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Le dénouement DE POLYEUCTE DE RACINE

Publié le 15/03/2011

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racine

   La rafale est passée et a emporté tous les hôtes de ce palais sur un plan où ils ne sentent plus et n'agissent plus qu'avec l'extrême pointe, et la plus exaltée, de leur âme. Détail bien observé, les êtres lâches et pusillanimes ne se laissent jamais aller à ces générosités ; ils ont peur d'être dupes et, dans tout ce qui les dépasse, ils voient des pièges. Félix a été abasourdi par la démarche de Sévère en faveur de Polyeucte ; incapable de comprendre une générosité qu'aucun intérêt ne lui explique, qui va contre toutes les vraisemblances humaines, il y voit une ruse pour le perdre. C'est ce qu'il dit à son confident Albin qui, étant une âme simple, avait été touché par la requête de Sévère.    Félix.    Que tu discernes mal le cœur d'avec la mine ! Dans l'âme il hait Félix et dédaigne Pauline ; Et, s'il l'aima jadis, il estime aujourd'hui Les restes d'un rival trop indignes de lui. Il parle en sa faveur, il me prie, il menace, Et me perdra, dit-il, si je ne lui fais grâce ; Tranchant du généreux, il croit m'épouvanter. L'artifice est trop lourd pour ne pas l'éventer. Je sais des gens de cour quelle est la politique, J'en connais mieux que lui la plus fine pratique, C'est en vain qu'il tempête et feint d'être en fureur : Je vois ce qu'il prétend auprès de l'empereur. De ce qu'il me demande il m'y ferait un crime : Epargnant son rival, je serais sa victime ; Et s'il avait affaire à quelque maladroit, Le piège est bien tendu, sans doute il le perdroit ; Mais un vieux courtisan est un peu moins crédule ; Il voit quand on le joue, et quand on dissimule ; Et moi j'en ai tant vu de toutes les façons, Qu'à lui-même au besoin j'en ferais des leçons.

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« Après avoir joué la comédie comme Genest, il pourrait bien entrer dans la vérité de son rôle.

Polyeucte ne sait quepenser ; il soupçonne la ruse; mais même cette ruse émeut en lui un trouble obscur.

Et c'est pour le surmonter qu'ilenfle ses réponses jusqu'à la colère. Félix. Donne-moi pour le moins le temps de la connaître : Pour me faire chrétien, sers-moi de guide à l'être, Et ne dédaignepas de m'instruire en ta foi, Ou toi-même à ton Dieu tu répondras de moi. Polyeucte.

N'en riez point Félix, il sera votre juge ; Vous ne trouverez point devant lui de refuge : Les rois et lesbergers y sont d'un même rang.

De tous les siens sur vous il vengera le sang. Félix. Je n'en répandrai plus, et quoi qu'il en arrive, Dans la foi des chrétiens je souffrirai qu'on vive ; J'en serai protecteur. Polyeucte. Non, non persécuteur.

Et soyez l'instrument de nos félicités : Celle d'un vrai chrétien n'est que dans les souffrances ; Les plus cruels tourments lui sont des récompenses.

Dieu, qui rend le centuple aux bonnes actions, Pour combledonne encor les persécutions : : Mais ces secrets pour vous, sont fâcheux à comprendre Ce n'est qu'à ses élus queDieu les fait entendre. Félix. Je te parle sans fard, et veux être chrétien.

Polyeucte. Qui peut donc retarder l'effet d'un si grand bien ? Félix.

La présence importune... Polyeucte. Et de qui ? de Sévère ? Félix. Pour lui seul, contre toi, j'ai feint tant de colère : Dissimule un moment jusques à son départ. Polyeucte. Félix, c'est donc ainsi que vous parlez sans fard ? Portez à vos païens, portez à vos idoles, Le sucre empoisonné quesèment vos paroles.

Un chrétien ne craint rien, ne dissimule rien ; Aux yeux de tout le monde, il est toujourschrétien. Félix. Ce zèle de ta foi ne sert qu'à te séduire, Si tu cours à la mort plutôt que de m'instruire. Polyeucte.

Je vous en parlerais ici hors de saison ; Elle est un don du ciel, et non de la raison ; Et c'est là quebientôt, voyant Pieu face à face, Plus aisément pour vous j'obtiendrai cette grâce.

Les derniers mots sont apaisés ; Polyeucte n'est plus troublé par la feinte de Félix ; s'il a quelque velléité d'êtrechrétien, les mérites du martyr lui vaudront la grâce d'aller jusqu'aux effets.

Ainsi rassuré, il rentre dans cetteespèce de mauvaise humeur de l'homme qu'on a arraché à son rêve et dont on retarde, par d'inutiles hésitations, lebonheur.

J'avoue même que cette mauvaise humeur à une pareille minute me gêne.

Mais Corneille est un réaliste ; iln'oublie pas que Polyeucte est un homme, que c'est un gendre qui connaît son beau-père et qui a dû plus d'une foispercer à jour ses complications naïves et le railler.

Il le raille une dernière fois.

Par de pareilles touches, au momentle plus pathétique, la tragédie de Corneille reste en contact avec la vie. Félix.. »

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