JAURÈS — ÉVOLUTION ET PROGRÈS
Publié le 22/02/2012
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Il ne suffit pas de dire qu'une forme de la production succède à une autre forme de la production ; il ne suffit pas de dire que l'esclavage a succédé à l'antropophagie, que le servage a succédé à l'esclavage, que le salariat a succédé au servage et que le régime collectiviste ou communiste succédera au salariat. Non, il faut encore se prononcer. Y a-t-il évolution ou progrès? [...] On comprend, puisque tout le mouvement de l'histoire résulte de la contradiction esentielle entre l'homme et l'usage qui est fait de l'homme, que ce mouvement tende, comme à sa limite, à un ordre économique où il sera fait de l'homme un usage conforme à l'homme. C'est l'humanité qui, à travers des formes économiques qui répugnent de moins en moins à son idée, se réalise elle-même. Et il y a dans l'histoire humaine non seulement une évolution nécessaire mais une direction intelligible et un sens idéal. Donc, tout le long des siècles, l'homme n'a pu aspirer à la justice qu'en aspirant à un ordre social moins contradictoire à l'homme que l'ordre présent, [ et ainsi l'évolution de ses idées morales est bien réglée par l'évolution des formes économiques, mais en même temps, à travers tous ces arrangements successifs, l'humanité se cherche et s'affirme elle-même, et quelle que soit la diversité des milieux, des temps, des revendications économiques, c'est un même souffle de plainte et d'espérance qui sort de la bouche de l'esclave, du serf et du prolétaire ; c'est le souffle immortel d'humanité qui est l'âme même de ce qu'on appelle le droit. Il ne faut donc pas opposer la conception matérialiste à la conception idéaliste de l'histoire. Elles se confondent en un développement unique et indissoluble, parce que si on ne peut abstraire l'homme des rapports économiques, on ne peut abstraire les rapports économiques de l'homme, et l'histoire, en même temps qu'elle est un phénomène qui se déroule selon une loi mécanique, est une aspiration qui se réalise selon une loi idéale.
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