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Gaudi 1852-1926 La seule figure sans doute vraiment importante qu'ait produite l'architecture espagnole vers la fin du XIXe siècle est celle d'Antoni Gaudi.

Publié le 05/04/2015

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Gaudi 1852-1926 La seule figure sans doute vraiment importante qu'ait produite l'architecture espagnole vers la fin du XIXe siècle est celle d'Antoni Gaudi. Il y a chez Gaudi une passion baroque, jamais démentie. Cependant, parmi quelques-unes de ses créations, il existe aussi des traces d'attachement au roman et au gothique. Je veux parler surtout de ses idées sur l'artisan. Elles existaient bien déjà chez Ruskin ainsi que dans le mouvement de l'Art and Crafts. Mais l'oeuvre de Gaudi s'oriente simultanément vers le passé et le futur. Vers le futur par les recherches statiques et formelles ; vers le passé par sa lutte pour le perfectionnement d'un procédé constructif en pierre -- technique déjà dépassée à l'époque -- et pas seulement par un penchant romantique à l'égard de l'attitude de l'artisan. A la faveur des progrès de l'histoire et de l'archéologie, les architectes du XIXe siècle avaient appris dans les académies le répertoire des styles architectoniques. On parcourait les formes en choisissant celles qui servaient le mieux à habiller un thème. Jusqu'au XVIIIe siècle, l'issue naturelle avait été le style néo-classique, mais au XIXe on employait déjà quelques autres styles, anciens ou exotiques, sans que personne ne se posât le problème -- pour nous trop évident -- de la contradiction entre le procédé constructif et l'aspect que devaient prendre les formes internes et externes de ces édifices. Il n'y avait pas -- sauf quelques exceptions honorables -- la préoccupation éthique de faire coïncider une manière de bâtir avec une organisation sociale...
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« rendre maître.

Par le moyen de la Statique, Gaudi s'était persuadé que les arcs paraboliques transmettaient mieux les poussées que les arcs en plein cintre ou en ogive appuyés sur des piliers agissant comme de véritables pieds-droits.

En se rendant capable d'équilibrer la structure sans avoir recours à des arcs-boutants, des contreforts et des pinacles, il supprime ces trois éléments dans les dernières versions du projet de la Sagrada Familia. Je pense qu'il est nécessaire de faire remarquer la profonde originalité qu'il y avait — au début du siècle — à utiliser l'arc parabolique, même en pierre, puisqu'en réalité tous les grands ingénieurs du XIXe siècle avaient employé des structures articulées en petites travées. Le premier à construire un arc parabolique continu, c'est-à-dire sans articulations, fut Freyssinet dans les hangars d'Orly, en 1916, mais il s'agissait déjà là de béton armé. Gaudi était un architecte-né, je veux dire par là qu'il sentait profondément l'espace, base et essence de l'architecte.

Et l'espace dans son double jeu : interne et externe.

Il travaillait la matière un peu comme il était habitué à travailler le métal, en le pliant à sa volonté.

Et avec cette matière, il conformait un espace fantastique et expressionniste.

On le voit dans les cheminées de la maison Milà, qui sont de véritables sculptures abstraites.

Par contre, il échoua dans la sculpture figurative de la Sagrada Familia qu'il réalisa avec des moulages inexpressifs pris sur le vif. Dans l' œ uvre de Gaudi il n'y a pas un seul plafond qui soit plan ; dans ses constructions les formes se persécutent les unes les autres, la masse entière se trouve dynamisée de la base jusqu'au sommet des terrasses.

Rien n'échappe à sa surveillance : ni les matériaux, ni la couleur, ni la texture, ni le plan, ni le symbole, ni le jeu du vide et du plein, ni l'alternance de la lumière et de l'ombre, bref, tous les éléments de ce qui constitue véritablement l'architecture.

Il s'agit de l'expression d'un pathos qui secoue la matière comme un courant électrique.

C'est à cause de cela, précisément, que son ouvrage est romantique : parce que, comme le Baroque chez Borromini, il s'efforce d'exprimer une inquiétude, une tendance vers l'illimité, et cela du fait même qu'il s'agit d'une matière qui aspire à la transcendance en se spiritualisant.

Chez lui, comme chez les gothiques, les maniéristes ou Borromini, il y a un réveil de l'Ars mechanica, de l'art qui s'explicite à travers une technique, par opposition à l'Ars lilberalis, conception humaniste de l'art de la Renaissance. Contemporain du Cubisme, du Néo-plasticisme, du Constructivisme, Gaudi se présente surtout à nous, cependant, comme un expressionniste avant la lettre.

Son ouvrage a quelque chose d'antirationnel, d'antiperspectif qui l'éloigne des conceptions classiques organisées autour d'une idée, d'une hiérarchie de masses et d'espaces que la perspective se charge d'unifier en fonction de l'anthropocentrisme.

Son élan vers l'infini, vers l'expérience totale des arts, le placent, au contraire, dans une lignée irrationnelle, wagnérienne si l'on peut dire, et qui donnera plus tard ses fruits, notamment en Allemagne, ce qui est tout à fait naturel puisqu'il s'agira d'un héritage expressionniste. Si, pour conclure, on voulait caractériser cette étrange figure, on pourrait dire qu'à partir de 1910 il se produit en lui un conflit : il laisse de côté toutes les commandes privées et n'admet. »

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