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FANTASMES ET ÉROTISME

Publié le 01/02/2019

Extrait du document

Les arts plastiques donnent, eux, une version apaisée de l’érotisme. De la ferveur sensuelle de L’éternelle idole (1899), de Rodin, à la tendresse iconique du Baiser (1907-1908), de Gustave Klimt, de l’offrande presque innocente du Grand nu couché (1917), de Modigliani, à l’indifférence de [Odalisque à la culotte rouge (1921), de Matis-se, et aux harmonies pulpeuses des nus de Maillol, l’érotisme gagne tous les domaines de l’art (Ombre sur le torse de Lee Miller, 1930, de Man Ray). Dans les années 1930, une certaine agressivité revoit le jour avec La leçon de guitare (1934), de Balthus; puis les univers en suspens de Delvaux (Le musée Spitzner, 1943) laissent sourdre un profond malaise que ne tardent pas à amplifier les anatomies torturées de Dali et de Bacon, jusqu’à la négation totale de toute esthétique dans la crudité des moulages en résine de corps amalgamés (1992, Ray Charles), exposés à la Documenta IX de Kassel.

 

L’érotisme au cinéma

 

L’érotisme a été présent au cinéma dès son apparition. Les auteurs espéraient s’y trouver libérés de la censure. Or, peut-être parce que le cinéma

Dans l’érotisme, selon Georges Bataille w (1897-1962), il y a nécessité d’un esprit “ religieux, chrétien plus précisément, car la notion de péché y est capitale. Pour Bataille, pas d’érotisme sans transgression (sans péché donc).

 

est image et image en mouvement, donc virtuellement plus obscène qu’une scène peinte immobile, la censure y a été plus forte qu’ailleurs.

 

Certes, à la fin du XIXe siècle, la morale exige l’absence de corps nus à l’écran, et la première censure consiste à masquer de noir - ce qui les désigne encore mieux - les images heurtant la morale. Puis, en 1930, on promulgue le Motion Picture Production Code (Code Hays), qui définit strictement ce qu’on peut voir ou non à l’écran. Mais l’érotisme se situe déjà plus dans la suggestion que la crudité. Éminemment plus troublants sont les seuls regards et attitudes des sex-symbols de ces décennies-là: que ce soit les rondeurs corsetées de Marlène Dietrich (L’ange bleu, Sternberg, 1930), le torse plantureux de Mae West (Lady Lou, Sherman, 1932) l’effeuillage... d’un seul avant-bras de Rita Hayworth (Gilda, Vidor, 1946), la danse sans chaussures d’Ava Gardner (La comtesse aux pieds nus, Mankiewicz, 1954), les jambes dévoilées de Marylin Monroe (Sept ans de réflexion, Wilder, 1955) ou de sa vivante parodie, Jayne Mansfield (La blonde et moi, Tashlin, 1956).

 

En Europe, la période semble être coincée entre deux films de Luis Bunuel, L’âge d'or (1930)

Kobal -PPCM Kobal/Cineriz - PPCM

et Viridiana (1961), où l’auteur met en scène un érotisme orgiaque, violente critique sociale et religieuse, et fait fi de prétextes romanesques pour s’exprimer. Entre ces deux pôles, la norme fait peu à peu place à l’audace: c’est Arletty nue dans un baquet d’eau opacifiée par du lait qui ne laisse voir que ses épaules (Les enfants du paradis, Camé, 1944), ou le reflet d’une sortie de bain de Martine Carol, mais vue comme «par hasard », dans une mauvaise orientation du miroir (Caroline chérie, Pottier, 1951). Enfin, Roger Vadim brise l’image de la courtisane énamourée avec le personnage libre et effronté de Brigitte Bardot (Et Dieu créa la femme, 1956).

 

A partir des années 1970, la libération sexuelle ôte au cinéma érotique son aspect subversif : apparaît alors le cinéma pornographique, qui s’attache à montrer, sans autre but que lui-même, l’acte sexuel. Dès lors, l’érotisme, devenu ponctuel, est présent, à des degrés divers, dans tous types de films. Heureusement, à côté des productions indigentes (Emmanuelle, 1974) l’érotisme, à l’occasion violent ou dérangeant, est encore à l’origine de films cultes: Lolita (Kubrick, 1962), Le dernier tango à Paris (Bertolucci, 1972), L'empire des sens (Oshima, 1975)...

« Fantasmes et érotisme "­ Estampe de ......

Harunobu Suzuk/ (172�1770).

SI célèbre qu'li en est devenu synonyme, l'érotisme des estampes japonaises, ou • shunga •, n'est en fait qu'une partie de cet art.

NI vu/ga/re, ni pornographique, la franchise sans détours de ces Images fait suite à la libéralisation des mœurs, advenue au Japon à la fln du XVII' siècle.

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�� ---------- ---- � ---- � était une occupation capitale des mécènes de ces poètes, qui apartenaient aux classes sociales aisées.

La discrétion médiévale Le Moyen Âge occidental, dominé par une mora­ le religieuse coercitive, fait peu de place à l'évo­ cation de l'amour.

Et les figurations de femmes aux seins dévorés par les serpents aux tympans d� églises ou la sinuosité évocatrice du corps de l'Eve de Gislebert (cathédrale d'Autun, portail nord, v.

1140) ne sont que de sévères mises en garde.

En littérature, il faut attendre le XIV" siècle et les passages licencieux du Décaméron (1348-1355) de Boccace (1313-1375) pour que soient évoqués clairement les plaisirs de la chair.

Puis, à la charnière du Moyen Age et de la Renaissance, on voit apparaître un érotisme dis­ cret mais éloquent: Mars et Vénus enlacés sous un drap au palais Schifanoia de Ferrare (Frances­ co del Cossa, 1436-1478), ou le globe parfait du sein nu d'Agnès Sorel, dans son incarnation de la Vierge à l'Enfant (v.

1452), par Jean Fouquet.

Dans une tout autre sphère culturelle, il faut citer le Kama Sutra, recueil composé vers 500, enseignant les voies de l'accomplissement de toute vie humaine à travers l'activité amoureuse, religieuse et laborieuse.

Au XIn• siècle, à l'instar du Cantique des cantiques, la Gita-Govinda, qui raconte les amours de Krishna (ou Govinda) avec Radha, est un conte érotico-mystique, où l'attirance entre Radha et Krishna symbolise l'âme humaine aspirant à la lumière divine.

Sensualité de la Renaissance À partir de la fin du XV" siècle, la sensualité et l'anatomie humaine sont au cœur des recherches intellectuelles et artistiques de la Renaissance.

À l'origine, c'est uniquement un «désir d'Antiqui­ té".

Puis, les Hercules musculeux des premières œuvres du Quattrocento s'effacent soudain devant l'évanescence des nymphes de Botticelli.

Ce n'est qu'au xvi• siècle que le corps féminin redevient pour plusieurs siècles le catalyseur du désir: opulente et offerte en Italie (Jupiter et Jo, 1530, du Corrège; Vénus d'Urbin, 1538, de Titien), la femme affiche, plus au nord, un érotisme déli­ cat -imaginatif au Jardin des délices (v.

1510-1516), de Jérôme Bosch, subtil dans l'Ève (152�), de Cranach, ou les Baigneuses (v.

1665), de l'Ecole de Fontainebleau -avant de se retrou­ ver plantureuse sous les traits des Trois Grâces (1636-1638), de Rubens, de la Vénus Rokeby (1648), de Velâzquez, ou de La fiancée juive Glenn Close � Interprétant la marquise de Merteu/ dans les Ualsons dangereuses, de Stephen Frears (1988).

Le film restitue l'ambiance cruelle et libertine du roman.

L'ouvrage fit de son auteur un écrivain licencieux : alors que lui y faisait profession de moraliste.

L'œuvre de Sade T (1740-1814; /cl Imaginé par Man Ray) synthétise l'esprit de son époque.

Il choqua plus par la légitimité que l'écriture donna à ses fantasmes, que par le fait qu'li ait pu en avoir de si pervers.

(1666), de Rembrandt.

L'humanisme ambiant, l'avancée éclatante de la laïcité n'excluent pas un retour ponctuel à l'érotisme mystique des pre­ miers âges, comme en témoigne L'extase de sainte Thérèse (1645-1652, Santa Maria della Vittoria, Rome), du Bernin.

La liberté individuelle que véhicule la Renais­ sance et le faste que les cours princières dévelop- pent amènent la littérature érotique à afficher un net penchant égrillard, comme l'illustrent les Ragionamenti (1534) de l'Arétin (1492-1556) - poète des cours romaines, qui disserte sur la nature licencieuse de toute femme, qu'elle soit nonne, épouse, courtisane ou entremetteuse -, ou Pierre de Brantôme (v.

1540-1614), qui, dans sa Vie des dames galantes (v.

1600), se fait le conteur salace des mœurs légères, très légères, des femmes célèbres de son siècle.

Érotisme et libertinage Si les références sont rares pour les xvi• et xvne siècles, c'est que la littérature érotique se prépare alors à vivre son grand siècle, le xvm•.

La caractéristique de cette production est que, si elle est volontairement érotique, ses romans revendiquent aussi une dimension sociale et se posent comme les piliers d'une vigilance critique.

C'est tout d'abord Diderot avec Les bijoux indiscrets et Thérèse philosophe (1748): confidences de bijoux féminins sur les déprava­ tions de leurs maîtresses et épopée de débauche d'une orpheline toulonnaise.

Ces deux œuvres, sous des dehors largement licencieux, donnent à leur auteur l'occasion de stigmatiser les mœurs de son siècle, et de professer le droit au plaisir et à l'athéisme.

Par la suite, alors que chez Crébillon fils (Le hasard au coin du feu, 1763), la mise en scène de complots amoureux ne sert qu'à la description sans jugement moral de la société d'Ancien Régi­ me, avec Choderlos de Laclos (Les liaisons dan­ gereuses, 1782), la condamnation est sévère et sans appel pour l'aristocratie française dépravée.

De leur côté, Restif de la Bretonne (1734-1806) avec Le paysan perverti (1775) et le marquis de Sade (Justine ou les malheurs de la vertu, 1791; La philosophie dans le boudoir, 1795; Juliette ou les prospérités du vice, 1797) s'en tiennent à une narration à la portée clairement romanesque, et donnent une version subversi ve du roman d'apprentissage.

Leurs épopées vicieuses, leurs préceptes d'éducation décrivent une société asphyxiée par des siècles d'oisiveté, qui cherche dans le raffinement de nouvelles perversions un dérivatif à son ennui.

C'est le même monde léger et insouciant, voué au plaisir et au libertinage, que montrent les «fêtes galantes>> des peintres. »

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