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Toutes les inégalités sont-elles des injustices ?

Publié le 18/02/2004

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La réponse à cette question constitue sans doute l'un des choix politiques essentiels d'une société. Le débat concernant les limites de l'intervention de l'État dans l'économie ne peut être tranché ni a priori ni une fois pour toutes. Il semble toutefois communément admis que la loi du marché ne peut pas s'étendre à toute la vie sociale, car elle concerne une sphère particulière de l'activité humaine, celle dans laquelle les hommes sont libres de travailler à satisfaire exclusivement leurs désirs individuels, alors que les décisions politiques relèvent de la collectivité. Celle-ci ne peut pas reposer exclusivement sur les échanges économiques.Mais le marché n'entre pas pour autant en opposition avec l'intérêt général. Certains des biens auxquels tout un chacun doit avoir accès, comme les médicaments, sont produits en grande partie grâce à lui. C'est pourquoi une vision unilatérale qui diaboliserait soit l'État, soit le marché, ne semble guère compatible avec le double idéal de nos sociétés : assurer le bien vivre des individus et le vivre bien des citoyens. L'égalité est l'oeuvre de la raisonC'est en vue d'avantages communs que les hommes se sont réunis en société. Nulle société humaine n'est concevable sans lois. Les progrès de la raison ont permis de définir l'égalité comme étant le seul fondement possible du droit et de la justice.

Puisque l'égalité est le fondement rationnel de la justice, on est obligé d'admettre que toute inégalité est injuste. Les hommes sont tous égaux devant la loi. Mais, revendiquer une égalité absolue entre les êtres conduit à l'injustice. Il n'est pas vrai que tous les hommes se valent. La justice consiste à reconnaître cette évidence.

« Il y a des inégalités naturellesRousseau, qui pourtant défend l'égalité parmi les hommes comme principe politique absolu, ne nie pas qu'il existe desinégalités naturelles: la différence d'âge, la santé, la force du corps, les capacités intellectuelles...

Ces inégalités nesont injustes que dans la mesure où elles concernent l'homme.

L'ordre naturel, quant à lui, n'est ni juste ni injuste.Dire qu'il est injuste que mon voisin soit plus grand que moi est une ineptie. " [...] il est aisé de voir qu'entre les différences qui distinguent les hommes,plusieurs passent pour naturelles qui sont uniquement l'ouvrage de l'habitudeet des divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société.Ainsi un tempérament robuste ou délicat, la force ou la faiblesse qui endépend, viennent souvent plus de la manière dure ou efféminée dont on a étéélevé, que de la constitution primitive des corps.

Il en est de même desforces de l'esprit, et non seulement l'éducation met de la différence entre lesesprits cultivés et ceux qui ne le sont pas, mais elle augmente celle qui setrouve entre les premiers à proportion de la culture ; car qu'un géant et unnain marchent sur la même route, chaque pas qu'ils feront l'un et l'autredonnera un nouvel avantage au géant.

Or, si l'on compare la diversitéprodigieuse d'éducations et de genres de vie qui règnent dans les différentsordres de l'état civil avec la simplicité et l'uniformité de la vie animale etsauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la mêmemanière et font exactement les mêmes choses, on comprendra combien ladifférence d'homme à homme doit être moindre dans l'état de nature que danscelui de société, et combien l'inégalité naturelle doit augmenter dans l'espècehumaine par l'inégalité d'institution.

"Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes(1754) Ce a quoi le texte s'oppose Rousseau conteste, dans cet extrait du Discours sur l'origine de l'inégalité, le préjugé selon lequel la nature estinégalitaire et instaure des différences de constitution entre les hommes, aussi bien sur le plan physiquequ'intellectuel.L'opinion commune affirme, en effet, que la nature a fait les uns plus robustes, les autres plus fragiles, les uns moinsintelligents, les autres plus rusés, etc.

Les sophistes grecs de l'Antiquité s'appuyaient d'ailleurs sur ces différencesnaturelles pour poser que seuls les plus forts doivent commander aux plus faibles.

Ainsi, pour eux, l'inégalité desdroits civils devait trouver sa justification dans l'inégalité que la nature avait instituée entre les hommes.

Dans ledialogue qu'il a intitulé Gorgias, Platon nous présente même le sophiste Calliclès soutenant, face à Socrate, la thèsesuivante : la véritable justiceest celle qui respecte les inégalités naturelles ; il est donc juste que les plus forts dominent les plus faibles etdeviennent les chefs dans une cité puisqu'ils sont, par nature, les plus forts.Rousseau s'oppose totalement à cette idée et inverse la perspective précédente : l'inégalité civile ne peut être,selon lui, légitimée par une prétendue inégalité naturelle puisque, dans l'état de nature, « l'uniformité de la vieanimale et sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même façon et font exactement lesmêmes choses », rend minimes les différences d'homme à homme.L'auteur déduit de cette constatation la loi selon laquelle l'inégalité naturelle augmente, dans l'espèce humaine, enproportion de l'inégalité d'institution, c'est-à-dire à mesure que les différences culturelles augmentent entre leshommes.

Ce que défend ce texte: Ce n'est donc pas la nature qui produit de l'inégalité, mais bien la culture.

En civilisant les hommes, la société créede l'inégalité et, souvent, des différences qui passent pour naturelles « sont uniquement l'ouvrage de l'habitude etdes divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société ».Par cette affirmation, Rousseau accorde à l'éducation toute son importance, en montrant qu'elle n'influence pasuniquement l'épanouissement des esprits, mais aussi des corps.

Un corps robuste ou délicat l'est moins en raison desa constitution naturelle, donnée une fois pour toutes, qu'en fonction de la manière, dure ou délicate, selon laquelleil a été élevé.L'argumentation de Rousseau s'appuie ici sur le caractère le plus manifeste de la culture, à savoir l'extrême variétéde ses manifestations, des comportements et des manières de vivre que les différentes sociétés humaines nousdonnent à voir.. »

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