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Chateaubriand commence ses Mémoires d'Outre-Tombe

Publié le 10/02/2012

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chateaubriand

Certaines dates, certaines circonstances réveillent dans l'âme des souvenirs, des sentiments, des projets qui semblaient y dormir un sommeil définitif. En ce soir du 4 octobre 1811, le propriétaire de la Vallée-aux-Loups, l'auteur du Génie, d'Atala, de René, des Martyrs et de l'Itinéraire, commémore, dans la solitude, sa fête patronymique, la saint François, et son entrée à Jérusalem (1806). Un à un, tous les événements qui jalonnent son existence, depuis le jour tempêtueux de sa naissance dans un port breton, jusqu'à ce jour mélancolique d'automne dans la banlieue parisienne, se lèvent . en sa mémoire comme des fantômes; tous y revivent intensément, grâce à une imagination, à un don d'évocation prodigieux....

chateaubriand

« phes marchands qui couchent le soir sur le papier ce qu'ils ont entendu dire le matin dans les antichambres.

Tout homme qui a joué un rôle dans la société doit, pour la défense de sa réputation, la1sser un monument par lequel on puisse le juger.

La vérité sur moi, sur mes ouvrages, qui la sait mieux que moi? A moi donc de déposer au tribunal de demain.

« Enfin, en racontant ma propre aventure, n'est-ce point mon époque tout entière que je ferai revivre? Principes, idées, opinions, événements, catastrophes qui ont marqué la fin d'un siècle et le commencement d'un autre, ne se retrouvent-ils pas à chaque page de ma vie? Cette autobiogra­ phie, largement traitée, pourrait devenir une sorte d'épopée de mon temps.

Je me sens tout aussi qualifié pour peindre le conflit formidable qui mit aux prises le monde d'avant 1789 avec les hommes de la Révolution que pour évoquer, comme je l'ai fait dans les Martyrs, la lutte gigantesque du paganisme décadent avec le christianisme jeune et conquérant.» * ** «Voilà le pourquoi ~de mes Mémoires.

Je crois mon projet suffisa~unel}t motivé et nul homme de bon sens ne pourra me reprocher de l'avmr mzs à exécution.

Reste le comment, la réalisation même.

Que d'écueils en un pareil genre, en U? pareil suje~! .

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, · « Tout d'abord, 11 me faut depomller les passiOns susceptibles d'egarer mon jugement sur les autres et sur moi.

Pour ce faire, je m'imaginerai déjà dans l'autre monde.

Les morts ont abdiqué toute rancune et toute haine; éclairés par l'éternelle lumière, débarrassés de tout préjugé, ils voient, d'un œil serein, les choses et les hommes tels qu'ils furent.

Ma voix padfiée sera pour le lecteur un témoin d'outre-tombe; elle aura le calme,.

l'assurance, l'autorité, la majesté que nous prêtons à ceux qui, soustraits aux servitudes terrestres, voient la face de Dieu et jouissent d'une liberté totale.

«Si, comme Montaigne, je suis moi-même la matière de mon livre, j'évi­ terai de m'y étaler trop complaisamment.

Qu'importent aux siècles futurs mes digestions et mes rhumatismes? Pas plus que des détails intempestifs sur ma santé, je n'y introduirai des confidences trop intimes et inutilement humiliantes, ou des aveux cyniques, défiant toute pudeur.

Rousseau me répugne, dans ses Confes,sions, autant que ces vils mendiants qui, sur le trottoir, exhibent leurs plaies pour exciter la pitié du passant.

Mes faibles­ ses, mes abattements de cœur, toutes ces misères communes resterORt der­ rière le voile.

C'est déjà trop de René.

«Je me servirai envers autrui de la même mesure que .}'emploierai pour moi : ni malignes révélations, si ce sont des ennemis; ni: sottes flatteries, si ce sont des amis.

Je me garderai, toutefois, en publiant la vérité, de cette franchise brutale qui met sur un même pied les uns et les autres.

On saura les discerner sans peine, non seulement parce que je m'etroreerai de ne nuire en rien à ceux qui m'honorèrent .de leur amitié, mais parce que je ferai en sorte que leur nom soit, dans l'avenir, aussi beau que es"· pei,~~~~~l eut ainsi déterminé ses buts, fixé les limites et précisé l'orien­ tation générale de son ouvrage, M.

de Chateaubriand éprouva une intime· jouissance en l'embrassant d'un seul cQup d'œil, en le contemplant avec les yeux du père qui se sent revivre en son fils de prédilection.

Quelle variété dans ce vaste poème en prose! Les paysages s'y marieront aux portraits: ou aux scènes historiquesi les hymnes alternerent avec la satire, la poésie­ avec l'éloquence; l'Europe, l'Afrique, l'Asie, l'Amérique y fraterniseront; les lettres y coudoieront les arts; la religion s'y mêlera à la politique; tour à tour, le passé, le présent, l'avenir attireront le regard curieux du lec­ teur; la joie y succédera aux larmes, la pauvreté à la prospérité; sous les oommes éphémères on y verra l'éternel fond de l'homme ...

Peintre, quelles: couleu.rs .

vont sortir de son pinceau 1· Musicien, quels accents il' tirera de­ sa lyre! Penseur, il y distillera la quintessence de ses méditations! Croyant, il y confessera s.a foi.

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Tout ce qu'il n'a pu exprimer jusqu'ici et qui bouil~ lonne en son âme de feu, il le déversera dans cet.te œuvre qui sera son' chef-d'œuvre.

.. »

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