Julie ou la Nouvelle Héloïse
Publié le 12/04/2013
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Mis en échec par les académiciens de Dijon surpris par la hardiesse de son second Discours sur l'origine de l'inégalité, Rousseau, qui a abjuré le catholicisme, se retire en 1756 à l'Ermitage, chez Mme d 'Épinay pour écrire La Nouvelle Héloïse.
«
A ! 'Ermitage,
Rousseau rencontre
Mme d'Houdetot
et pense pouvoir vivre
un amour semblable
à celui de ses héros : «Je vis Julie en Mm e d'Houdetot »,
Les Confessions.
Le soumet
EXTRAITS
Sur la prière de Julie, effrayée
de sa passion naissante, Saint-Preux
part pour le Valais, où il découvre
les bienfaits de la nature
sur son esprit tourmenté
En effet, c'est une impression générale
qu'éprouvent tous les hommes, quoiqu'ils
ne/' observent pas tous, que sur les hautes
montagnes, où l'air est
pur et subtil, on se
sent plus
de facilité dans la respiration, plus
de légèreté dans
le corps, plus de sérénité
dans /'esprit ; les plaisirs y
sont moins
ardents, les
passions plus modérées.
Les
méditations y prennent je ne sais quel
caractère grand et sublime, proportionné
aux objets qui nous frappent, je ne sais
quelle volupté tranquille qui n'a rien d'âcre
et de sensuel.
Il semble
qu'en s'élevant
au-dessus du séjour des hommes, on y
laisse tous les senti
ments bas et ter
restres, et
qu'à
mesure qu'on ap
proche des régions
éthérées, /'âme
contracte quelque
chose de leur inalté
rable pureté.
On
y est grave sans
mélancolie, paisi
ble sans indolence,
content d'être et de
penser : tous les
désirs trop vifs
s'émoussent, ils per
dent cette pointe
aiguë qui les rend
douloureux ; ils ne
laissent au
fond du
cœur
qu'une émo
tion légère et douce ; et
c'est ainsi qu'un
heureux climat fait servir à la félicité de
/'homme les passions qui font ailleurs son
tourment.
Au cours d'une absence de M.
de
Wolmar, et
à l'occasion d'une promenade
sur le lac Léman, Saint-Preux, seul avec
Julie, se sent profondément ému
C'en est fait, disais-je en moi-même, ces
temps, ces temps heureux ne sont plus ; ils
ont disparu pour jamais.
Hélas ! ils ne
reviendront plus ; et nous vivons, et nous
sommes ensemble, et
nos cœurs sont tou
jours unis
! Il me sem
blait que j'aurais porté
plus patiemment sa
mort ou son absence, et
que
j'avais moins souf
fert tout le temps que
j'avais passé loin
d'elle.
Quand
je gémis
sais dans /'éloigne
ment,
l'espoir de la
revoir soulageait mon
cœur ; je me flattais
qu'un instant de sa
présence effacerait
toutes
mes peines ;
j'envisageais au moins
dans les
possibles un
état moins cruel que
le
mien.
Mais se trouver auprès d'elle, mais
la voir, la toucher, lui parler, /'aimer, /' ado
rer, et, presque en la possédant encore, la
sentir perdue à jamais
pour moi; voilà ce
qui me jetait dans des accès de fureur et de
rage qui m'agitèrent
par degrés jusqu'au
désespoir.
Bientôt je commençai de rouler
dans
mon esprit des projets funestes, et
dans un transport
dont je frémis en y
pensant,
je fus violemment tenté de la pré
cipiter avec moi dans les flots, et
d'y finir
dans ses bras
ma vie et mes longs tour
ments.
Cette horrible tentation devint
à la
fin si forte que je fus obligé de quitter
brusquement sa main pour passer à la
pointe du bateau.
La mort de Julie
NOTES DE L'ÉDITEUR
« L'impossibilité d'atteindre aux êtres réels
me jeta dans le pays des chimères, et ne
voyant rien d'existant qui fût digne de mon
délire, je le nourris dans un monde idéal,
que mon imagination créatrice eut bientôt
peuplé d'êtres selon mon cœur.
Jamais cette
ressource ne vint plus
à propos, et ne se
trouva si féconde.
Dans mes continuelles
extases,
je m'enivrais à torrents des plus
délicieux sentiments qui
jamais soient entrés
dans un
cœur d'homme.
Oubliant
tout
à fait la race humaine , je me fis des
sociétés
de créatures parfaites, aussi
célestes
par leurs vertus que par leur s
beautés ,
d'amis sûrs, tendres, fidèles, tels
que je n'en trouvai jamai s ici-bas.»
Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions.
« I:a réussite du grand roman donne le pou
voir de raconter l 'éc hec vécu, et d'en faire
un petit
chef-d'œuvre ironique.
Ainsi
s'éclaire la vie antérieure à la vocation littéraire
; nous
sommes conviés à constater
comment l'incomplet, l'inaccompli de
l'expérience vécue a préparé le glorieux
accomplissement imaginaire
de la fiction
romanesque.
Le" temps perdu" est récu
péré.
Rien ne
peut empêcher que l'histoire
des
jeunes années de Jean-Jacques et de ses
amours ne se
recompose désormais au
travers du discours des œuvres maîtresses.
»
Jean Starobinski, La Relation critique,
Gallimard, 1970.
1 Ro ger- Yiollet 2, 5 grav .
de Delon ay, 1 776 /N.D .
Ro ger-Yioll et 3 grav.
de Duclos/ N.D.
Roge r- Yiolle t 4 grav.
de Mir e/ N .D .
R oge r- Yiolle t R OU SSEAU 02.
»
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