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CULTURE ET CLASSES SOCIALES

Publié le 21/08/2012

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culture

Plusieurs obstacles se posent à la caractérisation sociale des pratiques culturelles. Certes, les études sur les pratiques culturelles, menée par Olivier Donnat au sein du ministère de la culture, nous informent toujours des pratiques déclarées par les individus. Mais la compréhension de ces données est loin d’être immédiate. Après en avoir fait le constat rapide, nous verrons ce qui empêche de prendre ces « données « pour aussi fortement corrélées que l’on voudrait qu’elles le soient.  1°) Des pratiques culturelles différenciées  Comme l’avait montré Bourdieu, les classes supérieures ont un rapport privilégié à la culture classique, académique. Ce qui se traduit dans les pratiques culturelles par une fréquentation plus importante des lieux de culture, musées, salles de spectacles, monuments historiques, mais aussi cinéma qui, tout en étant une consommation culturelle de masse, reste plus pratiquée par les classes supérieures que par les autres. Les sports sont également déterminés socialement, même si, depuis « La distinction «, la hiérarchie légitime a pu se modifier. Certaines pratiques de loisirs sont fermement ancrées dans la culture populaire, comme la pétanque ou les sports de plage. La chanson de variété, bien étudié par Hoggart, est au cœur des pratiques culturelless populaires et les classes supérieures s’en sont tenu longtemps à l’écart. Enfin, dans un premier temps, les pratiques multimédias ont été et sont encore en partie l’apanage des classes sociales plutôt bien dotées en capital scolaire.

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« avoir fait le constat rapide, nous verrons ce qui empêche de prendre ces « données » pour aussi fortement corrélées que l’on voudrait qu’elles le soient.1°) Des pratiques culturelles différenciéesComme l’avait montré Bourdieu, les classes supérieures ont un rapport privilégié à la culture classique, académique.

Ce qui se traduit dans les pratiques culturellespar une fréquentation plus importante des lieux de culture, musées, salles de spectacles, monuments historiques, mais aussi cinéma qui, tout en étant uneconsommation culturelle de masse, reste plus pratiquée par les classes supérieures que par les autres.

Les sports sont également déterminés socialement, même si,depuis « La distinction », la hiérarchie légitime a pu se modifier.

Certaines pratiques de loisirs sont fermement ancrées dans la culture populaire, comme la pétanqueou les sports de plage.

La chanson de variété, bien étudié par Hoggart, est au cœur des pratiques culturelless populaires et les classes supérieures s’en sont tenulongtemps à l’écart.

Enfin, dans un premier temps, les pratiques multimédias ont été et sont encore en partie l’apanage des classes sociales plutôt bien dotées encapital scolaire.Ce qui distingue essentiellement la culture légitime des classes supérieures de la culture populaire, c’est le rapport distant ou non à la pratique.

Les classes populairesont toujours été dans un rapport immédiat de plaisir instinctif ou éventuellement utilitaire à leur pratique culturelle.

Ainsi, le sport devra mettre en valeur lapuissance corporelle, les chanteurs de variétés leur puissance vocale.

Inversement, la culture dominante privilégie la distance interprétative (cf les photos présentéespar Bourdieu et dont seuls les membres des classes supérieures envisagent qu’elles puissent donner lieu à un tableau).

La dénégation du social que constitue laculture légitime des classes dominantes fait que l’on ne fréquente pas les lieux culturels pour s’instruire (ce serait pédant), mais bien pour goûter la beauté ««évidente » du patrimoine historique.

Car les pratiques culturelles des classes dominantes s’installent dans le temps là où les classes populaires sont dans le plaisirhédoniste immédiat (Hoggart insiste même sur cette irrationalité des classes populaires qui peuvent dépenser des sommes significatives dans des plaisirs éphémères).2°) Les apories d’une sociologie compréhensive des pratiques culturelles.Pourtant, le sociologue n’a pas affaire à des cultures socialement déterminées et posées abstraitement dans l’espace social.

Il est face à des individus qui vivent leurculture à travers des pratiques dont les modalités sont complexes, évolutives (nous verrons cela en deuxième partie), mais surtout qui donnent lieu à desinterprétations individuelles difficiles à cerner.C’est à travers l’analyse des non-réponses que Bourdieu a posé le problème de la signification sociale de la pratique culturelle.

Dans son projet de connaissance del’autre, le sociologue butte sur un écueil : son propre langage culturel en poche, il est empêché, sauf à verser dans un relativisme absolu qui empêche totalement destructurer socialement et de hiérarchiser éventuellement les pratiques sociales) de comprendre le rapport des autres milieux à la culture, ou au mieux, il est condamnéà faire face à une incompréhension des enquêtés ou à une incapacité à expliciter leurs propres pratiques.

Mise à part la situation personnelle (et qui rend leur œuvre siprécieuse) de quelques sociologues issus des classes populaires, dont Hoggart est le plus fameux, Jean-Claude Passeron et Grignon ont montré dans « Le savant et lepopulaire » que les tentations du misérabilisme et du populisme en sociologie (et en littérature, titre complet) sont deux obstacles majeurs à la compréhension de laparticularité des pratiques sociales populaires, et notamment de leur rapport assez peu soumis finalement à la culture dominante.On voit bien ici que la mise relation entre une donnée aussi large (ou floue, si on préfère) que la fréquentation de l’opéra et le milieu social est loin de tout nous diresur les pratiques culturelles des milieux sociaux.

Bourdieu dans « La distinction », avait tenté de montrer comment le rapport à la musique classique, par exemple,était très différent chez les amateurs du « Clavecin bien tempéré », œuvre du patrimoine scolaire et chez les esthètes du « Concerto pour la main gauche » deDebussy.Symétriquement, signalons que la typologie même utilisée pour corréler les classes sociales aux pratiques culturelles sont loin de permettre une étude fine desdifférences culturelles par milieu social.

Sauf à définir les classes sociales par le leurs seules pratiques culturelles (ce qui serait un renversement de causalité abusif,tant les pratiques culturelles sont des constructions historiques qui ne peuvent être premières), les regroupements effectués mêlent des individus d’autant plusdissemblants que notre société est bien plus ouverte aux pratiques sociales les plus diverses qu’elle ne l’est aux positions hiérarchiques, statutaires, professionnellesou politiques.C’est justement cette capacité des pratiques culturelles à remettre en cause la hiérarchie sociale que nous nous proposons d’étudier dans une deuxième partie.II/ Les pratiques culturelles comme mode de bouleversement de la structure sociale.Nous allons essayer de montrer que si les pratiques culturelles sont bien un facteur de bouleversement des positions sociales, leur impact sur la structure sociale estsomme toute limité.A.

Démocratisation et moyennisation.La culture, dans les sociétés modernes est un vecteur de prestige puissant, qui fait que l’accès à certaines pratiques culturelles (ou à toutes, on le verra), est un enjeucollectif autant qu’individuel.

Dans la mesure où l’accès aux positions statutaires prestigieuses repose encore sur l’accès au savoir, les inégalités culturelles(puisqu’elles sont bien plus que des différences), donnent lieu à des stratégies collectives et individuelles d’accès de chacun et de tous à la culture légitime.

Ainsi,notre société démocratique ne peut se contenter d’assigner des positions culturelles établies une fois pour toutes à des « idiots culturels » qui en seraient les vecteursfigés.

En cela, elle est aussi aidée par l’industrie culturelle comme nous allons le voir après avoir rappelé ce qui pousse les individus à « sortir » de leur héritageculturel.1°) Choisir son capital culturel.Comme l’a montré François de Singly dans son analyse de l’épanouissement individuel dans le cadre familial, désormais on « choisit » son héritage.

La socialisationde la « seconde modernité » ne consiste plus à transmettre un habitus de classe mais à permettre à chacun de trouver son épanouissement (le « soi ») dans la palettesociale des positions et des préférences.

Ce qui vaut aussi ( d’abord) pour les goûts.Ainsi le sociologue a-t-il pour mission de décrypté derrière des pratiques culturelles diversifiées des « stratégies » culturelles encore plus complexes, puisquecombinant des éléments de la culture de classe avec des éléments et des pratiques culturelles « offertes » sur le marché du savoir et du loisir, et démultiplié depuis peupar les technologies de diffusion massive de l’information et de la communication.Robert Merton avait apporté, à l’aide des concepts de classes d’appartenance et de classe de référence, un outil conceptuel précis pour analyser les mouvementsmassifs qui dirigent actuellement les individus vers des pratiques culturelles de « classe moyenne ».

Ainsi, plus des trois-quarts de la population s’auto-déclare-t-ellecomme appartenant à la classe moyenne.

Or, d’un point de vue des pratiques culturelles, on n’est pas loin de la description objective (voir 2°).De plus, la capacité des individus à donner du sens à leurs pratiques fait que ceux-ci peuvent se sentir légitimement dotés d’une culture qui n’est pas celle de leurmilieu.

La dévalorisation des diplômes liée à la démocratisation de l’enseignement aboutit à un refus de l’enfermement des individus dans leur culture (ou dans leurabsence de culture).

L’hypervalorisation des droits individuels et la revendication égalitaire donne de fait à chacun le droit de s’autodéclarer lié aux pratiquesculturelles de son choix.

Il est en cela très aidé par l’industrie culturelle.2°) La culture de masse.Edgar Morin, dans « L’esprit du temps », l’avait montré dès 1962.

L’industrie culturelle n’est pas une fabrique de produits « abêtissants » réservés aux pauvresdémunis culturellement, mais que, au contraire, c’est bien par sa puissance de diffusion d’une partie des œuvres dominantes culturellement qu’elle effraie le plus lesclasses jalouses de leur capital culturel de classe.

Or, si la production de masse a une obligation de reproduction de schémas simples et standardisés, elle peut survivreque dans l’originalité.

Et comme les créateurs sont des autodidactes souvent bien dotés culturellement, la culture de masse participe au bouleversement de ladistribution sociale des œuvres et des goûts.Ainsi, le succès d’un film avec une vedette populaire (Depardieu dans « Tous les matins du monde », par exemple), peut-il instantanément populariser la musiquebaroque.

Idem concernant la modification de la hiérarchie des sports nobles, le rugby connaissant actuellement par la puissance des événements médiatisés le sortconnu en leur temps par le football et le tennis.

Cependant, ce syncrétisme apparent des pratiques culturelles autour de quelques pratiques quantitativementmajoritaires, ne doit pas cacher que la hiérarchie culturelle ne se laisse pas renverser aussi aisément.B.

La persistance des inégalités culturelles.Il y a deux arguments essentiels qui militent en faveur d’une relative stabilité des hiérarchies culturelles : le temps nécessaire à leur renversement et les stratégiesmises en œuvre pour l’éviter.. »

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