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Histoire et portée des "Femmes Savantes" de Molière

Publié le 07/03/2011

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   C'est le vendredi 11 mars 1672 que les Femmes Savantes furent représentées, pour la première fois, sur la scène du Palais-Royal.    Nous savons par le Mercure Galant que, deux jours avant, Molière avait fait prononcer par l'orateur de la troupe, qui était alors La Grange, une petite harangue où il mettait en garde le public contre les applications qu'on pourrait faire de sa comédie : comme l'abbé Cotin y était très clairement désigné, on est tenté de voir dans ce désaveu un moyen de provoquer et d'exciter la malignité publique plutôt que de la détourner.    Molière s'était réservé le rôle excellent de Chrysale ; il était vêtu comme un riche bourgeois : « justaucorps et haut-de-chausses de velours noir et ramage à fond aurore, veste de gaze violette et or, cordon d'or, jarretières, aiguillettes et gants «.    Le rôle de Philaminte était confié, paraît-il, à un homme, l'acteur Hubert (qui avait déjà tenu celui de Madame Jourdain), peut-être parce que l'auteur avait voulu accentuer ainsi le caractère viril du personnage, ou plutôt parce que Philaminte était « vieille « (le Répertoire de 1685 la classe dans cette catégorie) et que les actrices, toujours coquettes, recherchaient peu de tels emplois.

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« Pour finir, le chroniqueur répand quelque baume sur les blessures de Cotin : il pourra se consoler en se disant qu' «Aristophane ne détruisit point la réputation de Socrate ».

Dans un autre article, daté du 19 mars, il revient encoresur le cas du pauvre abbé et célèbre abondamment ses mérites : il est probable que cet éloge, qui a un peu l'aird'une oraison funèbre, lui avait été commandé par les derniers amis de la victime.

Du reste, ces amis n'ont pasprotesté autrement : aucune cabale contre la pièce. La première édition ne tarde pas à paraître.

Contre son habitude, Molière l'a surveillée de très près.

Depuis deux ansdéjà (fait à noter), depuis le 31 décembre 1670 il avait obtenu son privilège.

Le livre est mis en vente dès lecommencement de l'année 1673.

Il est intéressant de recueillir l'impression de deux lecteurs, après avoir eu celled'un spectateur. Ce sont deux lecteurs de marque : c'est le Père Rapin, excellent humaniste, d'esprit très large, mais qui ne va pasau théâtre ; c'est le comte de Bussy, qui n'y va plus depuis assez longtemps, étant exilé dans sa province.

Ilsjugent tous deux à distance et ils sont à peu près du même avis. Ce qu'ils admirent surtout, et ils n'ont pas tort, c'est le caractère de Chrysale, puis la querelle des deux auteurs,puis l'opposition si bien marqué entre les natures des deux sœurs. La peinture des Femmes Savantes ne les con tente qu'à moitié : Molière a laissé échapper les plus beaux traits de lapédanterie (ils ne disent pas lesquels ; il est probable que ceux auxquels ils pensent ne pouvaient pas être mis sur lascène).

Il y a des exagérations dans le caractère de Philaminte : une femme, écrit Bussy, ne chasse pas saservante « parce qu'elle ne parle pas bien français » ; le folie de Bélise lui paraît par trop invraisemblable, beaucoupplus que celle de l'Hespérie des Visionnaires. Dans son ensemble leur appréciation est très favorable.

Le P.

Rapin se déclare « content » ; le grand seigneurconclut en disant : « Les beautés de cette comédie sont grandes et sans nombre, et les défauts rares et petits ». Leurs lettres sont datées du 15 mars et du 11 avril 1673 : Molière vient de mourir : sans prévoir sa gloire future, ilssentent vaguement la grandeur d'une telle perte. Il est intéressant de noter que les deux correspondants comptent parmi leurs meilleures amies un grand nombre defemmes instruites, quelques-unes même passionnées pour l'étude, et qu'aucun d'eux n'imagine que cette pièce siplaisante puisse leur faire le moindre tort ni leur déplaire en quoi que ce soit.

Chapelain lui-même, si avancé entoutes sortes de sciences et qui a guidé tant de dames dans cette voie, appelle Molière, justement à cette époque,« le Plaute et le Térence de notre siècle ».

Tout le monde est convaincu qu'une femme se rend ridicule en tirantvanité de ce qu'elle sait : il ne semble pas qu'on ait su mauvais gré à l'auteur des Femmes Savantes d'avoir confirméce principe. Il se peut que sa pièce ait effrayé quelques maris et découragé parmi les dames quelques vocations naissantes :mais on ne voit pas que personne le lui ait reproché publiquement. L'exemple de Philaminte ne paraît pas avoir interrompu d'une façon sensible le mouvement qui portait l'élite de lasociété féminine vers la philosophie et vers les sciences.

L'année même de la mort de Molière, paraît le livre dePoulain de la Barre, De l'Egalité des deux sexes, qui élève singulièrement et pose philosophiquement, selon les règlesde la méthode cartésienne, la question de l'émancipation des femmes, qui en prévoit les progrès et qui les lie, mieuxqu'on ne l'avait jamais fait, aux progrès de leur instruction.

Si cet ouvrage n'a pas eu alors l'influence qu'il devaitavoir plus tard, il n'en a pas moins fortifié plus d'une bonne volonté. C'est à peu près à ce moment que, dans l'hospitalière maison où elle vient d'accueillir La Fontaine, Mme de laSablière commence à présider un véritable cercle de savants : à côté d'Herbelot, l'orientaliste, elle reçoitl'astronome Cassini, Bernier, voyageur et philosophe, aussi capable de renseigner la compagnie sur les mœurs del'Egypte ou de l'empire du Grand Mongol que sur le système de Gassendi.

Elle assiste aux expériences de Dalancé,aux dissections de Duverney, l'anatomiste.

Elle sera plus tard la plus chaude protectrice du physicien JosephSauveur, nous le savons par Boileau, qui, dans son injurieuse satire contre les femmes, a reproché à cette damed'avoir de telles amitiés. Malebranche, vers la fin du siècle, compte un assez grand nombre de dames parmi ses disciples, il répand parmi ellesles principes de la philosophie cartésienne avec ses propres idées : c'est Mlle de Wailly, sa parente, qui préside,chaque semaine, leurs assemblées. De nouveaux maîtres arrivent à Paris, déjà célèbres dans les provinces : Lémery, par exemple, qui va enseignerpubliquement la chimie, rue Galande : « Des dames même, dit Fontenelle, entraînées par la mode, ont eu l'audace devenir se montrer à des assemblées si savantes ». Ce Fontenelle va être leur grand introducteur dans le monde de la science ; avec une clarté admirable il poursuivralongtemps sa tâche de vulgarisateur, s'appliquant à éveiller chez elles le désir de tout comprendre, leur ouvrant lesplus vastes perspectives.

Il est revenu à plusieurs reprises sur la peine qu'il a eue, dans les commencements, àguérir plusieurs femmes vraiment instruites des scrupules de bienséance qui les obligeaient à cacher leur savoir.

Maisil n'ignorait pas que ce préjugé existait bien avant Molière.. »

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