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L'ÉLABORATION D'UNE SAGESSE (1837-1863) CHEZ DE VIGNY

Publié le 27/06/2011

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vigny

A quarante ans, Alfred de Vigny traversa la crise la plus cruelle de sa vie ; il s'en releva péniblement ; et jamais il ne trouva, par la suite, la sérénité d'esprit, ni les joies sentimentales, ni les satisfactions de carrière auxquelles il aspirait. Il élabora pourtant, non sans courage, une sagesse personnelle et formula pour la postérité un message poétique d'une insigne tenue.

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« Dorval en cultivant l'amitié de quelques jeunes femmes.

L'une d'elles, qui a ouvert un salon à Paris, Mme AugustaHolmès, une Irlandaise au charme impérieux, prend une place importante dans sa vie.

Il entretient unecorrespondance assidue avec plusieurs autres, en particulier avec Camilla Maunoir, une Genevoise, qui lui inspire dessentiments chastes et tendres.

On a voulu retrouver certains traits de ces deux amies, si profondément différentes,dans la mystérieuse Eva de La Maison du Berger,Ces loisirs n'empêchent pas l'écrivain d'accomplir les besognes qui lui tiennent à cœur.

Il lutte avec beaucoup deconstance pour défendre les intérêts de ses con- frères, dont il signalait déjà la détresse au temps de Chatterton ;et il publie, en 1841, dans la Revue des Deux Mondes, une lettre ouverte aux députés, De Mademoiselle Sédaine etde la propriété littéraire, dont le retentissement devait être considérable.

Il nourrit, en outre, des ambitionsacadémiques.Le Journal fait revivre avec verve et précision quelques épisodes des pénibles campagnes qu'il dut mener, de 1842 à1845, pour assurer enfin son élection.

Certains académiciens lui ménagèrent, lors de la visite traditionnelle, unaccueil qui le déçut ou l'humilia.

Royer-Collard, « vieillard aigri de se voir oublié », lui déclara sans ambages qu'ilignorait tout de son œuvre, n'ayant rien lu « de ce qui s'écrit depuis trente ans » ; Chateaubriand lui confia avecembarras que sa voix était promise à Pasquier, personnage sans titres littéraires cependant ; Thiers, Guizot,Delavigne, invoquèrent, eux aussi, d'impérieux engagements ; Barante lui reprocha l'inspiration « antisociale » deChatterton.

Vigny fut successivement battu par Pasquier, par Ballanche, par Patin, par Saint-Marc Girardin, parSainte-Beuve et par Mérimée.

Il est élu enfin au fauteuil du vaudevilliste Étienne, le 8 mai 1845.Mais il n'est pas au terme de ses humiliations.

Un matin de janvier 1846, Villemain, secrétaire perpétuel del'Académie française, vient lui demander de louer, dans son discours de réception, la famille d'Orléans, « en échangede la pairie, et d'une pairie pensionnée » ; c'était prétendre acheter, par un « ignoble marché », un reniementexplicite de son passé légitimiste : Vigny éconduisit poliment cet émissaire des ministres, en retenant le « Vaderétro, Satanas » qui lui brûlait les lèvres.

Le 29 janvier, enfin, le comte Molé, directeur de l'Académie en exercice,qui le reçoit, juge son œuvre avec une sévérité injuste, prenant notamment la défense de Richelieu contre Cinq-Mars et de Napoléon contre le troisième récit de Servitude : « J'ai peu de goût, il faut bien que je le confesse, pources atteintes si profondes portées à la vérité, et par conséquent à la moralité de l'histoire.

» Vigny ressent cetteattaque publique comme un cinglant affront, dont il cherche les motifs secrets : haine de femmes dédaignées ?d'auteurs envieux ? du roi mécontent ? Sur les dispositions royales, il est bientôt rassuré, car on lui rapporte queLouis-Philippe, devant plusieurs hauts personnages, a blâmé le discours de Molé : « Un homme honoré dans le paysne devrait pas être reçu ainsi.

» Il accepte de se rendre aux Tuileries, où on le reçoit avec bonne grâce ; et le 2juillet, il prend séance à l'Académie, M.

Molé ayant abandonné depuis la veille ses fonctions de directeur.

Mais lablessure d'amour- propre demeure ; et dans sa mauvaise humeur, l'écrivain condamne désormais avec la dernièrerigueur le régime qu'il considérait jusque là avec une indifférence désabusée :Si les courtisans doivent toujours être aussi corrupteurs et aussi corrompus, si les rois ne peuvent être que deshommes ombrageux et ennemis de tout caractère sérieux, inoffensif et qui aime la solitude contre les séductions quienchaînent la conscience, puisse la France trouver et mettre en œuvre une forme de l'état républicain qui la délivrede nos corruptions dynastiques !Doit-on s'étonner, dans ces conditions, qu'il ait pensé pouvoir jouer un rôle actif, en 1848, dans la nouvelleRépublique ? Il est définitivement las des monarchies.

Mais en haut lieu, on n'estime pas que cet ancien serviteurdes Bourbons donne des garanties suffisantes de loyalisme et on lui refuse l'ambassade de Londres, qu'il a sollicitée.Il se présente alors, avec un programme modéré, devant les électeurs charentais ; mais il s'abstient de fairecampagne et recueille, le 23 avril, un nombre de voix misérable.

Il est battu une seconde fois l'année suivante.

Ceséchecs électoraux l'affligent.

Jusqu'en 1853, il demeure éloigné presque constamment de Paris et vit dans sondomaine charentais du Maine-Giraud comme dans une terre d'exil.Cette modeste retraite entourée de bois et de prairies l'a toujours attiré.

Dès sa première visite, en 1823, il s'estépris « de son aspect mélancolique et grave ».

Il s'y est réfugié pour quelques semaines, en 1838, après les grandesépreuves, et il a célébré les vertus apaisantes du paysage qui l'entourait :Silence des rochers, des vieux bois et des plaines, Calme majestueux des murs noirs et des tours, Vaste immobilitédes ormes et des chênes, Lente uniformité de la nuit et des jours ! Solennelle épaisseur des horizons sauvages,Roulis aérien des nuages de mer !Maintenant, il s'y installe en gentilhomme campagnard ; il plante, il bâtit, il s'enorgueillit de produire, avec sesvignes, le cognac le plus pur.

Parfois, il s'isole pour travailler à la rédaction de ses mémoires.

Il vivrait heureux, si lasanté de sa femme ne lui créait des tourments quotidiens.

L'année 1848 est particulièrement mauvaise : Mme deVigny est successivement atteinte de congestion pulmonaire, de fièvre cérébrale, de maux d'estomac.

Il la soigneavec beaucoup de tendresse, non sans se repentir de l'avoir jadis délaissée.Ses amis lointains, en lui écrivant, l'empêchent d'oublier la vie parisienne : le plus fidèle est Busoni, qui reçoit parfoisses confidences.

Il correspond aussi avec sa jeune cousine, la vicomtesse Alexandrine du Plessis, une coquetted'esprit médiocre, dont le charme n'est pas sans le troubler ; avec Camilla Maunoir, toujours discrète et fidèle ; avecMme Lachaud, qu'il traite comme une fille spirituelle.

Il se souvient de Mme Holmès, qui voyage à travers le monde.

Ilapprend avec émotion, en 1849, la mort de Marie Dorval.L'instauration du Second Empire ranime un moment ses rêves ambitieux.

Le prince Napoléon, en octobre 1852, l'ainvité à Angoulême et a eu avec lui un long entretien.

Saura-t-il, mieux que les rois ou le corps électoral charentais,distinguer son mérite ? Vigny revient bientôt à Paris ; il songe à un siège de sénateur, et même au préceptorat duprince impérial ; sans jouer jamais au courtisan ni compromettre sa dignité, il donne des gages au parti de l'ordre,désavoue formellement ses idées socialisantes ou anarchisantes d'autrefois.

En vain ! on le laisse dans l'ombre.Déçu une fois de plus, Vigny renonce alors définitivement à jouer un rôle politique.

Il cherche des consolations dansla lecture, dans l'étude désintéressée, et aussi dans l'exercice de ses fonctions académiques : il assiste aux séancesavec exactitude, participe activement aux travaux du dictionnaire, fait campagne pour assurer l'élection desécrivains qui, comme Alfred de Musset ou comme Laprade, ont le mieux servi la cause des lettres ; il défend en. »

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