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Alain et la pesanteur

Publié le 27/02/2008

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alain
"Voici une pierre assez lourde, et qui tombera si je la laisse; la cause qui fait qu'elle tombera, et qui fait aussi qu'elle presse et pousse contre ma main, c'est bien son poids, comme on dit, et ce poids est en elle. mais pourtant non, pas plus que la valeur n'est dans l'or, autre fétiche, ou l'amertume dans l'aloès. la pierre pèse, cela veut dire qu'il exerce, entre la pierre et la terre, une force qui dépend de la distance et des deux masses: ainsi la terre pèse sur ma main aussi bien que la pierre; et cette force de pesanteur n'est plus cachée dans la terre que dans la pierre, mais est entre deux, et commune aux deux; c'est un rapport pensé ou une forme, comme nous disons. Mais qui ne voit que l'imagination nous fait inventer ici quelque effort dans la pierre, qui lutte contre notre effort et se trouve seulement moins capricieux que le nôtre? cette idolêterie est bien forte; l'imagination ne s'y arrachera jamais; le tout est de n'en être pas dupe, et de ne point juger par cette main crispée." Alain
alain

« la gravitation.

Or, on continue de percevoir un tel phénomène comme un effort de la pierre qui de tout sonpoids chercher à gagner le bras de fer avec ma main.

On confère, ainsi, une certaine intentionnalité à unobjet pourtant inanimé. - Cette contradiction, ou plutôt cette perception double de la pesanteur (en tant que phénomène connu par la physique et objectivée depuis Galilée, mais aussi en tant que phénomène perçu empiriquement) sert depoint de départ à l'analyse critique d'Alain quant à la façon de percevoir ce phénomène, par-delà laconnaissance scientifique qu'on en a. - Il s'agit bien là de la description d'une expérience, au sens fort, commune, comme le suggère le « comme on dit ».

Et c'est précisément cette manière de dire qu'Alain va critiquer.

Il s'agit donc bien d'unedémonstration : partant d'une réalité empirique, d'une attitude commune, Alain va chercher à en démontrantla fausseté, mais aussi et plus profondément encore son origine. 2.

2e Moment du texte « Mais pourtant non, pas plus que la valeur n'est dans l'or, autre fétiche, ou l'amertume dans l'aloès.

La pierre pèse, cela veut dire qu'il exerce, entre la pierre et la terre, une force qui dépend de la distance et des deuxmasses: ainsi la terre pèse sur ma main aussi bien que la pierre; et cette force de pesanteur n'est plus cachéedans la terre que dans la pierre, mais est entre deux, et commune aux deux; c'est un rapport pensé ou uneforme, comme nous disons.

» - Le but d'Alain est justement de montrer qu'il n'y a pas plus d'intentionnalité dans la pierre de peser sur ma main, que la valeur marchande que l'on confère à l'or en constitue une propriété intrinsèque.

Oncomprend alors, dans cette perspective, que l'or ne vaut pas en lui-même, ni même que l'aloès n'est pas enlui-même amer : ces différentes propriétés ne sont pas des propriétés intrinsèques.

Ainsi l'or continueraitd'être or, quand bien même il ne vaudrait plus rien.

Cette valeur est relative à l'homme.

C'est l'homme quiconfère à l'or sa valeur, et c'est relativement à lui, encore, que l'aloès est amer. - C'est en ce sens qu'il faut comprendre le terme de « fétiche », qui prendra d'ailleurs tout son sens dans le dernier temps de l'argumentation.

Un fétiche est une idole, un objet qui suscite l'admiration mais qui nepossède sa valeur que relativement à l'homme.

En ce sens il apparaît, en creux, dans ce texte, que l'hommeest bien donateur de valeurs. - Il en est de même lorsqu'on dit que la pierre pèse, qu'elle joue au bras de fer avec la main.

Cela ne vaut que comme restitution non rationnelle d'une expérience vécue empiriquement par l'homme.

Cette expressiontémoigne donc du rapport de l'homme au monde. - En réalité, Alain montre ce qui doit être mis sous l'expression « la pierre pèse », il montre ainsi que la pesanteur n'est aucunement dans la chose, ni dans la pierre.

Elle n'est que l'effet d'une relation entre deuxcorps tous deux soumis à l'attraction.

Une telle force n'est absolument pas dans la pierre, mais elle se situedans l'interaction entre la pierre et ma main.

De la même manière il faut comprendre l'expression « la terrepèse », car du fait de la gravitation, mon corps est attiré à terre.

Mais ce n'est pas la terre elle-même quipossède en propre cette force, celle-ci n'est que relation. - Il n'y a d'aucun rien de mystérieux, rien d'énigmatique, la terre ne cache pas en son sein un système ingénieux de poulies, ou autres, capables de nous attirés sur son sol.

Il en va de même pour la pierre.

Lapesanteur est ainsi un « rapport ».

Alain a donc montré l'erreur de jugement.

Il s'agit maintenant d'endécouvrir l'origine. 3.

3e moment du texte « Mais qui ne voit que l'imagination nous fait inventer ici quelque effort dans la pierre, qui lutte contre notre effort et se trouve seulement moins capricieux que le nôtre? Cette idolâtrie est bien forte; l'imagination nes'y arrachera jamais; le tout est de n'en être pas dupe, et de ne point juger par cette main crispée.

» - Cette erreur de jugement qui nous fait penser que la pesanteur est dans la chose, vient en réalité que nous ne la concevons pas selon la raison mais seulement l'imagination.

C'est l'imagination qui nous faitinventer la pesanteur comme un effort intrinsèque de la pierre poussant sur ma main.

C'est donc dansl'imagination que l'on doit chercher l'origine de l'erreur. - Il est de la nature même de l'imagination de concevoir la pesanteur comme propriété de l'objet.

Il apparaît, selon Alain, impossible de concevoir la pesanteur autrement selon la modalité de l'imagination.Quand bien même, donc, Galilée est prouvé et mis en place le système de l'attraction, l'imagination necessera jamais de conférer à la pierre une force intrinsèque.

Je ne peux pas imaginer autre choserelativement à la pesanteur. - Mais l'imagination n'est pas la seule modalité de la pensée humaine.

Il y a la raison, et on ne doit pas être dupe de l'imagination et des erreurs qu'elle peut nous faire commettre.

L'imagination est inhérente à lacondition humaine, elle est se par quoi, originellement, l'homme se rapporte au monde.

Mais en aucun cas ilfaut s'arrêter à cette saisie imaginative.

Chez Alain donc, non seulement l'imagination ne possède aucunelégitimité relativement à la connaissance véritable, mais encore elle est trompeuse.

L'imagination en vient icià s'identifier quasiment à l'opinion, c'est-à-dire à ce premier contact spontané, voire naïf, avec le monde qu'ilfaut tout de suite dépasser.

Il faut donc suspendre son jugement quand c'est l'imagination qui est à l'originede l'idée.

En ce sens, l'imagination est maîtresse d'erreur parce qu'elle véhicule indifféremment le vrai ou lefaux et par là dénature le vrai et laisse régner le faux.

C'est donc, en disqualifiant l'imagination commepuissance capable de connaître, une manière pour Alain de montrer que seule la raison peut et doit juger du. »

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