Devoir de Philosophie

LA LIBERTÉ EST-ELLE L'ACCEPTATION DE LA NÉCESSITÉ ?

Publié le 10/02/2004

Extrait du document

La biologie ne rend-elle pas compte de tous nos gestes par le jeu des échanges chimiques, l'action des hormones? La psychanalyse n'éclaire-t-elle pas nos comportements les plus mystérieux à partir des « complexes » que les circonstances de notre enfance ont, à notre insu, noués dans notre psychisme ? La sociologie retrouvera à la source de nos actes les déterminations de notre éducation, de notre classe sociale, etc.Cependant, des philosophies comme le stoïcisme, le spinozisme, nous offrent un moyen de convertir en liberté cette nécessité inéluctable. Pour être libre il suffit de consentir à la nécessité, de dire oui à la succession inévitable des causes et des effets. Les stoïciens faisaient consister la liberté dans l'obéissance à la divine nécessité. « Parere Deo est libertas. » Adopter de bon coeur le déterminisme inéluctable c'est être libre. Ce que Rousseau nous demandait à l'égard de la loi civile, faisons-le devant les lois du cosmos : « L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. » L'obéissance au seul appétit est esclavage et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté.

« est libertas.

» Adopter de bon coeur le déterminisme inéluctable c'est être libre.

Ce que Rousseau nous demandait à raisonnable, l'auteur, ou encore, obéir à sa propre raison.

Obéir à sa raison, c'est être pleinement responsable de sa conduite.

Etre libre, c'est s'obliger soi-même à une conduite raisonnable,s'interdire certains débordements, en un mot c'est obéir à la loi qu'on s'est prescrite.La loi peut s'entendre ici dans un sens moral, comme dans un sens politique.

Autrement dit, les obligationsauxquelles on se soumet volontairement et librement (alors qu'on subit bon gré malgré une contrainte) sont morales,ou bien civiques.

C'est dans ce sens-ci d'obligation civique que Rousseau l'entend d'abord.

Rousseau dans le ContratSocial jette les bases d'un Etat dont les lois constituent des obligations et non des contraintes : car c'est le peuplesouverain, plus exactement la volonté générale (selon la règle de la majorité) qui décide des lois.

Ainsi chacund'entre nous, en tant que citoyen, est libre parce qu'il se soumet aux lois dont il est l'auteur, en tant que membrede la volonté générale. L'obéissance au seulappétit est esclavage etl'obéissance à la loi qu'ons'est prescrite est liberté.(Du Contrat Social) La liberté ne consiste pas à suivre nos désirs.

Ellen'est pas dans l'absence de contraintes mais dansle libre choix des contraintes que l'on se donne àsoi-même.

On peut appliquer cette idée au peuple.Un peuple libre est celui qui se donne à lui-mêmeses propres lois, ce qui définit la démocratie. Analysons, chez Spinoza , le mécanisme de cette conversion de la nécessité en liberté.

Être libre ce serait pour Spinoza être la cause adéquate de ses actes.

Or, nous ne sommes passpontanément la cause entière de nos actes.

Nous sommes des êtres finis etfaibles dans la nature, et nous sommes d'abord esclaves, c'est-à-dire que nosactes expriment notre peur de tout ce qui nous menace, bien avant derefléter nos volontés.

La joie qui exprime l'accroissement de notre pouvoir estplus rare dans la vie que la tristesse qui reflète la diminution de notrepuissance, écrasée par les forces aveugles de l'univers.

Souvent, les actesdes hommes apparaissent étranges parce qu'ils dépendent à la fois de leursdésirs et des causes extérieures.

Ainsi, bien que notre désir le plus profondsoit de persévérer dans l'existence, il y a des hommes qui se suicident.

Oubien l'avare, obsédé par l'appétit de l'or, se prive des biens les plusnécessaires à la vie quoique le seul avantage que puisse assurer la possessionde l'or soit la satisfaction de nos besoins.

A tout moment, la souffrance, lamort même nous menacent.

« Nous sommes agités de bien des façons par lescauses extérieures et pareils aux flots de la mer, agités par les ventscontraires, nous flottons inconscients de notre sort et de notre destin.

»Comment convertir en liberté cette servitude originelle de la conditionhumaine? Pour être libre, il faudrait que l'homme n'accomplisse que desactions déterminées par sa nature même et non plus par les causesextérieures : « J'appelle libre une chose qui est et agit par la seule nécessitéde sa nature, contrainte celle qui est déterminée par une autre à exister et à agir (1).

» Mais, encore une fois,comment l'homme, si fragile dans l'immense univers, parviendra-t-il à se libérer?Ici Spinoza propose une solution qui est celle de la « sagesse » antique.

Pour être libre dans l'Univers, il suffitd'accepter l'Univers; on ne peut pas avoir tout ce qu'on veut ; on se libérera, dès lors, en voulant ce que l'on a.Mais comment accepter tout ce qui nous arrive? Spinoza répond : par l'intelligence; pour être libéré il me suffit decomprendre que tout ce qui m'arrive était nécessaire, de coïncider par mon intelligence avec cette nécessitéinéluctable.

Si le malheur me frappe, quand j'aurai compris que l'enchaînement des causes et des effets dansl'univers rendait ce malheur inévitable, je serai apaisé; je cesserai de pâtir, d'envisager mes souffrances sous l'angleborné de mon individualité, pour les considérer du point de vue de la totalité, du point de vue de la liaison de touteschoses (c'est-à-dire dans le langage de Spinoza, qui confond Dieu et la nature, du point de vue de Dieu). Et je pourrai atteindre non seulement le calme mais la parfaite béatitude en comprenant que « tout découle del'éternelle détermination de Dieu avec la même nécessité qu'il découle de l'essence du triangle que la somme de sestrois angles est égale à deux droits ».La liberté se réduit en somme pour Spinoza à la conscience de la nécessité.

Mais il nous semble difficile de réduire laliberté à la résignation.Pour Spinoza, se libérer n'est-ce pas se transformer en esclave volontaire? Les esclaves de l'univers — que noussommes tous — seraient-ils d'autant plus libres que leur soumission serait plus intérieure et plus totale ? Cettethéorie porte la marque d'un siècle où le développement des techniques était encore rudimentaire, où l'hommen'avait pas encore un grand pouvoir sur la nature.Au XXe siècle, une telle attitude de résignation n'est plus suffisante.

Elle serait même un peu anormale.

Poussée à lalimite, elle découragerait toute action concrète.

A quoi bon tenter une entreprise si le résultat, quel qu'il soit, doitêtre accepté — comme inévitable ? Certains caractères faibles préfèreront même se résigner d'avance.

C'est la «résignation présomptive » décrite par des psychiatres allemands, celle du candidat qui, craignant l'échec, ne seprésente pas à l'examen, celle du commerçant qui se suicide avant la faillite.

Ainsi Gribouille devance la pluie quipourrait le mouiller, en se jetant dans la rivière.

Courir au-devant de la fatalité n'est pas se libérer.

Pour se libérervraiment, il faut dépasser ce « complexe de Gribouille ».. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles