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La conscience morale est -elle une illusion?

Publié le 27/11/2011

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conscience

Le premier d'entre eux est un principe d'universalité : « Agis toujours de façon que tu puisses vouloir que la maxime de ton action devienne une loi universelle « Respecter ce principe implique de se poser la question : si tout le monde agit comme je le fais, sur quoi cela débouchera t-il? Si il est effectivement souhaitable que l'humanité entière agisse comme je le fais, alors mon action est morale. Si, au contraire, il m'est possible d'agir ainsi dans les circonstances particulières qui me sont données, mais il n'est pas souhaitable que l'humanité entière fasse de même, alors mon action n'est pas morale. On remarque ici l'originalité de la philosophie morale de Kant, où ce n'est pas le but de l'action morale qui prime, mais bel et bien sa cause, à savoir l'intention dans laquelle j'agis. Le second principe est un principe de respect de l'homme : « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais comme un moyen «

conscience

« raisonnables.

» Il s'agit d'une synthèse des deux premiers principes : on s'élève à l'idée d'une fin en soi, d'un sujetlibre (second principe), érigeant une législation universelle valable pour tous (premier principe).Pour Kant, la conscience morale est donc une expression de la raison pratique : elle est pure nécessaire etuniverselle, comme chez Rousseau.

Cependant, l'auteur de Critique de la raison pure n'emploie pas le mot "inné" : ilpréfère qualifier cette conscience morale tirée de la seule raison par le terme a priori, c'est-à-dire absolumentindépendant de l'expérience. Dans un second temps, nous montrerons que la thèse de Rousseau est contestable en plusieurs points.L'universalité et le caractère inné de la conscience morale ont ainsi été critiqués par de nombreux philosophes, qui laprésentent comme le résultat d'une assimilation impliquant de nombreux facteurs.Nos impératifs moraux, nos notions de bien et de mal, peuvent tout d'abord nous avoir été inculquées par la société: ils ne sont alors plus instinctifs, et varient en fonction des cultures (pas d'universalité).

C'est cette position quedéfend le sociologue Durkheim lorsqu'il affirme que « Quand notre concience parle, c'est la société qui nous parle ».Nos "principes de justice et de vertus" ne sont donc pas innés, mais ils nous sont incorporés par la société vial'éducation.

C'est cette conception d'une morale profondément influencée par la société, et donc par des facteurssocio-culturels, que reprend le philosophe français Henri Bergson à travers sa morale statique, théorisée dans LesDeux Sources de la morale et de la religion.

Bergson définit en effet une morale conventionnelle qui imprègne, à uneépoque déterminée, tous les aspect d'une société : elle reflète les valeurs qui en sont le ciment, et qui donne àcette société sa coloration culturelle particulière.Parmi ces valeurs constitutives d'une société, la religion a certainement une part dans l'acquisition de la consciencemorale.

Rousseau affirme lui que la religion n'est pas liée à la morale.

Mais ce-faisant, il s'oppose ainsi à laconception judéo-chrétienne de cette-dernière, où la morale est subordonnée à la religion dans la mesure où lesprescriptions morales sont conçues par le christianisme comme des injonctions de Dieu aux hommes ("Tu ne tueraspoint"), dont l'obéissance conditionne l'accès au paradis.En définitive, les sociétés et les cultures ont un rôle à jouer dans la mise en place de la conscience morale.Rousseau ne conteste d'ailleurs pas totalement cet état de fait : selon lui, il est possible dans le cadre de la viesociale de corrompre sa nature.

Mais on cesse alors d'entendre la voix profondément morale de sa conscience innée,pour la remplacer par des impératifs qui, au contraire, ne sont plus vertueux.

On retrouve le mythe du "bon sauvage"cher à Rousseau, selon lequel l'homme est bon par nature, mais corrompu par la société.Comme l'affirme Nietzsche dans le Gai Savoir, notre conscience morale peut aussi être façonnée par "nos instincts,nos penchants et nos répugnances, nos expériences et nos inexpériences".

Notre morale dépend de notre vécu, quin'est évidemment pas inné, mais aussi de notre personnalité, qui se forme au fil des années.

A un certain niveau, laconscience morale diffère donc également pour chaque individu.L'universalité de la conscience morale proclamée par Rousseau apparaît donc comme contestable dans la mesure oùnos impératifs moraux dépendent de plusieurs facteurs.

Son caractère inné se pose lui aussi comme discutable,puisque notions de bien et de mal peuvent s'acquérir progressivement, au gré de l'éducation et de la formation de lapersonnalité d'un individu.

Mais le fait même que l'acquisition des impératifs moraux se fasse à travers de processusaussi naturels que l'instruction ou l'établissement d'un caractère implique que cette acquisition ne nous apparaissepas comme purement extérieure à notre individualité.

Les hommes peuvent donc assimiler, intégrer ces impératifsmoraux de manière inconsciente jusqu'à avoir l'illusion de les trouver en soi.

La conscience morale semble alorsillusoire.

Mais la réalité ne réside t-elle pas dans un juste milieu situé entre les deux extrêmes d'une consciencemorale façonnée par de multiples facteurs extérieurs à l'individu et une conscience morale universelle et innée, tellequ'elle est conçue par Rousseau? L'essentiel n'est-il pas alors de savoir "analyser" correctement sa conscience? Cece que nous allons nous atteler à démontrer dans une troisième partie. Il serait tout d'abord possible de déployer la morale dans deux directions.

Sous son premier aspect, que l'on pourraitqualifier de philosophique, elle constituerait un ensemble de règles de conduite universellement etinconditionnellement valables.

Comme l'affirme d'Alembert dans Éléments de Philosophie , ces règles de conduite, qui« appartiennent essentiellement et uniquement à la raison et qui sont en conséquence uniformes chez tous lespeuples, ce sont les devoirs dont nous sommes tenus envers nos semblable ».

Sous son second aspect, que l'onpourrait lui qualifier de social, elle serait un ensemble de règles de conduite appartenant en propre à une sociétédonnée.

En définitive, chaque homme possèderait au fond de son âme un principe de justice et de vertu universel etinné, principe qui viendrait s'associer avec ceux, particuliers, liés à la société et à la personnalité propre del'individu.

Ils conduiraient alors à la mise en place d'une conscience morale double, se manifestant en notre forintérieur pour juger la vertu de nos actions et de celle d'autrui.

Cependant, il est nécessaire de rappeler quel'existence de cette conscience morale n'implique pas la moralité de tout homme : il existe une certaine libertéd'action par rapport à la conscience morale.

Chacun est libre de suivre cette "petite voix" qui exige souvent ce versquoi nos désirs ne nous poussent pas.

On peut à ce propos citer la célèbre formule kantienne « Tu dois, donc tupeux ».

Celle-ci a suscité des interprétations renouvelées, mais la principale demeure : l'homme DOIT satisfairel'impératif catégorique, donc il le PEUT ; et comme la liberté est une condition de possibilité de la satisfaction del'impératif catégorique, Kant en déduit que l'homme est LIBRE.Cependant, nous avons jusqu'ici admis l'infaillibilité de la conscience morale telle que Rousseau l'a proclamée.

Maiss'en remettre à sa spontanéité, n'est-ce pas préjuger de la moralité de ses sentiments? N'est-ce pas prendre lerisque, au nom de tout ce que nous dicte notre conscience, d'accomplir des actes dont la moralité est contestable?Nietzsche développe ce point dans le Gai Savoir, section 335, où il imagine un dialogue fictif entre un homme dontles pensées sont présentées comme typiques de l'opinion commune et un interlocuteur, à savoir Nietzsche lui-même,pointant les incohérences de sa position.« Mais pourquoi écoutez-vous la voix de votre conscience? Qu'est-ce qui vous donne le droit de croire que sonjugement est infaillible? Cette croyance, n'y a t-il plus de conscience qui l'examine? N'avez-vous jamais entendu. »

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