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Article de presse: Famélique et médiévale Ethiopie

Publié le 22/02/2012

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ethiopie
6 novembre 1973 - Dessié (province du Wollo).-Cinquante mille, cent mille morts ? Les chiffres restent abstraits. Sans les visages. Ni les regards. Sur les trottoirs de Dessié, capitale provinciale de la famine, comme tout au long des 1 200 kilomètres de la " route historique " de l'Ethiopie, il reste ici et là des petits tas de chiffons couleur de poussière. Des chiffons qui bougent douloureusement au passage du visiteur et qui tendent la main. Sans un mot. Il est 21 heures. Une nuit froide s'est installée sur le gros village de baraques et de tôles perché à 2 000 mètres d'altitude comme la majeure partie de l'empire abyssin, " toit de l'Afrique ". Sur la place principale, l'unique haut-parleur de la " radio publique " beugle des chansons amhariques. Une foule emmitouflée déambule de boutique en boutique, rôde autour des " dancings " et des " bounabet " où l'on peut trouver de l'hydromel éthiopien-le " tedj ",-des femmes complaisantes et l'avant-dernier " tube " américain. Toute la rue principale n'est d'ailleurs qu'un alignement d'échoppes graisseuses, allumées en rouge, où les prostituées paysannes échangent leurs charmes contre le droit de survivre. Passent des bourgeois solennels en complet cravate une caravane de mules conduite par un commerçant, qui rentre d'une tournée-spéculative-dans les montagnes où les prix montent quelques policiers en capote kaki arme à la bretelle... Et puis restent ces tas de chiffons recroquevillés dans les encoignures, auxquels personne ne prête plus attention. Il en reste si peu ! En août, c'est par milliers qu'ils envahissaient la route principale, qui n'est qu'un mauvais chemin de pierre. La tournée de l'empereur " Prenez la route d'Asmara, vous verrez que la situation est stabilisée ", nous a-t-on dit dans les ministères d'Addis-Abeba. Stabilisée ? C'est vrai. Au vieil hôpital Assfa-Waossen, de Dessié, où sont encore rassemblées quelque deux mille réfugiés, il ne meurt plus que deux ou trois personnes chaque semaine. Dix-sept " centres d'hébergement " comme celui-là fonctionnent dans les deux provinces du Wollo et du Tigré pour vingt mille " sinistrés ". Nous avons visité la plupart d'entre eux. On y sert désormais deux fois par jour l' " ingera ", plat national éthiopien, sorte d'immense crêpe faite de teff, céréale locale. On y distribue du lait pour les enfants, des couvertures et des médicaments. Grâce au secours massif apporté par les organisation internationales, depuis le mois d'octobre la faim recule. Et aussi le choléra, le typhus, le kwashiorkor, la variole... Des réfugiés guéris sont déjà renvoyés chez eux avec un mois de vivres. Un peu partout, des équipes médicales, venues d'Europe ou d'ailleurs, achèvent de mettre en place l'appareillage compliqué de la solidarité mondiale. Mais ici, rien de va sans mal ni scandale. Au mois de novembre, l'empereur Hailé Selassié et les princesses de la cour impériale ont effectué une tournée officielle des mêmes camps. Juste avant leur venue on avait réparé les routes, rempli de grain les entrepôts, habillé de neuf les mendiants et les orphelins, accéléré les distributions de secours, mystérieusement en panne depuis des mois. L'empereur, satisfait, a fait plusieurs discours, et annoncé un " programme de reclassement à long terme ". A Kobo, les princesses ont même offert deux boeufs à ceux qui avaient oublié le goût de la viande, un pour les chrétiens, l'autre pour les musulmans. " Je me suis jeté aux pieds de Sa Majesté pour embrasser ses souliers, nous a dit un réfugié émerveillé. Il m'a donné cet habit "... Mais l'empereur déjà abusé par le zèle tardif de ses fonctionnaires, n'a pas vu les tombes. Des milliers... Partout. Dans chacun des villages du Wollo et du Tigré-à une ou plusieurs journées de marche de la " route historique " -on trouve, par dizaines, ces gros tas de pierres alignés à la hâte. Dans certains villages, aux " toukouls " (huttes) déserts, il n'y a plus que cela. Ailleurs, c'est dans une fosse unique qu'on a jeté pêle-mêle ceux qui n'avaient pu atteindre les " centres de secours " que pour y mourir. Au seul centre de Kobo-gros village au nord de Dessié-on avait enterré fin novembre plus de deux mille cadavres. " Oui, commente un jeune médecin éthiopien rencontré à Dessié, la situation est stabilisée comme ils disent parce que tous ceux qui devaient mourir sont morts ". Les survivants témoignent. N'importe où entre Dessié (capitale du Wollo) et Makallé (capitale du Tigré), il suffit de s'arrêter et d'écouter. Car ils parlent, ces tas de haillons grisâtres, qui sont comme les uniformes de la famine. Même le jeune étudiant éthiopien qui nous accompagnait n'a pu entendre sans sursauter ces récits resurgis d'un Moyen Age grimaçant. Ils forment comme un interminable chuchotement répercuté de village en village, d'hôpital en hôpital. Un chuchotement propre à rendre dérisoires les démentis dédaigneux d'Addis-Abeba et les querelles arithmétiques du ministère éthiopien de l'information. N'est-ce pas la première fois qu'on écoute vraiment les obscurs paysans de l'empire ? " Il ne pleuvait presque pas depuis trois ans, dit Akalé Yimmer, du village de Wadla. En 1971, la récolte a été très mauvaise. En 1972, on a dû manger une partie des semences et même emprunter du grain pour survivre. En février 1973, les " petites pluies " n'ont pas eu lieu, qu'est-ce qu'on pouvait faire ? Moi, j'avais deux lopins de terre. Le premier, je l'avais hypothéqué pour pouvoir emprunter deux sacs de teff et, comme je n'ai pas pu rendre le grain, j'ai perdu mon champ. Le deuxième, j'ai dû le vendre 10 dollars éthiopiens (22 francs) pour tenir encore un peu. Au mois de juin, je n'avais plus rien. Alors, j'ai laissé ma femme et mes deux enfants à Wadla pour aller chercher du travail et de quoi manger. Avec mon frère, nous avons mis quatre jours pour arriver à Dessié et je n'ai rien trouvé. J'ai su que ma femme et mes enfants étaient morts depuis longtemps ". La même histoire est reproduite à des milliers d'exemplaires dans le Wollo. Scénario monotone : le père résiste trois ans au processus inexorable de la famine, emprunte, vend ses bêtes, puis ses terres quand elles lui appartiennent, et finit un jour par prendre seul la route en laissant derrière lui, une famille qui mourra avant même qu'il ait pu songer à revenir. Elles viennent bien du profond Moyen Age ces paroles récitées dans chaque " camp de secours ". Tout comme évoquent notre vieil ordre médiéval les scènes quotidiennes que l'on peut encore rencontrer sur les longs kilomètres caillouteux qui courent de col en col entre Addis-Abeba et Asmara. Comme au Moyen Age Troupes de mendiants au regard fou, hérissées de bâton, quêtant de village en village. Propriétaire tranquille surveillant de sa voiture les trente métayers occupés aux dernières maigres moissons de la saison sèche. ( " Pour qu'ils ne puissent pas voler des poignées de grains ", explique notre jeune guide). Prêtres coptes chargés d'or et d'oriflammes, justifiant la famine comme une punition divine devant des paysans que l'Eglise invite encore au jeûne cent quatre-vingt-cinq jours par an. Bourgeois repus, vêtus de blanc, cheminant sur leurs mules entourés de dix serviteurs à pied portant fusil... Oui, Moyen Age... Comme sont moyenâgeux les quatorze royaumes qui forment le vieil empire agraire d'Ethiopie. Ce château fort inaccessible, orgueilleux, perché sur ses montagnes et quatre mille ans d'histoire, hostile au modernisme, figé, hiératique... Moyen Age : thème flatteur pour les dépliants touristiques qui proposent à cent mille visiteurs étrangers la " découverte des traditions intactes " et du " trésor historique " de l'Ethiopie. Thème flatteur mais à double face. Fière à juste titre de son passé, de sa culture, de son équilibre, pas soucieuse de jeter à bas les vieilles structures féodales, l'Ethiopie admet mal cette famine subite. Ce " scandale " humiliant et sa première conséquence : la sollicitude réprobatrice des visiteurs étrangers découvrant aujourd'hui l'envers terrible des dépliants. Des taches prises sur la couronne. " Forcément, nous disait en levant les bras M. Mamo Tadessé, le ministre des finances, vous découvrez tout cela avec vos yeux d'Occidentaux. " Peut-être. Mais pourra-t-on nier que les milliers de tombes fraîchement creusées dans les montagnes du Wollo soient autant imputables aux cruelles injustices du Moyen Age éthiopien qu'aux caprices de la météorologie. A la différence du Sahel, l'Ethiopie est riche, fertile, verdoyante. Les experts américains ont calculé que, réorganisée, son agriculture pourrait nourrir cent millions d'habitants. L'empire pourrait être un " grenier " pour l'Afrique. Ne sont pas seulement en cause le sous-équipement routier, hydraulique, administratif, qui a rendu et rend encore difficile la collecte des informations et l'acheminement des secours, l'archaïsme d'une société où une minuscule oligarchie féodale possède des centaines de milliers d'hectares de terres sous-cultivées par des serfs et qui leur doivent encore 60 % à 70 % de leur récolte, l'insouciance effrayante d'une classe dirigeante occidentalisée qui, dans la capitale, partage sa vie entre les Mercedes noires et les délices mondains du Casino-Ghion, propriété personnelle de l'empereur... Ce qui frappe surtout est plus subtil, presque indéfinissable. Une sorte d'injustice immanente, absolue. Une inégalité vertigineuse, clef de voûte d'un ordre social minutieux et premier article du catéchisme éthiopiens. Cette inégalité " institutionnelle ", cette injustice " naturelle ", a pour sous-produit l'indifférence. Une indifférence épaisse, ingénue. En 1973, ce ne sont pas cinquante ou cent mille Ethiopiens qui sont morts de faim. Ce sont, plus exactement cinquante, ou cent mille pauvres, morts devant l'indifférence des riches. Une monarchie de droit divin Les projets de réforme, qui prévoient notamment une réduction de la part réservée au propriétaire, une refonte du cadastre et la création de coopératives, se heurtent surtout à l'hostilité des féodaux qui dominent les deux Chambres et partagent avec l'empereur une fraction du pouvoir politique. Ultra-religieux, dévotement conservateurs, traditionalistes, souvent liés à l'empereur par l'enchevêtrement des alliances familiales et des services rendus, ils n'accepteront pas d'eux-mêmes une évolution qui les dépouillera un jour de leurs privilèges. Fatalement. Or, dans l'Ethiopie de 1974, l'atmosphère politique est singulièrement raréfiée : pas de presse autre que celle du pouvoir, pas de partis politiques, pas d'opposition légale. Sous les apparences du système constitutionnel, la monarchie reste de droit divin. L'université et même les écoles secondaires sont en état de rébellion chronique, quadrillées par des policiers en civil, fermées sporadiquement plusieurs fois par an. L'armée éthiopienne elle-même, dont la tentative de coup d'Etat, en 1960, avait échoué, est aujourd'hui divisée, mais querelleuse, impatiente de jouer son rôle dans la succession. On fait grand cas dans les chancelleries d'une nouvelle classe de " capitaines réformistes " qui, dit-on, attendrait son heure. Les campagnes enfin-le vrai monde éthiopien-ne sont pas aussi calmes qu'on l'imagine. En 1968, dans le Godja, et jusqu'en 1971, dans le Balé, des révoltes paysannes ont eu lieu, prenant parfois l'allure de véritables guérillas. Jusqu'à présent, la quête difficile de l'unité nationale par-delà les antagonismes ethniques, géographiques ou religieux et le souci d'une politique étrangère prestigieuse avaient accaparé presque exclusivement le pouvoir impérial. Les périls, il est vrai, n'étaient pas négligeables. Unité nationale Au nord du pays, sur la mer Rouge, la révolte séparatiste de l'Erythrée conduite par un front de libération à dominante musulmane et que soutiennent activement la Libye, le Yémen du Sud et la Syrie, n'a jamais pu être résorbée malgré de vastes opérations militaires. L'année 1973, au contraire, après une longue période d'accalmie, a été marquée par un réveil spectaculaire de la guérilla qui contrôle effectivement les deux tiers de la province. Au sud, le conflit frontalier avec la Somalie à propos de l'Ogaden mobilise toujours la 3e division de l'armée de terre. Il risque de s'exacerber après la découverte, dans les régions litigieuses, d'importants gisements de pétrole. Politique étrangère ? La rupture de l'Ethiopie avec Israël, son allié traditionnel, en octobre 1973 correspond à une " révision déchirante " de l'attitude du vieux royaume chrétien à l'égard du monde arabe. Elle coïncide avec un dégagement progressif des Américains, qui auront évacué fin 1974 la base d'espionnage électronique de " Kagnew Station " frappée d'obsolescence par les satellites. Siège de l'OUA et arbitre respecté des querelles africaines, Addis-Abeba cherche aujourd'hui un nouveau cap au milieu des bouillonnements de l'aire israélo-arabo-africaine, à l'extrémité de l'explosive corne de l'Afrique. On comprend qu'Hailé Selassié ait pu négliger jusqu'à maintenant l'intendance. Mais aujourd'hui cette négligence dédaigneuse, ce culte hautain de la lenteur domestique, ne vont pas sans risque à mesure que s'approche une dangereuse échéance. Celle qui verra disparaître la silhouette minuscule, cambrée, empreinte d'une indiscutable noblesse du Roi des rois. Symptôme inquiétant, la famine de 1973 est aussi un symbole : tous ces reproches venus de l'étranger, toutes ces indignations-quelquefois suspectes, convenons-en,-c'est le siècle qui frappe aux portes du vieil empire abyssin. Avec à la main une sorte de commandement d'huissier : le Moyen Age, avec ses grandeurs mais aussi ses cruautés, n'est plus toléré par l'esprit du temps. Non pas que l'on ait évacué en 1974 tout le cynisme et l'injustice de l'univers " moderne ". Disons que le nouveau catéchisme des nations organise différemment la sensibilité-oui aux canons, non aux famines... Contestable ou non, le choix est impératif. L'Ethiopie devra donc sortir du Moyen Age. Une seule question reste posée : le fera-t-elle sans violence ? JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD Le Monde du 16-18 janvier 1974
ethiopie

« " Il ne pleuvait presque pas depuis trois ans, dit Akalé Yimmer, du village de Wadla.

En 1971, la récolte a été très mauvaise.En 1972, on a dû manger une partie des semences et même emprunter du grain pour survivre.

En février 1973, les " petites pluies" n'ont pas eu lieu, qu'est-ce qu'on pouvait faire ? Moi, j'avais deux lopins de terre.

Le premier, je l'avais hypothéqué pourpouvoir emprunter deux sacs de teff et, comme je n'ai pas pu rendre le grain, j'ai perdu mon champ.

Le deuxième, j'ai dû levendre 10 dollars éthiopiens (22 francs) pour tenir encore un peu.

Au mois de juin, je n'avais plus rien.

Alors, j'ai laissé mafemme et mes deux enfants à Wadla pour aller chercher du travail et de quoi manger.

Avec mon frère, nous avons mis quatrejours pour arriver à Dessié et je n'ai rien trouvé.

J'ai su que ma femme et mes enfants étaient morts depuis longtemps ". La même histoire est reproduite à des milliers d'exemplaires dans le Wollo.

Scénario monotone : le père résiste trois ans auprocessus inexorable de la famine, emprunte, vend ses bêtes, puis ses terres quand elles lui appartiennent, et finit un jour parprendre seul la route en laissant derrière lui, une famille qui mourra avant même qu'il ait pu songer à revenir. Elles viennent bien du profond Moyen Age ces paroles récitées dans chaque " camp de secours ".

Tout comme évoquent notrevieil ordre médiéval les scènes quotidiennes que l'on peut encore rencontrer sur les longs kilomètres caillouteux qui courent de colen col entre Addis-Abeba et Asmara. Comme au Moyen Age Troupes de mendiants au regard fou, hérissées de bâton, quêtant de village en village.

Propriétaire tranquille surveillant de savoiture les trente métayers occupés aux dernières maigres moissons de la saison sèche.

( " Pour qu'ils ne puissent pas voler despoignées de grains ", explique notre jeune guide).

Prêtres coptes chargés d'or et d'oriflammes, justifiant la famine comme unepunition divine devant des paysans que l'Eglise invite encore au jeûne cent quatre-vingt-cinq jours par an.

Bourgeois repus, vêtusde blanc, cheminant sur leurs mules entourés de dix serviteurs à pied portant fusil... Oui, Moyen Age...

Comme sont moyenâgeux les quatorze royaumes qui forment le vieil empire agraire d'Ethiopie.

Ce châteaufort inaccessible, orgueilleux, perché sur ses montagnes et quatre mille ans d'histoire, hostile au modernisme, figé, hiératique...Moyen Age : thème flatteur pour les dépliants touristiques qui proposent à cent mille visiteurs étrangers la " découverte destraditions intactes " et du " trésor historique " de l'Ethiopie.

Thème flatteur mais à double face.

Fière à juste titre de son passé, desa culture, de son équilibre, pas soucieuse de jeter à bas les vieilles structures féodales, l'Ethiopie admet mal cette famine subite.Ce " scandale " humiliant et sa première conséquence : la sollicitude réprobatrice des visiteurs étrangers découvrant aujourd'huil'envers terrible des dépliants.

Des taches prises sur la couronne. " Forcément, nous disait en levant les bras M.

Mamo Tadessé, le ministre des finances, vous découvrez tout cela avec vos yeuxd'Occidentaux.

" Peut-être.

Mais pourra-t-on nier que les milliers de tombes fraîchement creusées dans les montagnes du Wollosoient autant imputables aux cruelles injustices du Moyen Age éthiopien qu'aux caprices de la météorologie.

A la différence duSahel, l'Ethiopie est riche, fertile, verdoyante. Les experts américains ont calculé que, réorganisée, son agriculture pourrait nourrir cent millions d'habitants.

L'empire pourraitêtre un " grenier " pour l'Afrique. Ne sont pas seulement en cause le sous-équipement routier, hydraulique, administratif, qui a rendu et rend encore difficile lacollecte des informations et l'acheminement des secours, l'archaïsme d'une société où une minuscule oligarchie féodale possèdedes centaines de milliers d'hectares de terres sous-cultivées par des serfs et qui leur doivent encore 60 % à 70 % de leur récolte,l'insouciance effrayante d'une classe dirigeante occidentalisée qui, dans la capitale, partage sa vie entre les Mercedes noires et lesdélices mondains du Casino-Ghion, propriété personnelle de l'empereur... Ce qui frappe surtout est plus subtil, presque indéfinissable.

Une sorte d'injustice immanente, absolue.

Une inégalitévertigineuse, clef de voûte d'un ordre social minutieux et premier article du catéchisme éthiopiens.

Cette inégalité" institutionnelle ", cette injustice " naturelle ", a pour sous-produit l'indifférence.

Une indifférence épaisse, ingénue.

En 1973, ce nesont pas cinquante ou cent mille Ethiopiens qui sont morts de faim.

Ce sont, plus exactement cinquante, ou cent mille pauvres,morts devant l'indifférence des riches. Une monarchie de droit divin Les projets de réforme, qui prévoient notamment une réduction de la part réservée au propriétaire, une refonte du cadastre etla création de coopératives, se heurtent surtout à l'hostilité des féodaux qui dominent les deux Chambres et partagent avecl'empereur une fraction du pouvoir politique.

Ultra-religieux, dévotement conservateurs, traditionalistes, souvent liés à l'empereurpar l'enchevêtrement des alliances familiales et des services rendus, ils n'accepteront pas d'eux-mêmes une évolution qui les. »

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