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abstention. Définition.

Publié le 28/09/2015

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abstention

ABSTENTION, substantif féminin.  

Acte ou attitude d'une personne s'interdisant volontairement d'user de quelque chose ou de faire quelque chose [Avec un complément de nom généralement introduit par la préposition de ou sans complément] .

A.—  Attitude d'une personne s'interdisant la jouissance que pourrait lui procurer une chose, une valeur, une habitude, etc. : 

Ø 1. M. Pavillon, cet homme hautement éclairé jusqu'en ses étroitesses, ne prescrivit pas seulement au prince les jeûnes, les prières, l'abstention du théâtre, d'assister à la messe à genoux (humiliation bien sensible), il ne lui permit pas seulement le cilice et la discipline dont l'apprenti pénitent était avide et qui ne sont que la partie grossière du châtiment : il exigea par degrés les restitutions intelligentes, efficaces, les réparations des rapines, des dévastations et aussi des scandales.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 4, 1859, page 425. 

Ø 2. Tu peux agir davantage, non par intérêt, mais par soumission. Obéir, non à ton goût, mais à la pure notion du bien, est une forme d'héroïsme encore à ton usage. Et sortir de tous les provisoires à la fois, te déterminer, choisir, sera de l'obéissance, une victoire remportée sur toi-même, une offrande faite à Dieu. L'abstention n'est pas tant du renoncement que de la mollesse. Le plus vrai renoncement, c'est le renoncement à ses aises, à ses habitudes, à ses défauts. Il n'y a de méritoire que le sacrifice.

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime,  27 novembre 1866, page 525. 

Ø 3.... utiliser les eaux filtrées et faire abstention de fruits et de légumes crus, mal lavés;...

ÉMILE BRUMPT, Précis de parasitologie,  1910, page 362. 

Ø 4. Anne se penchait parfois légèrement en avant pour l'écouter. Il l'avait fixée dès les premiers moments, d'une avidité enregistreuse et désespérée, s'abreuvant pour toute la promenade à une coupe qu'ensuite on lui eût enlevée. Entre l'abstention et la voracité, un moyen terme viendrait bien, il ne savait comment encore. Cette image de pâleur rosée, précise s'il osait vouloir, lui suffirait dans l'intervalle.

JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 125. 

Remarque : Lorsque l'abstention porte sur des aliments gras dont on se prive pour des motifs religieux de salut (et parfois, par extension, médecine de santé) elle porte le nom d'abstinence *. 

B.—  Refus d'agir ou de participer à une action, d'y intervenir : 

Ø 5. Le catholicisme gallican a toujours été occupé à se débarrasser et à se garantir de quelque chose : c'est ainsi qu'il a rejeté successivement le protestantisme, le jansénisme et le jésuitisme. Mais de cette habitude même de retranchement et d'abstention, il lui était resté un fond de tempérament plutôt janséniste.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 4, 1859, page 225. 

Ø 6. Le problème moral de l'action et de la destinée humaine n'existe pas, disait-on, et le résoudre, à ce qu'il semblait, c'est le supprimer. Mais voilà que, pensant y échapper, on le pose tout entier. On ne peut, car on ne veut pas se dispenser d'être et d'agir; pas plus que l'abstention métaphysique, l'abdication morale n'est possible ni franche.

MAURICE BLONDEL, L'Action, Essai d'une critique de la vie,  1893, page 21. 

Ø 7. Il ne suffit (...) pas que les sentiments soient forts, il faut qu'ils soient précis. En effet, chacun d'eux est relatif à une pratique très définie. Cette pratique peut être simple ou complexe, positive ou négative, c'est-à-dire consister dans une action ou une abstention, mais elle est toujours déterminée.

ÉMILE DURKHEIM, De la division du travail social,  1893, page 45. 

Ø 8.... aucune ne fit allusion —  (par une maladroite adresse) —  à son abstention de deux dimanches au culte. Anna se dit souffrante, parla de ses occupations. Les visiteuses l'écoutaient, attentives, approuvaient : Anna savait qu'elles n'en croyaient pas un mot.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Buisson ardent, 1911, page 1389. 

Ø 9.... en raison (...) de l'abstention opératoire, aucun succès n'a encore été enregistré...

PROFESSEUR CHARLES DOPTER (FERNAND WIDAL, PIERRE-JEAN TEISSIER, GEORGES-HENRI ROGER, Nouveau traité de médecine, fascicule 3, 1920-1924, page 352 ). 

Ø 10. Tu n'es pas venu. Je ne t'en fais pas reproche. Il me semble même comprendre toutes les raisons de ton absence et de ton abstention.

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Les Maîtres, 1937, page 258. 

—  En particulier.  Attitude d'une personne s'interdisant de se prononcer, de prendre parti : 

Ø 11. M. de Marelle n'a pas d'opinion en cette matière. Il n'a que des... que des abstentions.

GUY DE MAUPASSANT, Bel-Ami,  1885, page 83. 

C.—  DROIT.  Non-exercice d'un droit ou d'une fonction. 

1. [L'abstention peut être licite] 

a) Abstention des électeurs. Pratique par laquelle un électeur renonce à l'exercice du droit de suffrage : 

Ø 12.... nous avons dû sacrifier nos impatiences aventureuses aux décisions formelles d'une auguste volonté. Tels sont les motifs au moins de notre abstention personnelle dans une circonscription où, sur vingt mille électeurs, mon seul adversaire n'obtient que trois mille voix. Mais si le roi s'est plu, pour un instant, à inviter au silence d'inébranlables dévouements, c'est qu'il est certain d'avoir à les utiliser bientôt pour une victoire décisive.

PHILIPPE AUGUSTE MATHIAS DE VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Correspondance générale, tome 2, 1881, page 10. 

Ø 13. Il me parle de la beauté du suffrage universel ou, tout au moins, de son unité, me blâmant fort de mon système d'abstention.

LÉON BLOY, Journal,  1899, page 359. 

b) Abstention de vote. Pratique par laquelle un membre d'une assemblée délibérante renonce à voter : 

Ø 14. La chambre épouvantée renversa le ministère Visire à une énorme majorité (huit cent quatorze voix contre sept et vingt-huit abstentions).

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Île des pingouins,  1908, page 390. 

Ø 15. Hier après-midi la commission politique avait décidé par 53 voix contre 5 (bloc soviétique) et 2 abstentions (Inde et Argentine) de renvoyer pour étude complémentaire à la commission du désarmement toute la partie du plan de M. Vychinski relative à l'interdiction et au contrôle simultané des armes atomiques.

Le Monde.  19 janvier 1952, page 2, colonne 5. 

Remarque : La pratique devient un acte lorsque l'abstention est motivée ou déclarée. 

c) Abstention d'héritier. Renonciation tacite d'un héritier à une succession. Acte par lequel un héritier nommé laisse la succession aux héritiers naturels (Dictionnaire de l'Académie Française). 

2. [L'abstention peut être ordonnée ou interdite par la loi] 

—  Abstention de juge, dans le 1er.  cas ordonnée, dans le 2e.  cas interdite par la loi : 

·    Fait, pour un juge, de ne pas prendre part, soit à un procès, parce qu'il se sait objet possible de récusation, soit seulement à un jugement, parce que le jugement doit être rendu par un nombre pair de magistrats et que le juge occupe la dernière place du tableau avec un numéro impair; 

·    Refus par un juge de juger une cause sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, de répondre les requêtes, ou négligence à juger les affaires en état et en tour d'être jugées (Vocabulaire juridique (HENRI CAPITANT)). 

—  DROIT PÉNAL.  Abstention délictueuse, délit d'abstention. L'abstention de faire certains actes imposés par la loi peut constituer une infraction pénale punissable (Vocabulaire juridique (HENRI CAPITANT) 1936) : 

Ø 16. « Suivant toutes les apparences, le droit attique n'avait pas défini nettement les crimes et les délits qui devaient être qualifiées d'ασεβεια , de telle sorte qu'une large place était laissée à l'appréciation du juge. » Cependant, la liste en était certainement moins longue que dans le droit hébraïque. De plus, ce sont tous ou presque tous des délits d'action, non d'abstention.

ÉMILE DURKHEIM, De la division du travail social,  1893, page 133. 

Remarque : Le terme délit d'abstention opposé à délit d'action, bien que s'appliquant dans cet exemple au droit attique, est employé dans son sens juridique général. 

3. DROIT ANCIEN.  

a) DROIT ROMAIN.  Bénéfice d'abstention. \" Bénéfice qui préserve de toute action, de la part des créanciers d'une succession, l'héritier qui ne s'est pas immiscé dans l'hérédité paternelle. \" (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845) : 

Ø 17. Le bénéfice d'inventaire et le bénéfice d'abstention ne sont pas admis pour le fils dans le droit grec et ne se sont introduits que fort tard dans le droit romain.

NUMA-DENIS FUSTEL DE COULANGES, La Cité antique,  1864, page 85. 

b) ANCIENNE JURISPRUDENCE.  Abstention de lieu. \" Punition non infamante qu'on infligeait autrefois en cas d'offense contre les gens d'un certain rang : elle avait pour objet de soustraire l'offensé aux violences de l'offensant, par l'éloignement de celui-ci pour un temps fixé. \" (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842). 

 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 151. 

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