Vocabulaire: CONDITIONNÉ, -ÉE, participe passé et adjectif. I.— Participe passé de conditionner* II.— Adjectif. A.— [En parlant d'une personne ou d'une chose] 1. [Qu'une constitution, une composition particulier ont placé dans un état donné] : Ø 1. Pour faux-col, il s'était contenté d'un foulard de soie mauve maintenu par une épingle d'opale. Et il tenait une canne à la main. Ainsi conditionné, il ne ressemblait à personne,... FRANCIS DE MIOMANDRE, Écrit sur de l'eau. 1908, page 22. 2. [Souvent précédé de l'adverbe bien, plus rarement mal] Bien (ou mal) conçu. Souvenez-vous que votre fille aînée (...) vous a donné deux jolis petits enfants bien conditionnés (PROSPER MÉRIMÉE, Lettres à la comtesse de Montijo, tome 1, 1870, page 357 ). L'entretien d'un appareil bien conditionné n'étant pas onéreux (PHILIPPE AUGUSTE MATHIAS DE VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Contes cruels, La Machine à gloire, 1883, page 89 ). 3. Ironique (par antiphrase) [Précédé ou non de bien] Cela me semble une niaiserie des plus conditionnées (PROSPER MÉRIMÉE, Lettres à la comtesse de Montijo, tome 1, 1870 page 101 ). Votre ami jouit pour le moment d'un mal de tête conditionné (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1874, page 139 ). C'est une tempête bien conditionnée qui se prépare (PAUL CLAUDEL, Le Livre de Christophe Colomb, 1929, page 1177 ). 4. Argot, vieux. Être (bien) conditionné. Être ivre (Confer Jean-François Rolland, Dictionnaire du mauvais langage, 1813, page 41). B.— Qui est soumis à certaines conditions. 1. [En parlant d'un animé] : Ø 2. — J'ai su faire voir dans Colette une jeune fille conditionnée par sa ville, par sa nation. MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 8, 1910-11, page 263. — Souvent péjoratif. Est-ce la pure raison qui parle par ma bouche? Non, c'est un homme conditionné qui vous parle (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 4, 1905-06, page 142 ). — En particulier. PSYCHOLOGIE. Réflexes conditionnés. Réaction provoquée sous l'influence d'un excitant nouveau se substituant à l'excitant primitif (confer conditionner, conditionnel). Le rôle fondamental qu'elle [la société russe] assigne au réflexe conditionné qu'a illustré Pavlov (RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, page 22) : Ø 3.... la publicité la plus efficace est l'américaine, qui joue sur les réflexes conditionnés, et crée pour ses conserves le Musée Imaginaire des comestibles. ANDRÉ MALRAUX, Les Voix du silence, 1951, page 521. 2. [En parlant des inanimés] a) [Inanimé abstrait] Si je n'avais le monde que comme une somme de choses et la chose comme une somme de propriétés, je n'aurais pas de certitudes (...), mais seulement des vérités conditionnées (MAURICE MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, page 418 ). Une « liberté conditionnée » (MAURICE MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945 page 518 ). b) [Inanimé concret; en parlant des textiles, des céréales, des bois ayant subi le traitement approprié à leur usage ou à leur conservation] Les bois conditionnés pour gazogènes et le charbon de bois (La Forêt française. 1955, page 36 ). — Air conditionné. Air dont la chaleur, l'humidité, la pression sont réglées en fonction de l'atmosphère extérieure ou de l'usage que l'on en fait. Le séchage [des saucissons secs] s'opère en salles à atmosphère conditionnée (L'Industrie des conserves en France (LA DOCUMENTATION FRANÇAISE, 1950) 1950, page 26 ). · Par métonymie. L'appareil produisant de l'air conditionné. Le double système de chauffage par préambiance et air conditionné fut étendu aux nouveaux magasins du département des manuscrits (JULIEN CAIN, Les Transformations de la Bibliothèque nationale de 1936 à 1959, 1959, page 62 ). Remarque : Attesté dans DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT ) Supplément 1970. — Marchandise conditionnée. Marchandise enveloppée pour être conservée et vendue au mieux. [Les] plaquettes [de sucre cristallisé] , sciées d'abord en bandes, puis cassées en morceaux, eux-mêmes conditionnés en boîtes de carton, alors que le sucre cristallisé est conditionné en sacs (GEORGES BRUNERIE, Les Industries alimentaires et leur organisation rationnelle, 1949, page 26 ). Remarque : Dans la langue philosophique on rencontre l'emploi substantival conditionné, substantif masculin Fait dont l'existence dépend de quelque chose. Comment ce même observateur parviendra à déterminer le rapport de la condition au conditionné, de la cause active à l'effet passif, etc. (MAINE DE BIRAN, Journal, 1823, page 409). Forme dérivée du verbe "conditionner" conditionner CONDITIONNER, verbe transitif. A.— [Le sujet désigne un inanimé abstrait ou concret] Être la condition d'un fait; en déterminer la nature, l'existence : Ø 1.... les individus ne naissent pas et n'apparaissent pas dans un monde qui leur fait une condition abstraite, mais apparaissent dans un monde dont ils ont toujours eux-mêmes fait partie, par lequel ils sont conditionnés, et qu'ils contribuent eux-mêmes à conditionner, de la façon dont la mère conditionne son enfant et dont cet enfant la conditionne aussi dès qu'il est en gestation. JEAN-PAUL SARTRE, L'Existentialisme est un humanisme, 1946, page 115. — Spécialement. [Par référence à la théorie des réflexes conditionnés] Provoquer artificiellement chez un individu un comportement nouveau échappant à sa volonté; mettre en condition*. " (Il faut) conditionner les esprits, les faire trembler d'horreur au mot guerre " (Le Nouvel Observateur, 10 juillet 1968 dans le Dictionnaire des mots nouveaux (PIERRE GILBERT), 1971). B.— [Le sujet est une personne] Agencer, préparer quelque chose en vue d'un usage déterminé : Ø 2. — Et désirant alléger ceux qui lui succèderont à la cuisine, il [ce franciscain] se résout à conditionner de si copieux plats que la communauté puisse s'alimenter avec eux pendant quinze jours. GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route, tome 2, 1895, page 162. — En particulier. 1. [En parlant du traitement, (souvent une dessiccation) que l'on fait subir aux soies, aux céréales, aux produits alimentaires] Le grain sort de l'essoreuse dépouillé d'impuretés (...). Il est alors nécessaire de le conditionner avant mouture (GEORGES BRUNERIE, Les Industries alimentaires et leur organisation rationnelle, 1949, page 8 ). 2. Donner à un produit brut un emballage protecteur et séduisant pour sa vente au détail. La pâte [de moutarde] est abandonnée à une fermentation et à un mûrissement avant d'être affinée par battage et conditionnée en différents récipients (seaux, pots, verres, tubes) pour la vente (GEORGES BRUNERIE, Les Industries alimentaires et leur organisation rationnelle, 1949 page 108 ). Remarque : On rencontre dans la documentation conditionnant a) Employé comme substantif masculin Ce qui détermine l'existence de quelque chose. Nous ne pouvons nous représenter le conditionnant qu'en le transformant en conditionné (JULES VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort, 1949, page 71). b) Employé comme adjectif. L'oubli d'Albertine comme cause sinon unique, sinon même principale, au moins comme cause conditionnante et nécessaire, d'une conversation qu'Andrée eut avec moi (MARCEL PROUST, La Fugitive, 1922, page 596). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 263. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 53, b) 94; XXe. siècle : a) 303, b) 837. DÉRIVÉS : Conditionneur, -euse, substantif. a) " Personne employée au conditionnement des marchandises " (Grand Larousse de la langue française en six volumes); b) Appareil au moyen duquel on conditionne les grains, les fruits, l'air. Attesté dans Larousse du xxe. siècle en six volumes, Larousse de la Langue française en six volumes, DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT), DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965. GASTON ESNAULT [Commentaire (IGLF 1947) de l'ouvrage d'Hogier-Grison, Les Hommes de proie. Le Monde où l'on vole (1887)] note le sens argotique « voleur en condition, domestique » (confer condition).
