sera effective
  • Qui peut être, exister, se produire; faisable, réalisable
  • Que l'on peut faire, exécuter, réaliser; faisable, qui est admissible, concevable
  • Expression : « faire son possible « - « je ferai mon possible pour ne pas pleurer devant les enfants «

 

Puissance

 

  • Faculté de produire un effet, capacité; la force ou le caractère qui en résulte.
  • Capacité, pouvoir (de faire, de devenir quelque chose)
  • Pouvoir d'exercer de l'influence, d'imposer son autorité (sur quelqu'un, quelque chose)

 

Rhétorique

 

  • Technique du discours; ensemble de règles, de procédés constituant l'art de bien parler, de l'éloquence.
  • Ensemble des moyens d'expression, des procédés stylistiques propres à une personne ou à un groupe de personnes
  • Ensemble de procédés d'éloquence apprêtés, déclamatoires et pompeux.
  • Art de persuader – qui se distingue de l'art de convaincre

 

Problématisation :

 

Une société est-elle possible sans la puissance de la rhétorique ? En cette période de campagne électorale et quand on voit l'importance des conseillers en communication de nos politiques, il semble impossible de répondre non à cette question. Cependant si la rhétorique est l'art de persuader par tous les moyens, cela signifie-t-il que notre société ne peut faire l'économie d'un usage falsificateur du langage ? La société se base, se fonde-t-elle sur non pas un franc parler mais un « faux-parler « ? Si une société n'est pas possible sans la rhétorique, cela reviendrait à dire qu'une société ne peut faire l'économie de la flatterie, du mensonge. Mais la rhétorique n'est-elle que cela ? Ne peut-on pas imaginer une autre forme de rhétorique plus fiable, plus rhétorique qui irait dans le sens d'une société du parler vrai, du véritable échange ? Une rhétorique qui viserait moins à la persuasion qu'à la conviction ? Dans quelle mesure une société ne peut-elle faire l'économie de rhétorique ?

« qu'une société ne peut faire l'économie de la flatterie, du mensonge.

Mais la rhétorique n'est-elle que cela ? Nepeut-on pas imaginer une autre forme de rhétorique plus fiable, plus rhétorique qui irait dans le sens d'une sociétédu parler vrai, du véritable échange ? Une rhétorique qui viserait moins à la persuasion qu'à la conviction ? Dansquelle mesure une société ne peut-elle faire l'économie de rhétorique ? Plan I.

La rhétorique art suprême et nécessaire à la sociétéII.

La rhétorique : art à bannir de la société dès lors qu'elle est falsificatrice et pure flatterieIII.

Une réhabilitation possible de la rhétorique comme art de la conviction, comme art du parler vrai – en ce senselle serait essentielle et nécessaire à la communication à l'intérieur de la société.

La rhétorique art suprême et nécessaire à la société 1.

Définition de la rhétorique PLATON, Gorgias « La rhétorique, dit Gorgias, est la science des discours.

— De quels discours ? demande Socrate.

Est-ce desdiscours relatifs à la médecine, à la gymnastique et aux autres arts ? — Non, mais de ceux qui ne serapportent point au travail des mains et qui ont uniquement pour fin la persuasion.

— Mais toutes lessciences, dit Socrate, veulent persuader quelque chose.

Quel est le genre de persuasion que produit larhétorique ? — Celle qui se produit dans les tribunaux et les assemblées et qui a pour objet le juste etl'injuste.

— Mais, dit Socrate, il y a deux sortes de persuasion, celle qui produit la croyance sans la science,et celle qui produit la science.

Quelle est celle qui est propre à la rhétorique ? — C'est la première, et elleassure aux orateurs une telle supériorité que, même dans les matières où les spécialistes sont seuls vraimentcompétents, ils l'emportent sur eux et font adopter les mesures qu'ils préconisent.

Cependant ce n'est pasune raison pour que les orateurs se substituent aux savants dans les autres arts.

Et s'il y a des orateurs quiabusent de leur puissance pour enfreindre la justice, ce n'est pas une raison non plus de s'en prendre auxmaîtres de rhétorique.

» 2.

Puissance de la rhétorique PLATON, Gorgias Gorgias à Socrate :« Que dirais-tu si tu savais tout, si tu savais qu'elle embrasse en elle-même pour ainsi dire toutes lespuissances.

Je vais t'en donner une preuve frappante.

J'ai souvent accompagné mon frère et d'autresmédecins chez quelqu'un de leurs malades qui refusait de boire une potion ou de se laisser amputer oucautériser par le médecin.

Or tandis que celui-ci n'arrivait pas à les persuader, je l'ai fait, moi, sans autre artque la rhétorique.

Qu'un orateur et un médecin se rendent dans la ville que tu voudras, s'il faut discuter dansl'assemblée du peuple ou dans quelque autre réunion pour décider lequel des deux doit être élu commemédecin, j'affirme que le médecin ne comptera pour rien et que l'orateur sera préféré, s'il le veut.

Et quel quesoit l'artisan avec lequel il sera en concurrence, l'orateur se fera choisir préférablement à tout autre ; car iln'est pas de sujet sur lequel l'homme habile à parler ne parle devant la foule d'une manière plus persuasiveque n'importe quel artisan.

Telle est la puissance de la rhétorique.

» Si l'on en croit Gorgias mais aussi tous les sophistes, la rhétorique est puissante et essentielle en société.Elle permet d'être tout puissant car elle mime toutes les puissances.

Il semble donc qu'on ne puisse en fairel'économie.

Cependant ce caractère mimétique de la rhétorique qui est l'art de faire des beaux discoursn'est-il pas dupperie, superficialité, « paroles et paroles » mais au fond rien du tout ? La rhétorique loin d'êtrenécessaire à la société n'est-elle pas corruptrice de cette dernière ? La rhétorique : art à bannir de la société dès lors qu'elle est falsificatrice et pure flatterie 1.

Critique du rhéteur en tant que sophiste polymathe et polytechnicien PLATON, RépubliqueSocrate :« Cet artisan je parle n'est pas seulement capable de faire toutes sortes de meubles, mais il produit encoretout ce qui pousse de la terre [...], tout ce qu'il y a dans le ciel, et tout ce qu'il y a sous la terre, dansl'Hadès.

Voilà un sophiste tout à fait merveilleux ! [...] Si tu veux prendre un miroir et le présenter de touscôtés tu feras vite le soleil et les astres du ciel, la terre, toi-même, et tous les êtres vivants, et les meubles,. »

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