L’émotion est nègre, comme la raison hellène de Senghor

SENGHOR: « Face à la nécessité d’adaptation à un milieu tout différent, d’un tout autre genre d’activité, savoir l’industrialisation par la science et la technique, l’“âme nègre” ne devrait-elle pas, conformément au processus précédent, se transformer spontanément pour s’adapter, par interaction seulement, aux exigences du nouveau milieu? Or Senghor n’envisage même pas une telle possibilité. Le nègre, selon lui, serait aujourd’hui victime d’une véritable fatalité biologique. »

« Nous ne pouvons que constater la coïncidence presque terme à terme entre le racisme colonial et la trame de ce que Senghor appelle “négritude”. Ici et là sont affirmées l’irrationalité congénitale et irrémédiable du nègre, son instinctivité, sa sensualité, son émotivité; ici et là, on déduit, de cette commode psychologie, la légitimité, la nécessité de sa subordination. »

«C’est dire que le nègre n’est pas dénué de raison, comme on a voulu me le faire dire. Mais sa raison n’est pas discursive; elle est synthétique. Elle n’est pas antagoniste; elle est sympathique. C’est un autre mode de connaissance. La raison nègre n’appauvrit pas les choses, elle ne les module pas en schémas rigides, éliminant les sucs et les sèves; elle se coule dans les artères des choses, elle en éprouve tous les contours pour se loger au cœur vivant du réel. La raison européenne est analytique par utilisation, la raison nègre, intuitive par participation. »