Qu'apporte au récit l'utilisation de différents narrateurs?
Publié le 05/08/2014
Extrait du document
Une des originalités de ce roman est constituée par le nombre de narrateurs dif¬férents qui s'y succèdent ; on en compte quatre principaux : l'auteur qui ouvre et ferme le récit, Frédéric II, les villageois, et Saucisse. Les intérêts de ce procédé nar¬ratif sont multiples.
I. Différents points de vue entrecroisés
L'auteur
Il raconte toute la première partie jusqu'à l'arrestation de M.V. Puis il introduit le récit de la seconde partie, et enfin il conclut le roman en décrivant la mort de Langlois. Il utilise la première personne du singulier en se situant en 1946 et il enquête sur des événements vieux d'un siècle :
(Un roi sans divertissement (1947) de Jean Giono.)
«
168
de Langlois.
Elle s'exprime avec son franc-parler, souvent de façon véhémente, mais tou
jours pour défendre Langlois
et« l'expliquer» aux villageois:« Taisez-vous donc, cria
Saucisse[ ...
], c'était un homme comme les autres!» (p.
152) Elle raconte, commente et
même analyse les grandes étapes de cette dernière période : la visite à la brodeuse, la fête
à Saint-Baudille,
les projets de Langlois, le voyage à Grenoble, Delphine, la vie au« bon
galove
».
Elle fait même « parler » Langlois, se projetant dans sa pensée désabusée lors
de la fête
à Saint-Baudille (pp.
207-209).
Son expérience de la vie lui permet une com
préhension des caractères plus fine que les villageois.
Il.
Un récit plus vivant et plus vrai
L'implication du narrateur et du lecteur
Dans ce récit tous les narrateurs sont impliqués, même l'auteur, quand il raconte,
utilise le pronom indéfini
« on », malgré le siècle qui le sépare des événements, ce
qu'il justifie p.
35 : « Je dis« on», naturellement je n'y étais pas puisque tout ça se
passait en 1843 mais
j'ai tellement dû interroger et m'y mettre pour avoir un peu du
fin mot que
j'ai fini par faire partie de la chose».
De plus il s'adresse fréquemment
au lecteur qui est
à son tour impliqué dans l'action.
Mais il n'est pas le seul des nar
rateurs à dialoguer avec le lecteur, Frédéric II le fait parfois; les villageois souvent,
durant la battue au loup.
Les dialogues
L'importance des dialogues confère plus de vie au récit et de présence aux per
sonnages.
Langlois, par exemple, qui n'est jamais narrateur, est très présent dans les
dialogues : avec
Saucisse surtout, et parfois Mme Tim, mais aussi avec les villageois,
Martoune, Anselmie, le prêtre
...
Cela donne un peu plus d'épaisseur psychologique
à ce personnage par ailleurs très mystérieux, comme dans cette réplique sibylline qui
bouleverse Saucisse par son effet d'annonce :
« -L'homme dit que la vie est extrê
mement courte, dit Langlois.
»(p.
223)
Les niveaux de langue
Chaque personnage s'exprime avec son niveau de langue; la plus représentative
étant
Saucisse dont la trivialité est fréquente.
D'ailleurs, une expression familière
revient comme un refrain dans sa bouche :
« Tu peux courir! », qui exprime sa lucidité
amère sur
« la marche du monde ».
Les plus étonnants sont les vieillards qui passent
d'un registre courant, ou même familier, à un registre soutenu, très imagé, difficilement
crédible dans leur bouche, ainsi dans le portrait qu'ils font de
Saucisse (p.
145).
La vérité de la chronique
Ces différentes caractéristiques contribuent à avérer le genre de la chronique,
basée sur la réalité, contrairement au roman qui repose sur la fiction.
L'effacement
du
narrateur omniscient au profit de narrateurs internes, dont la compréhension est limi
tée et subjective, donne au récit la vérité
d'un témoignage; de même pour les voix
narratives rendues dans leurs particularités de langage.
L'auteur enquête
et il donne la
parole librement aux témoins, qui ne peuvent tout expliquer : ainsi est préservé le
mystère de la nature humaine.
Le lecteur doit se forger sa propre opinion.
»
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