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Et les descriptions ! Rien n'est comparable au néant de celles-ci ; ce n'est que superpositions d'images de catalogue. André Breton.

Publié le 22/02/2012

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Avec le Manifeste du surréalisme (1924), André Breton cherche d'abord à théoriser le formidable et désordonné élan artistique dont, aux côtés de Soupault, Aragon ou Desnos, il a été depuis 1919 l'un des principaux acteurs. Il s'agit de présenter au lecteur le principe même de l'écriture automatique, la logique nouvelle d'images poétiques qui jouent à conjuguer en elles les éléments les plus distants. Bref, il s'agit de baptiser et de définir le surréalisme.
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« Breton restera fidèle à la condamnation des descriptions qu'il formule dans son Manifeste de 1924.

Dans sesouvrages, il substituera à celles-ci des photographies des lieux ou des objets qu'il évoque.Que la description puisse être une facilité, on l'accordera à Breton.

Même chez un grand romancier comme Balzac,on a quelquefois l'impression que l'écrivain «tire à la ligne» lorsqu'il ne nous épargne aucun des détails de tel ou telintérieur.

D'où ces pages souvent fastidieuses que seule, chez Flaubert, sauve la perfection du style.Cependant, sauf à prononcer un oukase mitre tout le genre romanesque, on voit mal comment, et au nom de quoi,on pourrait purement et simplement proscrire la technique de la description.

Celle-ci, au même titre que le portrait,joue un rôle essentiel dans l'économie du roman permettant à l'auteur de situer physiquement, socialement et mêmepsychologiquement l'action qui se déroule et les protagonistes qui sont mis en scène.

Balzac, puisque c'est lui qu'ilconvient ici de citer, ne procédait pas autrement lorsque, au début du Père Goriot, il nous livrait sa longue etcélèbre description de la pension Vauquer.Fastidieux passage ! répondrait sans doute Breton.

Mais le propre de la littérature n'est-il pas de donner forme,beauté et cohérence à la banalité de l'existence et à la médiocrité du monde ?Par le style, la description peut se faire littérature, voire poème et Breton, sans doute, le savait, lui qui vouait uneadmiration des plus grandes au romancier Joris-Karl Huysmans (1848-1907) dont l'oeuvre, des sordides chambresque dépeignaient ses romans naturalistes (En ménage) jusqu'aux somptueuses cathédrales de la conversion (LaCathédrale) et à l'invraisemblable demeure de Des Esseintes (A Rebours), compte en son sein certaines des plusimpeccables descriptions de la littérature française.Nécessaire souvent au genre romanesque, dotée quelquefois d'une beauté propre par la rigueur d'un style, ladescription, de plus, s'est vu reconnaître un rôle central dans certains des textes de ce que l'on nomme le «nouveau roman».

Chez Robbe-Grillet surtout, mais également chez Michel Butor ou Claude Simon, on assiste en effetà une véritable hypertrophie de la description en laquelle le texte semble souvent se résorber, voire disparaître.La Jalousie de Robbe-Grillet se présente ainsi au lecteur comme une série de variations sur l'interminable descriptiond'une demeure coloniale que rythme seulement le mouvement du soleil et des ombres.

Le texte revient sans fin surles mêmes formes, sur les mêmes objets comme s'il n'avait rien d'autre à dire qu'un monde matériel mat et commeprivé de toute signification.

La description, cependant, est loin d'être gratuite.

Par son caractère obsessionnel, elletraduit la jalousie même de ce narrateur — dont nous ne connaissons que le regard qu'il porte sur les choses — quitourne en rond dans sa demeure, tourmenté par l'éventuelle infidélité de sa femme.

Obsessionnelle, la description nenous égare pas dans le monde matériel mais constitue la meilleure voie d'accès au désordre intérieur que le romanmet en scène.Dans Histoire de Claude Simon, le procédé est différent mais tout aussi importante la place de la description.

Leroman qui, tel l'Ulysse (1922) de Joyce, semble relater la journée d'un individu, est comme généré par une série dephotographies, de cartes postales que l'écriture se met à animer pour redonner vie à des personnages imaginaires oudisparus.

On voit que, ici, la description n'interrompt pas l'action, mais que, de manière bien différente, la descriptionengendre le récit.

Une image fixe se met en mouvement et donne naissance à un fragment d'« histoire ».Ouvertement, et peut-être par jeu, Claude Simon nous glisse «ses cartes postales », mais ses descriptions, au lieud'être, comme l'affirmait Breton, la négation de toute imagination, deviennent le tremplin de celle-ci et le point dedépart de l'un des plus grands romans contemporains.. »

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