Je suis persuadé qu'on est toujours très bien peint quand on s'est peint soi-même, quand même le portrait ne ressemblerait point.
Publié le 19/10/2013
Extrait du document
L'autobiographe bénéficie d'une connaissance de soi plus intime (« Moi seul, je sens mon coeur « p.43) que celle d'un biographe extérieur. Seul Rousseau adulte est capable de se rappeler les « marques d'inquiétude et de peine « (p.52) visibles sur le visage de Mademoiselle Lambercier ou d'expliquer, par l'innocence ...
«
Il -UN PLAIDOYER
L'ambiguïté du proJd
En confessant bien au-delà de ce que le lecteur pourrait connaître, en présentant
ses fautes d'enfant comme
de véritables crimes, Rousseau désarme la critique.
Tl sait
mettre le lecteur de son côté en avouant« avoir une fois pissé dans la marmite d'une
de [ses] voisines » (p.48).
En revanche, l'abandon de Monsieur Le Maître à Lyon,
présenté comme le « troisième aveu pénible » (p.166) justifiant la rédaction des
Confessions, est raconté en une dizaine de lignes.
A cette brève énonciation succède
un peu plus loin l'explication: amoureux
de Madame de Warens, Jean-Jacques était
pressé de la rejoindre.
Réalité ou moyen
de se disculper ? Au Livre IV Rousseau
revient sur l'abandon et souligne que sa présence aurait constitué une charge sup
plémentaire pour Monsieur
Le Maître.
Il ne reste plus au lecteur, unique dépositaire
de cette confession, qu'à absoudre Jean-Jacques.
La mauvaise foi ou la vérité à l'envers
Lorsque l'autobiographe entreprend un bilan complet de sa vie sexuelle, il
montre que la « dépravation » le poussant à souhaiter que toutes les femmes le trai
tent comme Mademoiselle Lambercier l'a mis à l'abri de la débauche.
Rousseau
cesse pourtant
de faire allusion à son masochisme* érogène après l'épisode exhibi
tionniste de Turin : il n'en parle plus dès qu'il raconte ses aventures amoureuses
d'adulte.
N'est-ce pas la preuve
d'un déplacement dans le texte, qui empêche les
pièces
du puzzle de se réunir à leur place, celle de la vérité? En s'efforçant d'être
sincère, I'autobiographe propose
un discours codé.
Ill -l' AUTHENTICITÉ RETROUVÉE
Des ornements indifférents ?
Pour Rousseau, erreur n'est pas mensonge : « S'il m'est arrivé d'employer
quelque ornement indifférent, cc
n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné
par mon défaut de mémoire» (p.44).
Jamais il n'a pensé comme Proust que l'évé
nement omis dissimule une vérité fondamentale.
Le témoignage du style ~-~ ,,, La conformité avec le modèle représenté par Les Confessions naît de la présence d'un style original à l'intérieur de l'œuvre.
L'acte de peindre sert de révélateur à Rousseau.
Il l'annonce dans le Préambule de Neufchâtel : « Mon style inégal et
naturel [
...
] fera lui-même partie de mon histoire.
» La façon de se raconter compte
autant pour lui que le récit.
Le style engage l'artiste et l'homme, révèle et exprime
l'image que Rousseau veut proposer de soi à un lecteur séduit.
La spontanéité et la variété de ce style répondent à la diversité des aventures de
Jean-Jacques.
L'authenticité avec laquelle l'autobiographe produit sa vérité fait des
quatre premiers livres des
Confessions un poème du souvenir.
Le récit d'une vie
structurée comme un roman où chaque livre se clôt par une fuite,
d'une vie faite
d'anecdotes et de liberté, de fragilité et de désirs refoulés
ne permet-il pas aussi à
Rousseau
de réinventer son existence à travers un imaginaire idyllique ?
Conclusion : Le portrait que Rousseau trace de lui-même n'est pas une
copie plus ou moins fidèle, mais la
« trace vivante » de la recherche de soi.
La loi de l'authenticité
admet« que !'écrivain, renonçant à chercher son vrai
moi dans un passé figé, le constitue en écrivant
» (Jean Starobinski)..
»
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