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Le libertinage dans l'oeuvre de Diderot, Jacques le Fataliste et son maître.

Publié le 28/09/2010

Extrait du document

diderot

 

1) Le libertinage d’esprit dans Jacques le Fataliste et son maître

- lecteur fictif reproche de «  débiter des contes obscènes «

> narrateur rétorque que le plaisir sexuel est non seulement légitime mais aussi «  si naturel, si nécessaire et si juste «. Jacques, qui partage son avis, explique qu’en vertu de ce principe, les lois religieuses sont incompatibles avec les lois naturelles et que si les moines «  embrassent ce genre de vie contraire aux lois de la nature «, «  l’erreur ne dure pas « : le père Hudson, le frère Jean, en trahissant leur vœux de chasteté lui donnent raison. Il insiste sur cette réalité en énumérant les conséquences néfastes de la frustration sur «  l’être séquestré «  qui vont de la méchanceté, à la folie en passant par le désespoir. Par ailleurs, outre qu’il soit légitimé par la nécessité démographique, l’acte sexuel «  est le seul plaisir qui ne coûte rien « et dés lors il est une compensation à la misère, « on se console pendant la nuit, sans frais, des calamités du jour. « (59)

  - Amour vénal, amour passager, amour passionné, amour sensuel, de conquêtes en ruptures,  l’amour est montré sous tous ses aspects. Le parfait amour ne semble pas exister, il reste inaccessible aux humains et non sans ironie et humour, en faisant du chien du meunier paradoxalement l’amant le plus parfait, Diderot démontre la complexité de la relation amoureuse, et refuse de céder à l’idéalisation des sentiments, si peu conforme à la réalité : " [...] l'amoureux de ma Nicole ; il n'y en a pas un parmi vous [...] qu'il ne fît rougir de honte. Il vient dés la pointe du jour, de plus d'une lieue ; il se plante devant sa fenêtre ; ce sont des soupirs, et des soupirs à faire pitié. Quelque temps qu'il fasse, il reste. [...] En feriez-vous autant pour la femme que vous aimeriez le plus ?

 

2) Le libertinage des moeurs dans Jacques le Fataliste et son maître

¤ le personnage de Jacques : un libertin.

Un bon vivant : 

                     Jacques veut profiter au mieux des plaisirs de la vie : opportuniste, sans aucun scrupule à l'égard de son ami Bigre il ne rejette pas Justine, de même qu'il laisse croire à Suzanne et à  Marguerite qu'il est encore puceau.

                    Bon buveur, il apprécie le champagne que lui sert l'hôtesse et boit même sans modération ; toujours accompagné de sa gourde, il enrage quand elle est vide et il pense que le vin lui donne de l'esprit, comme le tabac en donnait à Sganarelle, le valet de Don Juan : " Tant qu'il n'y aura dans la gourde que de la tisane, je serai bête".

 

 La nécessaire « action génitale «

      - Aucun personnage n’échappe au pouvoir des sens, pas même la très vertueuse Mme de La Pommeraye qui lutte en vain contre ses penchants et renie «  les serments les plus solennels « pour « rendre le marquis heureux «, doux euphémisme pour dire qu’elle lui cède. Et Suzanne, croyant que Jacques est encore puceau à vingt-deux ans, le considère comme un garçon hors norme.

  - la relation sexuelle relève du libertinage, non du sentiment amoureux, comme le rappelle le maître à Jacques : " quand tu aurais couché avec elle (la jeune femme qui a cassé sa cruche d'huile) , tu n'en aurais pas été amoureux pour cela." (70). Bien plus, partager la couche d'une femme signifie qu'on ne la respecte pas et qu'elle n'est qu'un objet érotique : " Tous les jours, on couche avec des femmes qu'on n'aime pas, et l'on ne couche pas avec des femmes qu'on aime." (70) Ainsi, Jacques n'hésite pas à honorer Justine mais il est patient avec Denise et attend qu'elle veuille bien se laisser séduire.

             Les personnages parlent donc de leurs ébats sans pudeur et par endroit le roman s’apparente à un roman libertin ; Jacques raconte ses aventures avec Suzanne et Marguerite sans aucune pudeur. (236, 237, 238)

             - l'amour est vénal : Agathe, Melle d'Aisnon, mais plus encore sa mère, considèrent l'amour à l'aune de sa rentabilité et pour Mme d'Aisnon, c'est une tare que de n'avoir " aucun esprit de libertinage". (153)

 

La naturelle inconstance

  - La fidélité est mise à mal dans le roman de Diderot. Tout le monde trompe tout le monde et si les femmes sont victimes des infidélités des hommes, elles le leur rendent bien, Suzanne, Marguerite, la pâtissière trompent leur mari, Agathe, son amant ; personne n'éprouve de remords, l'infidélité est un état de fait qui fait partie des moeurs. Certes les victimes se désolent, surtout Mme de La Pommeraye, mais n'a-t-elle pas encouragé le marquis Des Arcis à reprendre sa liberté ? Et c'est bien plus l'orgueil, la blessure d'amour propre qui sont à l'origine de sa vengeance que le dépit amoureux.

             - L’amour est un jeu de dupes : le maître apprend à ses dépends qu’il sert les amours d’Agathe et du chevalier de Saint Ouin, Jacques dupe son ami Bigre puis Marguerite. Mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce jeu de duperie n’altère en rien les relations amicales, au contraire il les fortifie : Bigre en estima bien plus Jacques et Justine ; Suzanne et Marguerite sont les meilleures amies  « utiles l’une à l’autre, elles s’en sont aimées davantage «. C’est que l’inconstance est une loi naturelle comme le rappelle Jacques en se référant à la fable « La Gaine et le Goutelet « : «  vous fîtes bien de changer, puisque changement vous disait […] ne voyais-tu pas que Dieu te fit pour aller à plusieurs Gaines ? «. 

             - Dés lors, le mariage, engagement de fidélité par excellence, ne peut être que voué à l’échec, ainsi,Gousse quitte sa femme pour vivre avec sa servante ; bien plus le mariage apparaît comme un non sens : " [...] vous eûtes tort de vous promettre que vous ne changeriez pas. « Coutelet ne voyais-tu pas que Dieu te fit pour aller à plusieurs Gaines ; et toi Gaine, pour recevoir plusieurs Coutelets. « (144). Le maître de Jacques est effrayé à l'idée d'être contraint d'épouser Agathe et le commissaire reconnaît qu’épouser, cela serait bien dur" (290). On constate d'ailleurs que rares sont les couples légitimes, hors le paysan et sa femme, l’hôtesse et son mari, tous les autres couples sont ou « naturels « ou adultères. 

             - De plus, le mariage n’est pas synonyme de bonheur : la paysanne se plaint de ses grossesses successives et  pour Mme de La Pommeraye le mariage est synonyme de malheur car elle " avait été si malheureuse avec un premier mari qu’elle aurait mieux aimé s’exposer à toutes sortes de malheurs qu’au danger d’un second mariage.« (138)L’amour ne semble pas être un sentiment durable et la relation amoureuse est vraiment intense dés lors qu'elle ne dure pas : le marquis Des Arcis, d’abord amant passionné, capable de «  tous les sacrifices imaginables «, finit par s’ennuyer, il trouve " la vie de Mme de La Pommearye trop unie" ( 144) il " oubli[e] quelquefois de l'embrasser" ( 139)  et éprouve le besoin de retrouver une vie mondaine ; l’hôtesse avoue ne plus aimer son mari : à la question de Jacques : " Notre hôtesse, aimez-vous votre mari ?" elle répond : " Pas autrement" ( 154). Seul le mariage de Melle d’Aisnon et du marquis semble avoir résisté au temps mais il est toutefois à noter qu’il voyage sans sa femme et qu’il n’en parle pas du tout. Quant à l’union de Jacques et de Denise, nous sommes en droit de douter qu’elle échappe à la loi commune puisque la fin ultime du roman envisage l’infidélité de Denise.

 

La dangereuse passion

  - Une telle vision de l’amour résulte-t-elle du pessimisme de Diderot ou n’est-elle que le constat «  objectif « d’une réalité observée ou vécue ? Diderot ne nie pas la pureté du sentiment amoureux, Denise est touchante dans sa découverte de l’amour : elle est très attentive à Jacques, et grâce à ses soins, son " état alla de mieux en mieux" (294), elle « rougit «, elle se trouble, « devient triste quand elle croit que Jacques en aime une autre «, mais elle est très jeune et sans expérience et une des fins  des amours de Jacques envisage la trahison de Denise, comme une éventualité contre laquelle on ne peut rien : " S'il est écrit là-haut que tu seras cocu, tu auras beau faire, tu le seras." (304).

             - Diderot ne nie pas non plus la passion, l’exemple du marquis Des Arcis en est une preuve. D'abord passionné par la marquise à qui il " tâcha par tous les sacrifices imaginables de lui prouver qu'il l'aimait", d'autant plus passionné qu'elle lui résiste ( la marquise ne cède qu'au bout de plusieurs mois), ( 138), puis par Melle d'Aisnon, d'autant plus qu'elle est inaccessible, il dépérit et n’est plus maître de lui, il a " un visage de déterré et [il] rôde comme une âme en peine" (167) ; en proie au désespoir, il tente en vain de se divertir chez des prostituées ; il multiplie les ruses pour l'apercevoir ; il se confie à la marquise :  " Il faut que j'ai cette fille-là, ou que je périsse" (172). Obsédé par sa conquête (« cette créature angélique m'obsède" 168), incapable de l'oublier malgré ses tentatives, " J'ai tout fait, mais tout fait pour l'oublier ; et plus j'ai fait, plus je m"en suis souvenu" (167). Il est même de lui pardonner lorsqu'il découvre qu'elle n'était qu'un appât au service de la vengeance de Mme de La Pommeraye. 

             - Mais pour autant, Diderot veut nous mettre en garde contre les illusions et les dangers de l’amour. La passion est passagère et s'essouffle avec le temps. Par ailleurs, la passion peut-être feinte et source de malheur pour celui qui se laisse prendre au piège, tel le maître de Jacques qui s’est laissé attendrir par les larmes faussement sincères de la belle Agathe et qui en est quitte pour payer une pension à un enfant dont il n’est pas le père. La jalousie de Mme de La Pommeraye est telle qu’elle devient machiavélique ; sa haine est proportionnelle à l'amour qu'elle a éprouvé pour le marquis, " Elle étouffait d'indignation et de rage" (169) et avec un sang froid sans égal elle organise sa vengeance et demeure insensible aux tourments de Des Arcis. 

              - De plus la passion est source de souffrances. Le marquis Des Arcis avoue qu'il ne peut être"plus malheureux qu' [il l'est]" (177) et qu'il a perdu la goût de vivre " [...] la force m'abandonne ; je suis comme anéanti, ma tête s'embarasse : je deviens stupide et ne sait que devenir." (177)

 

Toutes ces femmes représentent un âge, un statut social et une situation civile particulières :

                        - Des jeunes filles, il y a celle qui est encore très sage et très prude, comme Denise, et celles qui sont beaucoup plus évoluées, comme Justine, Melle d'Aisnon, Agathe.

                        - Des femmes mariées, il a celles qui sont lassées qui sont lassées de leur situation, telle la femme du paysan, celles qui sont dégoûtées du mariage, telle Mme de La Pommeraye,, telle Mme D'Aisnon ; celles qui sont encore mariées, ( l'hôtesse), celles qui sont abandonnées ( Mme d'Aisnon), celles qui sont veuves ( Mme de La Pommeraye, la maîtresse de Desglands)

                       -  Des nobles, il y a celles qui vivent de leurs rentes, telle Mme de La Pommeraye et celles qui sont ruinées et contraintes d'exercer un métier, telle Mme D'Aisnon

                        - Des "petites bourgeoises", telle la femme du chirurgien, appelée dans le roman " doctoresse"

                        -  Des femmes du peuple, il y a les paysannes, qui vivent difficilement et qui sont moroses, telle la femme du paysan qui recueille Jacques, et celles qui goûtent la joie de vivre, telles Suzanne et Marguerite ;les employées au service des bourgeois, telles Jeanne et sa fille Denise, au service de commerçants telle Nanon, les commerçantes, telle l'hôtesse qui vit bien, ou la femme du pâtissier qui passe plus de temps avec son amant qu'à aider son mari.

Chacune représente un caractère particulier : 

                        - Compassion et générosité de la part de la femme du paysan qui bien que vivant dans la plus grande précarité n'hésite pas à porter secours à Jacques, ce que ne manque de lui reprocher son mari : " [...] conviens donc à présent que, par une compassion déplacée, tu nous amis dans un embarras dont il est presque impossible de se tirer." ( 57)

                        - Générosité égoïste et stratégique de la part de Mme de La Pommeraye qui fait preuve d'une grande prodigalité à l'égard du marquis Des Arcis pour le garder près d'elle et qui profite des difficultés financières de Mme d'Aisnon, pour l'assujettir à sa vengeance.

                        - Tyrannie de Mme de La Pommeraye à l'égard de Mme d'Aisnon et de sa fille : " [...] soumission, soumission absolue, illimitée à mes volontés..." et elle leur dicte les douze commandements qui doivent présider à leur conduite ( cf page 156)

                        - Chantage aussi puisqu'elle ajoute :" sans quoi je ne réponds de rien pour le présent, et n'engage à rien pour l'avenir." (157). De même la maîtresse de Desglands qui lui impose de renoncer au jeu sinon elle le quitte.

                        - Jalousie de la marquise qui ne supporte pas que Des Arcis la trompe.

                        - Infidélité, la maîtresse de Desglands est " libertine par tempérament" et incapable de de changer : " Comme elle connaissait sa légèreté, elle ne s'engageait point à être fidèle" (275) ; mais aussi Justine, Agathe, Marguerite, Suzanne, la femme du pâtissier.

                        - Vénalité de la part de la doctoresse qui est ravie que Jacques habite chez elle que parce qu'il est source de revenus, au point qu'elle s'insurge quand Desglands fait transporter Jacques dans son château et le supplie d'intervenir pour que son mari puisse aller lui prodiguer ses soins : " Il ne tiendrait qu'à vous de faire notre fortune. Mon mari a bien tenté à plusieurs reprises de s'y fourrer, mais inutilement." (128). Mais aussi d'Agathe, la maîtresse du maître, qui feint l'attachement  pour obtenir de son amant des largesses qu'elle partage avec le chevalier de St-Ouin.

                        - Maîtresse femme, telle l'hôtesse de l'auberge du Grand Cerf qui mène son établissement de main de maître, qui n'hésite à dire haut et fort ce qu'elle pense : elle " se lève, entreprend Jacques, porte ses deux poings sur ses deux côtés..." ( 135) et qui désabusée de sa relation avec les hommes, préfère la compagnie de sa chienne Nicole, modèle selon elle de fidélité et de tendresse : " S'il y a quelque chose de plus parfait, du moins ce n'est pas l'homme." et le chien du meunier, "amoureux" transi de sa chienne qu'elle élève au rang de parangon de l'amant parfait ( 136)

                        - Sagesse du comportement de Denise qui avait repoussé les avances du maître et qui, découvrant les premiers émois amoureux, soigne tendrement Jacques, sans pour autant l'autoriser à des privautés qu'elle juge prématurées.

                        - Perversité, de Justine qui se laisse dominer par son penchant pour le plaisir et se laisse séduire par Jacques, l'ami de son amant, mais aussi d'Agathe, qui mène de front deux relations amoureuses, l'une avec St-Ouin, l'autre avec le maître de Jacques.

 

Les femmes vues par les hommes

                        - Des êtres duels : dés le début du roman, Jacques et son maître s'entretiennent sur les femmes et émettent des points de vue diamétralement opposés : " l'un prétendant qu'elles sont bonnes et l'autre méchantes." (59) et le narrateur pour corroborer ce double jugement de  dresser un portrait antithétique de la gente féminine, aussi bien physiquement que moralement et intellectuellement: " sottes / pleines d'esprit", " fausses / vraies", " avares / libérales", belles / laides", "bavardes / discrètes", " franches / dissimulées", " ignorantes / éclairées", " sages / libertines", " folles / sensées", " grandes / petites". Ainsi, la maîtresse de Desglands est-elle " sage par raison, libertine par tempérament." ( 275) ; Mme de la Pommeraye est vertueuse mais cède aux avances du marquis ;

                        - Des objets sexuels, à la solde du désir des hommes qui ne les respectent et ne les aiment pas, comme l'affirme le maître : " Tous les jours on couche avec des femmes qu'on 'aime pas." (70). Mme D'Aisnon n'hésite pas à " prostituer" sa fille pour améliorer leur situation matérielle et elle est désolée de constater qu'elle est une piètre courtisane car elle n'a " aucun esprit de libertinage, rien de ces talents propres à réveiller la langueur d'hommes blasés" (153). Le paysan reproche à sa femme de n'être pas assidue au lit et ne manque de lui rappeler ses devoirs de femmes : " Est-ce qu'un mari a une femme pour rien ?" (59). Jacques laisse croire à Suzanne puis à Marguerite qu'il est puceau pour profiter de leur expérience.

                        - Des êtres rusés qui savent se sortir de situations qui pourtant n'étaient pas à leur avantage (Marguerite, la femme du pâtissier) : " Les femmes s'en tirent toujours bien quand on ne les a pas prises en flagrant délit." (241). 

 

Le rôle des femmes 

                        - Sur les hommes : elles exercent sans conteste un immense pouvoir de séduction sur les hommes : l'hôtesse, non sans modestie reconnaît que quand elle était jeune et mince, son charme attirait les clients dans son auberge : " On se détournait de quatre lieues pour séjourner ici." ( 150) ; le marquis des Arcis " rompit avec toutes ses connaissances, s'attacha à Mme de La Pommeraye, lui fit sa cour avec la plus grande assiduité, tâcha par tous les sacrifices imaginables de lui prouver qu'il l'aimait." (138) et quand il s'éprend de Melle d'Aisnon, bien qu'il fasse tout pour l'oublier, il n'y parvient pas, bien plus il dépérit de na pas la voir. Jacques dresse un portrait de Denise qui en dit long sur l'effet qu'elle a produit sur lui : " Une grande brune de dix-huit ans, faite au tour (= bien faite), grand yeux noirs, petite bouche merveille, beaux bras, jolies mains... Ah! Mon maître, les jolies mains ! " (111). Leur pouvoir est tel qu'elles pensent pouvoir manipuler les hommes comme elles veulent. Mme de la Pommeraye dicte au marquis ses faits et gestes, la maîtresse de Desglands essaie d'émouvoir et d'intimider les deux rivaux, mais malgré tous leurs efforts, elles perdent la partie : le marquis épouse Melle d'Aisnon, et les deux rivaux se battent en duel (pas moins de 6 car à chaque fois le rival de Desglands se remettait de ses blessures)

                        - Dans l'économie du récit : seule l'auberge du Grand Cerf joue un rôle privilégié. En effet, outre qu'elle soit un personnage intradiégétique (= qui fait partie du récit cadre, à savoir le récit du voyage et de son maître), elle joue le rôle de narrateur relais (= elle tient l'histoire de Mme de La Pommeraye, de son mari, qui la tenait de sa servante qui la tenait de la servante de la marquise) et raconte les aventures de la marquise. 

 

¤ LE CLERGÉ

              - Le clergé séculier : peu représenté si ce n'est à travers les confesseurs de Melle d'Aisnon qui outrepasse leurs fonctions et font d'elle leur maîtresse, le premier est décrit par sa mère en des termes peu élogieux : " impie, incrédule, dissolu, hypocrite, antiphilosophe." (153),avis que partage l'hôtesse : " un hypocrite, un ambitieux, un calomniateur, un intolérant" (155),  le second, vénal, joue le rôle d'entremetteur au profit du marquis des Arcis : il " vend[it] le plus chèrement possible la sainteté de son ministère, se prêta à tout ce que la marquis voulut" (172) et l'abbé qui surprend les ébats amoureux de Marguerite et de Jacques et qui est injustement accusé de tentative de séduction par le mari jaloux.

                    - Le clergé régulier : occupe une place plus importante. Qu'il s'agisse de Jean, le frère de Jacques et  de son compagnon d'infortune, frère Ange, tous deux moines de l'ordre des Carme, ou du père Hudson, supérieur d'un couvent de l'ordre des Prémontrés et des moines qu'il avait sous ses ordres, tel Richard, le secrétaire de Des Arcis, les aventures des moines font l'objet de récits secondaires qui dénoncent la perversité des moeurs des religieux (le frère de Jacques est le père de nombreux bâtards, avant que le père Hudson n'arrive, les moines étaient davantage animés par des considérations temporelles que par des ferveurs spirituelles) et l'esprit d'intrigue qui règne dans ces lieux. Le frère de Jacques, accusé de fraude pour servir son ambition, et frère Ange, accusé de détourner toutes le jeunes filles, s’enfuit du monastère. Les moines du couvent dirigé par le père Hudson se révoltent contre leur supérieur qui veut rétablir l'ordre et la prière et organisent un guet-apens pour le confondre.

                    - Le père Hudson  fait l'objet d'un long récit pris en charge par le marquis des Arcis et il représente la perversion poussée à son paroxysme. 

¤ Étude du portrait du père Hudson : (p. 206-207)

                        Derrière une l'apparence d'un moine scrupuleux, se cache un être dissolu. Physiquement il est d'une beauté parfaite : son visage concentre tous les critères esthétiques de la perfection : sa forme «  ovale «, son " grand" front, son nez, «  aquilin «, ses yeux, « grands [et] bleus «, ses joues, sa bouche, ses dents qui sont qualifiées de «  belles «, enfin, sa chevelure blanche et abondante, achève ce portait digne de servir de modèle à un peintre.

Intellectuellement, le père Hudson est brillant et cultivé, «  il a de l’esprit et des connaissances «. Moralement il est irréprochable, il a «  le propos le plus honnête «, « l’amour de l’ordre [et] du travail «. Socialement, il est très agréable. Bref, le père Hudson, se présente comme un homme plein de « dignité « et peut être considéré comme un exemple de droiture. Il rétablit les vraies valeurs spirituelles qui avaient été négligées au profit des valeurs temporelles : il expulsa les dissidents et redonna au monastère sa vocation première, celle de la prière, « il introduisit dans la célébration des offices la régularité et la bienséance « au point que le monastère devient un modèle de piété et de ferveur chrétienne

  Mais, derrière l’apparence se cache une toute autre une réalité. En effet, le père Hudson est le parangon de la paillardise, de la débauche, de l’intrigue et de la tyrannie. Á ce sujet il est important de noter la récurrence des superlatifs : « les mœurs les plus dissolus «, « le despotisme le plus absolu «, «  les passion les plus fougueuses «, « le goût le plus effréné des plaisirs et des femmes « Ainsi, ce visage parfait n’est-il pas celui d’un saint mais celui d’un séducteur hors pair et ce travailleur acharné n’est soucieux de l’ordre que pour les autres moines  car lui s’octroie toutes les libertés. Il agit avec les autres moines tel un esclavagiste, il les « assujetti[t] « et les maint[ient] « sous un joug de fer « La tyrannie dont le père Hudson fait preuve est telle quelle provoque une rébellion. Le monastère modèle, considéré comme «  une des plus édifiantes « communauté, devient un foyer de conspiration, « chacun s’occupait, en secret, à percer les ténèbres de sa conduite « dominé par l’esprit de vengeance, «  chacun avait résolu de le perdre « dans le but de démasquer le faux dévot.

  Les moines vivent selon une règle, (= la conduite dictée par un saint), dans un espace clos, « hors du monde «, consacrent leur vie à la prière et ne sont autorisés à franchir les murs du monastère qu’à titre exceptionnel, contrairement au clergé séculier, qui lui vit au contact du monde et mène une vie sociale pour prêcher l’évangile. De plus les moines, comme les prêtres font vœu de célibat. Mais le père Hudson « n’est pas dupe «, comprenons, il ne se laisse pas abuser par ce que son état lui impose et se sert de ses apparences de moine digne, respectable et scrupuleux, pour séduire tout ce qui porte jupon, « des femmes de toute condition « qu’il recrute au confessionnal. Aussi organise-t-il méthodiquement sa vie autour de la satisfaction de ses plaisirs. Il s’installe dans un appartement qui jouxte le cloître, appartement dont il a chassé, « l’abbé de l’ordre «le légitime locataire, appartement commode avec ses deux portes, «  l’une qui s’ouvrait sur la rue «, l’autre qui s’ouvrait sur le cloître «, ce qui permettait au père Hudson, qui avait pris soin de neutraliser la serrure de la porte qui donnait sur la rue et qui devait restée fermée en l’absence de l’abbé, d’aller et venir à sa guise et d’introduire qui il voulait dans ses appartements. Pour ne pas se faire surprendre, il ne se livrait à ses turpitudes que «  lorsque la nuit était avancée «. Il abuse de ses pouvoirs et se sert de la religion comme d’une arme de séduction, «  il avait corrompu toutes celles d’entre ses pénitentes qui en valaient la peine « dés lors le confessionnal n’est plus un lieu de pardon et d’humilité mais un lieu qui conduit au péché. Outre le vœu de chasteté, il bafoue la règle du décalogue qui interdit de « convoiter le femme de son voisin « et il n’hésite pas à séduire la femme du confiseur et, hypocrite expert, il évite la confrontation avec le mari trahi et le père outragé en jouant le rôle du moine dévot qui ne manque pas à ses devoirs religieux en se recueillant à l’heure de l’Angélus. Ses attitudes sont si convaincantes, il « ôte son chapeau, de lève, fait un grand signe de croix «, sa prière, récitée «  d’un ton affectueux et pénétré « est si fervente, qu’il est lavé de tout soupçon, il devient la victime d’accusations calomnieuses et le mari trompé est coupable d’avoir osé soupçonné « un saint. «

 

¤ LA NOBLESSE

                - Grandeur et déchéance : matériellement, outre Mme de La Pommeraye qui vit de ses rentes, les nobles qui parcourent le roman sont sur le déclin : le marquis des Arcis ne vit que des libéralités de la marquise ; Mme d'Aisnon, couverte de dettes est contrainte de tenir un  tripot pour subvenir à ses besoins ; le maître de Jacques, signe des lettres de change et ne doit que compter sur l'héritage que lui son père pour honorer ses dettes ; le chevalier de Saint-Ouin, Mathieu de Fourgeot trafiquent avec les usuriers.

Moralement, on assiste à une perte des valeurs : Mme de La Pommeraye est prête à tout pour se venger, elle se sert de la religion comme d'une arme au service de sa stratégie, elle manque à la parole donnée ; le chevalier de Saint-Ouin feint d'éprouver de l'amitié pour le maître de Jacques pour mieux le duper, il va même jusqu'à lui faire endosser la paternité de son propre fils et  le contraint à payer une pension.

 

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