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LA BRUYÈRE PRECEPTEUR

Publié le 07/07/2011

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De 1670 à 1681, années pendant lesquelles il assuma la responsabilité d'éduquer le dauphin, Bossuet mena, à la cour, une existence plutôt retirée. Il se plaisait davantage dans la compagnie des savants que dans le commerce du monde. L'abbé Le Dieu, son secrétaire, cite parmi ses familiers de cette époque un Toulousain, l'abbé de La Broue, prédicateur remarquable, plus tard évêque de Mirepoix, l'abbé de Saint-Luc, aumônier du roi, l'abbé Claude Fleury, auteur d'une multitude de volumes et, en particulier, d'une Histoire ecclésiastique, Géraud de Cordemoy, avocat réputé dont on a deux ouvrages imprégnés de la doctrine cartésienne et une Histoire de France depuis les Gaulois jusqu'en 987, Antoine Galland, alors secrétaire du roi, orientaliste, antiquaire et premier traducteur des Mille et une Nuits, Paul Pellisson, médiocre poète, ancien alcôviste de Madeleine de Scudéry, énergique défenseur du surintendant Fouquet, historiographe de France et historien de l'Académie française, l'abbé Renaudot, frère du gazetier, théologien qui laissa, entre autres dissertations farcies de latin, la Perpétuité de la Foi de l'Eglise touchant l'Eucharistie, les sacrements, etc., le marquis de Fénelon et son neveu, le futur archevêque de Cambrai. 

 

« reçu par le cardinal de Richelieu et fêté dans les salons où l'on s'étonne qu'un manieur de varlope puisse, sidextrement, pincer les cordes de la lyre.

Un émailleur, le sieur Grillet, trouve auprès des plus altières dames et desprincesses même un accueil assez bienveillant, pour oser leur colloquer, en échange de quelques plates rimes, samenue marchandise de verre.

Les grotesques et les roturiers pullulent à l'hôtel de Rambouillet.

Tout blondinsusceptible de tourner avec grâce un compliment et d'aligner les quelques fadeurs d'un madrigal est admis dans lecercle maniéré des précieuses.Les salons ne goûtent guère, mais recherchent pourtant les gens doctes.

Ceux-ci leur donnent de l'éclat.

La Bruyèren'aurait donc eu aucune peine à s'insinuer à la cour et parmi les personnages les plus superbes de l'aristocratie.

Cen'est point, en conséquence, le désir d'approcher la noblesse qui le pousse à grossir la « domesticité » des Condé.D'ailleurs, la majeure partie des personnages silhouettés dans sa galerie des Caractères est exclue du palais duLuxembourg et du château de Chantilly.

L'homme qui a écrit les lignes suivantes : « La liberté n'est pas oisiveté ;c'est un usage libre du temps, c'est le choix du travail et de l'exercice.

Etre libre, en un mot, n'est pas ne rien faire,c'est être seul arbitre de ce qu'on fait ou de ce qu'on ne fait point.

Quel bien en ce sens que la liberté ! » L'hommequi a écrit ces lignes avait de graves motifs d'aliéner sa propre liberté.

Pour nous, il faut les chercher dans la vanitéou dans la pauvreté.Quoi qu'il en soit, La Bruyère débute, comme professeur d'histoire du duc de Bourbon, à la date du 15 août 1684,aux appointements annuels de quinze cents livres.

Sa tâche est, dès l'origine, extrêmement délicate.

On necommence guère à connaître l'intimité de la famille Condé que de nos jours.

Jusqu'à l'heure, les historiens s'étaientpeu souciés de recourir aux sources originales.

Ils avaient créé des personnages chimériques, doués de toutes lesvertus et dotés de toutes les grandeurs.

Les documents, peu à peu exhumés des archives où ils reposaient, nouspermettent de considérer dans leur réalité ces personnages.

Le duc d'Aumale lui-même, pourtant si réservé sur lesactes deses ascendants du seizième et du dix-septième siècle, nous démontre que ces actes ne sont pas toujoursconformes à l'honneur.

Il n'a pas osé envisager les Condé du dix-huitième siècle, redoutant d'avoir à révéler ladégénérescence morale de la famille.

D'autres se sont chargés de cette besogne.A la vérité, Louis II de Bourbon, prince de Condé, le grand Condé, est l'aboutissement glorieux de cette race.

Ill'illustre par son incontestable valeur guerrière.

Avant lui comme après lui, on chercherait vainement, en cettemaison, un homme de mérite.

M.

le Prince, son père, est un pleutre, surtout préoccupé de sa fortune et capable detoutes les bassesses pour l'arrondir.

Mme la princesse, sa mère, fut, toute sa vie, une coquette.

Elle excita lapassion sénile de Henri IV.

Elle fut, pendant de nombreuses années, la maîtresse avouée et cynique du cardinal deLa Valette.

Le grand Condé devait profiter de tels exemples.

Marié contre son gré à Claire-Clémence de Maillé-Brézé,nièce du cardinal de Richelieu, il fit endurer à cette jeune femme, au demeurant charmante et fort dévouée, le plusatroce des martyres.

Il la dédaigna, il la trompa, il l'injuria, il finit par l'emprisonner.

Personne, au dix-septième siècle,ne fut plus débauché que lui.

Il dirigeait la bande des « petits-maîtres », et l'on sait par quels exploits elle sedistinguait.

Il était totalement amoral et athée.

Le blasphème ne lui coûtait guère.

N'insistons pas.

Ses victoiresrachètent à peine sa trahison au sortir de la Fronde.

Car on oublie un peu trop qu'il commanda, contre la France, lestroupes espagnoles.A l'époque qui nous occupe, ce conquérant vieilli ressemble singulièrement à son père.

Il a toujours, à son exemple,montré quelque avarice.

Il est devenu Harpagon et, de même que son père, Harpagon en souquenille.

Il estmalpropre et l'on a toutes les peines du monde, lorsqu'il se rend à la cour, à lui faire endosser un habit qui.

parquelque richesse, indique qu'un prince le porte.

On s'efforce, pour magnifier ses dernières années, de prouver qu'il selivre, entouré d'artistes et de savants, à des occupations nobles, qu'il enrichit Chantilly de quelques ouvrages depierre, qu'il se plaît à converser sur de hautes et graves matières.

A la vérité, il tue le temps, ayant épuisé toutesles joies de la vie et ne parvenant pas à en découvrir de nouvelles dans la religion.

Le chevalier de Lignières, petitpoète satirique, qui vit dans sa familiarité, ne se gêne pas pour lui reprocher son oisiveté.Il s'est peu à peu désintéressé de sa famille collatérale.

Des nombreux enfants de sa sœur, Mme de Longueville, unseul subsiste.

Il est abbé et fort riche.

Il vit à part, craignant toujours qu'on ne lui dérobe sa fortune.

Des enfantsde son frère, le prince de Conti, deux sont vivants, livres à la débauche et à l'intrigue.

Ces Altesses se contententde satisfaire leurs appétits.

M.

le Prince n'attend point d'elles qu'elles perpétuent sa gloire.

Il aurait, du moins, vouluque son propre fils, Henry-Jules, prît à cœur de jouer un rôle militaire.

Il s'évertua à l'y déterminer.Car Henry-Jules, tout d'abord bon élève, intelligent, précoce, montra de réelles qualités.

Elles furent peu durables.Confié, au sortir du collège des Jésuites, à l'abbé-médecin Bourdelot, épicurien sans scrupule, il entra dans lasociété comme un faune furieux, multipliant les scandales autour de ses aventures d'alcôve.

On le maria à vingt ans,pensant l'assagir, avec la princesse Anne de Bavière, fille de la fameuse princesse palatine.

C'était bien mal lecomprendre.

Son père lui avait prouvé que l'on peut se conduire en bourreau avec son épouse sous le couvert deslois monarchiques.

Il lui avait même confié le soin de claquemurer Claire-Clémence de Maillé-Brézé, non sans lui avoirvolé sa fortune.

Après cela, Henry-Jules pouvait se prévaloir de l'exemple paternel pour excuser ses propresbrutalités conjugales.

Mme la Duchesse, au dire de Saint-Simon, était « laide, vertueuse et sotte, un peu bossue...avec cela un gousset fin qui la faisait suivre à la piste, même de loin ».

En définitive, elle offrait peu d'attraits.Henry-Jules eût pu se contenter de la tromper publiquement, comme d'ailleurs il le fit; il ne trouva point suffisantecette injure.

Ce dégénéré, épileptique, fantasque, sinistre, y ajoutait les ignominies de bouche et les coups de poinget de pied.

La pitoyable princesse devait, à son caprice, et sous la menace, accomplir sans murmure tous les actesque lui imposait ce gnome à demi fou.Henry-Jules, dit Saint-Simon, était un petit homme très mince et très maigre, dont le visage d'assez petite mine nelaissait pas d'imposer par le feu et l'audace de ses yeux, et un composé des plus rares qui se soit guère rencontré.Personne n'a eu plus d'esprit, et de toutes sortes d'esprit, ni rarement tant de savoir en presque tous les genres etpour la plupart à fond, jusqu'aux arts et aux mécaniques, avec un goût exquis et universel.

Jamais encore unevaleur plus franche et plus naturelle, ni une plus grande envie de faire ; et quand il voulait plaire, jamais tant dediscernement, de grâces, de gentillesse, de politesse, de noblesse, tant d'art caché coulant comme de source.Personne aussi n'a jamais porté si loin l'invention, l'exécution, l'industrie, les agréments ni la magnificence des fêtes,. »

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